Prisons, éducation : Philippe présente un plan contre la radicalisation jihadiste

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Par Marc PRÉEL - Lille (AFP)
Publié le 23 février 2018 - 05:00
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Isolement renforcé des détenus radicalisés, contrôle accru des écoles hors contrat... Edouard Philippe a présenté vendredi à Lille un nouveau plan de 60 mesures contre la radicalisation jihadiste, un domaine où les autorités avancent encore à tâtons trois ans après les attentats de janvier 2015.

"Cette radicalisation islamiste menace notre société", a insisté le Premier ministre, flanqué d'une dizaine de membres du gouvernement, dont Nicole Belloubet (Justice), Gérard Collomb (Intérieur) ou encore Jean-Michel Blanquer (Éducation).

Le volet le plus attendu concernait les prisons; c'est la violente agression de surveillants par un détenu radicalisé à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) qui avait déclenché le vaste mouvement de protestation des gardiens en janvier.

1 500 places vont être créées "dans des quartiers étanches, exclusivement dévolus aux détenus radicalisés", dont 450 "d’ici la fin de l’année", a annoncé Édouard Philippe.

Les quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER), où la dangerosité des prisonniers est évaluée pendant plusieurs mois, passeront de trois à six (BIEN six). Et deux quartiers de prise en charge des personnes radicalisées (QPR) doivent être créés en 2018, sur le modèle de celui de la prison de Lille-Annoeulin, visitée vendredi par Mme Belloubet.

Le plan acte également la création de trois nouveaux "centres de prise en charge individualisée" en milieu ouvert, s'inspirant d'un centre au Danemark. Ils concerneront des personnes "sous main de justice" (contrôle judiciaire, bracelets électroniques...), et notamment des "revenants" des zones de combat jihadistes en Syrie et en Irak.

Sur près de 70 000 détenus en France, 512 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits de terrorisme. Et 1 139 prisonniers de droit commun ont été identifiés comme "radicalisés", selon l'administration.

Edouard Philippe a notamment insisté sur les mineurs de retour de zones de guerre jihadiste.

Défendant "une prise en charge au long cours, et notamment un suivi psychologique, pour favoriser leur réinsertion", le plan prévoit notamment la création d'une formation spécifique pour les personnels qui s'occuperont de ces "lionceaux du Califat" parfois embrigadés par l'organisation Etat islamique.

Cette mesure est cependant jugée insuffisante par Amine Elbahi, un jeune de Roubaix dont la soeur est partie en Syrie en 2014: "Le vrai problème dans ce plan c'est qu'on n'y inclut pas ceux qui sont directement concernés, à savoir les familles dont des proches sont partis en Syrie. On était prêts à contribuer, mais on n'a pas été consultés", a-t-il dit à l'AFP.

Au dernier pointage officiel, 68 mineurs, en quasi-totalité de moins de 13 ans et aux trois quarts de moins de huit ans, sont de retour en France. Environ 500 seraient encore au Levant.

- "désengagement" -

L'exécutif a aussi développé un large volet de prévention, conscient que la "déradicalisation" s'avère très délicate.

Ces difficultés à trouver une parade efficace avaient été symbolisées par l'échec du premier centre de "déradicalisation", en Indre-et-Loire, basé sur le volontariat, qui n'avait rapidement plus accueilli personne.

Le plan présenté vendredi fait suite à un premier plan de 2014 et à une série de mesures prises à la suite des attentats de 2015.

Pour le volet éducatif, outre le soutien à la laïcité à l'école et une "systématisation" de l'éducation à l'information (anticomplotisme...), l'exécutif a confirmé son adhésion à une proposition du Sénat de durcir les conditions d'ouverture d'établissements scolaires hors contrat (74 000 élèves seulement, mais en fort développement), afin de combattre l'émergence de structures islamistes.

Le gouvernement souhaite que la proposition de la sénatrice centriste Françoise Gatel "puisse aboutir rapidement et aller à son terme", a dit M. Philippe.

En appui de la campagne "Stop Jihadisme" lancée en 2016, l'exécutif veut aussi développer un "contre-discours" à la propagande jihadiste plus ciblé et moins institutionnel, ou encore mieux coordonner les alertes sur la radicalisation dans les structures psychiatriques.

Dans la lignée des décrets permettant d'écarter un militaire ou un fonctionnaire exerçant une activité sensible pour des motifs de radicalisation, le Premier ministre a également annoncé le lancement d'une mission pour étudier les cas dans la Fonction publique en général.

"Nous devons envisager de pouvoir écarter de ses fonctions un agent (...) dont le comportement porte atteinte aux obligations de neutralité, de respect du principe de laïcité, voire comporte des risques d’engagement dans un processus de radicalisation", a-t-il dit.

La mission, confiée au ministre de la Fonction Publique Gérald Darmanin, devra rendre ses propositions d'ici fin juin. "Enfin, on a un plan d'envergure, qui fait un saut qualitatif par rapport aux précédents plans en abordant la question de la radicalisation sous plusieurs angles: la justice, la santé, l'éducation, la recherche", s'est réjoui auprès de l'AFP le psychanalyste Fethi Benslama, expert reconnu de la lutte contre radicalisation jihadiste, insistant sur la nécessité de suivre "l'évaluation du dispositif".

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