Rassembler la gauche et les siens : la délicate mission de Hamon
Tendre la main à la gauche radicale et aux écologistes sans faire fuir la droite du PS vers Emmanuel Macron, amender son projet sans se renier: Benoît Hamon est engagé dans un délicat exercice d'équilibriste, avec pour objectif d'amplifier la dynamique de la primaire.
Le député des Yvelines, qui voit déjà s'activer le Premier ministre Bernard Cazeneuve pour éviter une hémorragie vers M. Macron, a pu compter mardi soir sur un appel clair de son rival défait Manuel Valls.
L'ancien chef du gouvernement a enjoint ses soutiens réunis à la maison de la Chimie à Paris de rester "ensemble" au PS, et de ne pas aller "ailleurs", comprendre chez Emmanuel Macron et son mouvement En Marche!
Benoît Hamon avait clairement maintenu le cap à gauche dès le soir de sa victoire dimanche: il souhaite proposer un contrat de gouvernement aux candidats d'EELV et de France Insoumise, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon.
Les choses sont allées bon train avec M. Jadot: les deux hommes se sont vus mardi à midi pour discuter de la création d'une "dynamique" commune. Chez EELV, les voix plaidant pour un accord avec M. Hamon sont de plus en plus nombreuses.
En revanche, l'ancien frondeur devenu candidat n'a pas encore prévu de s'entretenir avec Jean-Luc Mélenchon. Mais il a reçu mardi des signaux positifs du chef de file des députés Front de gauche, André Chassaigne, qui a formé "le vœu d'une candidature unique de la gauche antilibérale".
Ces manœuvres ne sont pas forcément vues d'un bon œil sur le flanc droit du PS, ni par les candidats à la primaire Sylvia Pinel (PRG) et François de Rugy (Parti écologiste).
Parmi les élus PS, seize députés et un sénateur majoritairement issu du Pôle des Réformateurs ont signé mardi une tribune où ils affirment se mettre en "retrait" de la campagne de M. Hamon, refusant de participer à "l'aventure aléatoire" d'"une gauche radicalisée".
- "Mèche lente" -
C'est l'autre chantier auquel M. Hamon s'est attelé: réunir la famille de "La Belle Alliance populaire", en rencontrant les équipes des candidats défaits à la primaire. M. Hamon pourrait "piocher" dans leurs programmes des éléments susceptibles de nourrir le sien, même s'il n'est pas question pour lui de dénaturer son projet.
"Je maintiendrai le cap de ce que j'ai dit", a-t-il promis lundi, tout en s'engageant à "s'enrichir de l'apport" des uns et des autres.
Son discours, lors de son investiture dimanche à la Mutualité, sera particulièrement scruté.
"On ne va pas demander au candidat élu de réécrire son programme", affirme à l'AFP le sénateur Luc Carvounas, proche de Manuel Valls. "Mais il doit mettre les éléments nécessaires pour rassembler sa famille. Il doit d'abord rassembler les socialistes. Il a jusqu'à dimanche!"
Avantage pour Benoît Hamon: Manuel Valls, s'il compte prendre du "recul", ne se retire pas de la vie politique et n'a pas envie de voir ses troupes se disperser chez le jeune Emmanuel Macron venu mordre sur son créneau.
Mais entre un Yannick Jadot, qui lui demande de rester sur son programme "écologiste, social et européen" de la primaire, et une Marisol Touraine, pour qui M. Hamon doit "changer de ligne", la voie est étroite.
A tout le moins, le vainqueur de la primaire devra "assumer" au moins en partie le bilan du quinquennat, a estimé lundi le Premier ministre Bernard Cazeneuve.
Faute de faire rapidement des "gestes" d'ouverture, M. Hamon pourrait se trouvé confronté à une fuite de parlementaires et de responsables PS en direction d'En marche!, surtout s'il ne parvient pas à "accrocher" Emmanuel Macron dans les sondages.
Cet exode n'a pour l'instant pas eu lieu, se rassurent les responsables PS. "On est loin de l'hémorragie annoncée. C'est très réduit", s'est félicité auprès de l'AFP le président du groupe PS, Olivier Faure.
"C'est une mèche lente. Il y a quand même eu deux millions de votants à la primaire, et Benoît Hamon a eu un score net. Les députés vont voir si sa campagne décolle", a admis l'un des signataires du texte des Réformateurs, Christophe Caresche.
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