Sommet de Grenade : coûts et risques d'un élargissement accéléré

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Trina Banderas, France-Soir
Publié le 10 octobre 2023 - 10:34
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Table de réunion
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Conseil européen
Combien de pays auront rejoint l'UE dans dix ans ? Il faudra encore faire une place à table...
Conseil européen

MONDE - Beaucoup plus de contributions, moins de fonds de cohésion ou de fonds agricoles pour les bénéficiaires traditionnels, des changements dans les priorités et les équilibres, voici quelques-uns des principaux défis qui n'ont pas été évoqués au sommet européen de Grenade.

L'élargissement de l'UE a été le thème principal de la réunion de la Communauté politique européenne qui s'est tenue à Grenade le 5 octobre dernier, réunissant les 27 chefs d'État et de gouvernement, ainsi que 22 autres voisins, amis et anciens partenaires. "Nous avons tous compris, après la guerre en Ukraine, qu'il est préférable que l'UE s'élargisse", a déclaré le président du Conseil européen, Charles Michel. Cet été, il a osé fixer une date pour l'adhésion : 2030.

Cependant, et de manière paradoxale, une question reste en suspens, le point le plus critique et le plus délicat, la priorité absolue et qui est dévalorisée : les coûts, les risques, les dangers et les conséquences énormes qu'aurait un élargissement express, pour l'ensemble des pays européens, mais aussi pour tous ces pays pris individuellement.

Réformes inévitables et réflexions cruciales

Un élargissement comporte de très nombreux aspects. Les derniers en date ont été l’extension à 10 pays en 2004, à la Bulgarie et à la Roumanie en 2007, et à la Croatie en 2013. À Bruxelles et dans les capitales, la réflexion sur ce que l'UE devrait faire avant d'accepter un nouvel arrivant a commencé discrètement. Il existe un consensus absolu parmi les politiciens, les diplomates, les fonctionnaires et les experts sur le fait qu'il serait suicidaire d'ajouter des pays membres sans réformes auparavant.

Il y a quelques jours, douze experts convoqués par les gouvernements français et allemand ont présenté leur rapport tant attendu sur la feuille de route nécessaire, et il est devenu la base de la discussion. La tâche est colossale, allant de la transformation du budget de fond en comble à la suppression, autant que possible, du processus de décision à l'unanimité. Si un assemblage de 27 pays rend déjà l'Union très inefficace, la situation deviendrait impossible avec plus de 30 gouvernements disposant d'un droit de veto permanent. Mais il faut aussi se pencher sur la composition de la Commission, les pouvoirs du Parlement européen, les mécanismes d'application de l'État de droit et les relations avec les voisins.

Impact budgétaire, politique et sociale sur les citoyens

Ce qui n'est pas abordé en public, ce sont les conséquences de l'élargissement, ses coûts économiques, politiques et sociaux. L'impact qu'il aura sur les citoyens, sur les budgets nationaux, sur les priorités communautaires, sur l'équilibre des pouvoirs, sur l'État de droit, la cohésion sociale, les débats sur l'immigration, la libre circulation. Les efforts requis de ceux qui passeront du statut de bénéficiaires de fonds à celui de contributeurs. Personne ne veut franchir le pas et il existe une compétition entre les dirigeants des institutions bruxelloises et les gouvernements nationaux pour montrer leur engagement. Mais priver les citoyens, les électeurs, d'informations est une bombe à retardement.

Une étude du secrétariat général du Conseil de l'UE, rapportée par le Financial Times mercredi, commence à mettre certains chiffres sur la table. Le coût de l'entrée des neufs pays candidats (Albanie, Bosnie-Herzégovine. Moldavie. Monténégro. Macédoine du Nord, Serbie, Turquie, Ukraine) dépasserait un quart de billion d'euros ! L'Ukraine, en tant que principal fournisseur de céréales en Europe, entraînerait une augmentation significative du cadre financier pluriannuel, le faisant passer à près de 186 milliards d'euros. Les réalignements impliqueraient une réduction de 20 % des aides agricoles, et des pays comme l'Espagne, aujourd'hui bénéficiaires, deviendraient contributeurs nets. La République tchèque, l'Estonie, la Lituanie, la Slovénie, Chypre et Malte verraient également le robinet du Fonds de cohésion se fermer.

Des chiffres que personne ne peut accepter. Mais il ne s'agit pas seulement d'argent. L'entrée de neuf pays laisserait l'Espagne et le Portugal, par exemple, plus à la périphérie encore. Un changement aux conséquences réelles et immédiates que de nombreux gouvernements, poussés par l'enthousiasme ou la pression de leurs pairs, semblent sous-estimer à moyen et long terme.

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