Xi Jinping en visite au Vietnam pour contrer l’influence américaine et construire “une communauté de destins”
MONDE - L’offensive chinoise pour contrer l’influence des États-Unis en Asie-Pacifique se poursuit. Un mois après avoir normalisé ses relations avec l’Australie, Pékin, qui critique encore ceux qui “s'efforcent de causer des troubles dans la région”, cherche à “approfondir et accroître” ses relations avec Hanoï. Le président Xi Jinping a effectué les 12 et 13 décembre 2023 une visite au Vietnam, trois mois après celle de son homologue américain Joe Biden. Ce déplacement, qui s’est clôturé par la signature d’une trentaine d’accords, s’inscrit dans la stratégie chinoise visant à consolider sa sphère d’influence dans une région où son rival Washington a également multiplié les partenariats stratégiques.
Pékin continue de renouer avec les alliés de l’Oncle Sam dans l’Océanie. Après avoir accueilli le Premier ministre australien Anthony Albanese en novembre, puis l’ex-Premier ministre néo-zélandais Chris Hipkins avant lui, Xi Jinping s’est cette fois-ci déplacé à Hanoï pour y rencontrer son homologue Vo Van Thuong et le chef du Parti communiste au pouvoir, Nguyen Phu Trong.
Ce dernier est à l’origine de la “diplomatie du bambou” du Vietnam, approche flexible qui vise à maintenir de bonnes relations avec toutes les grandes puissances, y compris rivales, comme c’est le cas des États-Unis et de la Chine. Hanoï partage les inquiétudes de Washington concernant les tensions en mer de Chine méridionale. Le président américain Joe Biden s’est d’ailleurs rendu en décembre chez ce Tigre asiatique, visite pendant laquelle un accord de partenariat stratégique global, qui s’attarde sur les plans économique et technologique, a été signé.
Communauté de destins
La Chine se devait de réagir à l'offensive américaine. Lors de sa visite, Xi Jinping a appelé les Vietnamiens à “s’opposer à toute tentative de perturber l’Asie-Pacifique”, un mois après avoir dénoncé, lors de la visite d’Anthony Albanese, ceux qui “s'efforcent de causer des troubles dans la région”. “Nous devons tout d'abord rester vigilants, et ensuite les combattre”, avait-il déclaré. Il a réitéré cette déclaration mercredi 13 décembre, selon l’agence de presse chinoise Xinhua : “Nous devons renforcer la coordination et la coopération dans les affaires internationales et maintenir conjointement un environnement extérieur sain”, a-t-il ajouté.
Le chef du Parti communiste chinois (PC) n’a pas manqué de rappeler les liens idéologiques entre les deux pays. “C’est comme si je rendais visite à des parents ou des voisins. La Chine et le Vietnam sont reliés par des montagnes et des rivières, partagent des cultures similaires, partagent les mêmes idéaux et partagent un destin commun”.
Dans un communiqué commun, les deux présidents ont exprimé leur intention de “continuer à approfondir et accroître leurs relations bilatérales”. Le déplacement du dirigeant chinois est une étape historique dans les relations bilatérales (...) contribuant à la paix, à la stabilité et au développement dans cette région et dans le monde”. Ils se sont accordés pour construire “une communauté avec un avenir commun” et “s’engager sur une route ensoleillée pour construire ensemble une communauté de destins partagés pour l’humanité”.
L’expression rappelle un document d’une vingtaine de pages, intitulé “Une communauté globale de destin partagé : les propositions et les actions de la Chine“, soumis par Pékin à l’ONU en septembre dernier et synthétisant les 10 années de diplomatie de Xi Jinping. Le document détaille la vision chinoise de la gouvernance mondiale, selon laquelle l'ère des "blocs politiques" et des "valeurs universelles" imposées par "une poignée d'Etats occidentaux" serait révolue.
De son côté, le Vietnam, courtisé par les deux premières puissances mondiales, “a accepté de construire avec la Chine une communauté stratégique sino-vietnamienne de destin partagé”. Pour Xi Jinping, “l’avenir de l’Asie n’est entre les mains de personne d’autre que les Asiatiques”. Plus de 30 accords ont été signés, dont un portant sur le développement de lignes ferroviaires entre les deux pays.
Cette visite portait également sur la sécurité et les questions maritimes, dans un contexte marqué par de vives tensions entre la Chine et les Philippines en mer de Chine méridionale.
Le rapprochement stratégique du Vietnam avec les États-Unis s’explique par les revendications sur cette mer, tout comme celles de la Malaisie, du Brunei et de Taïwan. D’ailleurs, Hanoï a exprimé en septembre son mécontentement vis-à-vis de Pékin, après la publication d’une carte officielle chinoise montrant la souveraineté de la Chine sur la quasi-totalité de cette zone, stratégique pour les échanges commerciaux mondiaux.
L’Asie-Pacifique, un monopole sino-américain
Après avoir accueilli le Premier ministre australien à Pékin, Xi Jinping s’était entretenu avec le dirigeant fidjien Sitiveni Rabuka. Leur rencontre s’était déroulée en marge du sommet de l’APEC (forum de coopération économique Asie-Pacifique), durant lequel le président chinois a été accueilli par Joe Biden.
Ce sommet a pris l’allure d’un champ de bataille d’influence entre les deux puissances économiques, avec, d’une part, les USA tentant d’instaurer de nouveaux partenariats dans cette partie du monde et, d’autre part, la Chine qui contre ce qu’elle qualifie “d’encerclement” en normalisant ses relations avec les puissances de la région.
Cette guerre d'influence entre les deux rivaux en Asie-Pacifique relègue au second plan le rôle, notamment géopolitique, que peut jouer l’Union Européenne, dont 40 % environ du commerce extérieur passe par la mer de Chine méridionale. La forte présence économique de l’UE dans la région a également été affectée en novembre, avec l‘échec des négociations portant sur son accord de libre-échange avec l’Australie, qui profite de la normalisation de ses relations avec Pékin pour reprendre un partenariat similaire.
La France, quant à elle, connaît un déclassement stratégique en Asie-Pacifique, associé à la montée en puissance de la Chine et la priorité accordée par les États-Unis à cette région depuis une décennie. Selon des chercheurs, la position jugée “ambiguë” de Paris, partagée entre une “vassalité” à l’égard de Washington, une envie, toutefois, de ne pas être “suiviste” de ces deux puissances et ses intérêts avec la Chine a contribué à cette perte d’influence.
Celle-ci s’est confirmée par l’affaire Aukus, lorsque l'Australie a annulé un contrat de 37 milliards de dollars avec la France pour la construction de sous-marins diesel-électrique, optant à la place pour des sous-marins à propulsion nucléaire fournis par les États-Unis et le Royaume-Uni. L’Asie-Pacifique ne figure pas “parmi les principaux intérêts stratégiques de la France” selon des observateurs, contrairement à l’Afrique, malgré une présence et une influence de plus en plus réduites…
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.