Zelensky demande que les entreprises françaises quittent la Russie
CHRONIQUE - Le président Volodymyr Zelensky, désormais coutumier du fait, s’est adressé à 15 h 00, heure locale, à l’ensemble de la représentation populaire française. Dans un court exposé d’une quinzaine de minutes, le président s’est davantage attelé à soigner le discours d’un conflit unilatéral, surgi de nulle part, plutôt qu’à insister sur un engagement armé de la France, comme il avait pu le faire face au Congrès américain ou plus récemment face à la Knesset.
L’expression zone de non-vol n’a pas été prononcée. Le président ukrainien a semblé préférer s’attarder à consolider dans les esprits ce qui serait d’un point de vue ukrainien l’origine des hostilités. Selon lui, jusqu’au 14 février, les négociations dans le cadre du Format Normandie, entre l’Ukraine, la Russie, l’Allemagne et la France, censées régler la question du Donbass, prospéraient. Ces efforts auraient été réduits à néant par les bombardements russes. Ce type de communication initiée par Zelensky, qu’aucun autre chef d’État d’une nation victime d’agression n’avait pratiqué avant lui, est particulier à plus d’une enseigne. Il s’agit d’une présentation sans aucun type de débat contradictoire, qui se lit comme un long communiqué et se termine par une standing ovation. Sur la question du Format Normandie, il n’y aura donc aucun contradicteur pour lui opposer que la dernière session du Format Normandie date du 12 févier 2015 et que, non seulement il n’y avait plus de négociations sur la question du Donbass, mais encore que les bombardements ukrainiens dans l’est du pays avaient repris de plus belle dans les deux semaines précédant l’intervention russe. Et que lui-même, Zelensky, avait fait voter une loi pour interdire l’usage de la langue russe dans les écoles. Chose qu’aucun de ses prédécesseurs n’avaient osé faire, dans la mesure où le russe est la langue parlée par 98% de la population d’est en ouest. Entre les manifestations perçues comme hostiles par la partie russe, il avait notamment distingué de la médaille d’Héros d’Ukraine le chef du bataillon néonazi, Pravy Sektor, auteur de nombreux crimes contre l'humanité dans le Donbass.
Le président ukrainien en cette occasion n’a pas eu recours à la comparaison appuyée avec d’autres situations tragiques de l’histoire. Son passage par la Knesset et les comparaisons houleuses entre la montée du nazisme et l’invasion russe, dans un pays qui garde un cuisant souvenir du zèle collaborateur ukrainien, lui avait alors valu une fin de non-recevoir sur toute forme d’engagement israélien. Devant les parlementaires et sénateurs français, il a toutefois comparé la ville de Marioupol avec Verdun. Il est vrai que cette ville de l’est ukrainien a fait l’objet d’un acharnement particulier de la part des Russes, dans la mesure où ces derniers la considèrent comme le repaire des miliciens les plus violents ayant infligé les pires vexations aux populations russophones de Donetsk et Lougansk. Décrivant Marioupol "comme une ville complètement paisible jusqu’à ce que les Russes arrivent", est une déclaration sujette à polémique selon les points de vue. "Ils [ndrl : les Russes] ont commencé à tuer des gens, la plupart ont survécu, mais beaucoup ont été blessés", dit-il du siège de Marioupol. Zelensky a qualifié à la suite de Biden, de "crimes de guerre", l’agression russe. Il a, en outre, évoqué la destruction d’entrepôts de médicaments et d’autres infrastructures civiles.
Il a également demandé une minute de silence pour les civils morts dans le cadre du présent conflit, mais sans aucune évocation des plus de 7 000 morts du Donbass. Il eut été élégant de mentionner ces morts là aussi, depuis 2014. D’autant que ce sont des faits connus et recensés par de nombreuses organisations dont Amnesty International, OSCE, Human Right Monitoring Mission on Ukraine. Ce geste d’apaisement, il ne l’aura jamais eu, pourtant en théorie ce sont aussi des citoyens ukrainiens. Sa représentation des faits, dans les différentes enceintes occidentales ne fait place à aucune forme d’empathie ou de reconnaissance pour les milliers d’autres victimes.
Zelensky a demandé aux entreprises françaises de quitter la Russie, en nommant spécifiquement Leroy Merlin et Auchan. Ce qui reste tout de même une forme d’ingérence dans les affaires non pas nationales, mais privées, puisqu’il s’agit de groupes privés, qui ne font pas de politique et sont présents dans beaucoup de pays, où s’attenant à des aspects institutionnels, il ne manquerait pas de motif d’en partir. Autre moment fort : lorsqu’il a remercié le "leadership" d’Emmanuel Macron et assuré que sous la présidence française de l’UE, l’Ukraine entrerait dans l’Union européenne. Cette présidence étant de six mois, il devrait s’agir d’une procédure vraiment expéditive.
Nulle allusion n’a été faite à de possibles avancées en termes de négociation avec la Russie. Comme si d’un côté, il y avait cette communication devant les parlements occidentaux où il demande que la France, en l’espèce, l’aide à restaurer son "intégrité territoriale", et puis, face à la Russie, une solution de sortie de crise qui passerait par une cession du territoire. Il est vrai qu’il y aura un moment où Zelensky perdra probablement la main sur les négociations, s’il n’arrive pas à mettre d’accord les milices et les intérêts mafieux qui les soutiennent. Une guerre de guérilla, de type guerre civile, pourrait alors s’engager, et malgré la qualité de l’unité ukrainienne que Monsieur Zelensky a vanté devant les parlementaires cet après-midi, le scénario serait alors celui d’une balkanisation du conflit.
Il a fini par une curieuse référence sur l’adieu fait à Belmondo sur la manière de quitter ce monde, qui ne devrait pas être celui de la guerre.
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