RDC : tensions à la cathédrale de Kinshasa à la veille d'une marche anti-Kabila
Cathédrale envahie, barrages policiers, message de fermeté : la tension montait samedi soir à Kinshasa à quelques heures d'une manifestation des catholiques contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila en République démocratique du Congo.
Les autorités de la ville de Kinshasa ont interdit samedi l'organisation de la marche prévue pour dimanche dans la capitale, comme ils avaient interdit les précédentes.
Faute d'"itinéraire à suivre, la ville ne saurait prendre acte de votre manifestation parce que ne pouvant en garantir un encadrement efficient", a écrit le gouverneur de Kinshasa André Kimbuta aux organisateurs, le Comité laïc de coordination (CLC).
Dans la matinée, M. Kimbuta avait invité les organisateurs de la marche à une séance de travail en vue d'examiner son itinéraire. Cette rencontre n'a finalement pas eu lieu.
Pour ajouter à la confusion, en fin de journée, plusieurs centaines de militants du parti présidentiel ont envahi l'enceinte de la cathédrale de Kinshasa, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Nous sommes venus prendre possession de la cathédrale Notre-Dame du Congo pour participer à la messe de dimanche (...) et défendre la patrie", a déclaré à l'AFP Papy Pungu, le président des jeunes leaders du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD).
"Nous passerons la nuit ici", a-t-il précisé, alors que la présence des ces militants coiffés pour la plupart de bérets rouges a créé un climat de panique à Lingwala, un quartier du nord de Kinshasa.
"Ils sont venus à bord de plusieurs bus Transco (la compagnie publique de transport en commun), ils ont envahi la grotte de la Vierge, c'est de la provocation", a réagi sur place Félicité Mbula, une fidèle de la paroisse.
"L'église est fermée, nous n'avons pu avoir la messe ce soir", a-t-elle déploré.
Ces militants du PPRD "prétendent venir prier dimanche, mais on ne passe pas la nuit dans nos paroisses", a jugé Antoine Bokoka, responsable du service du protocole paroissial. Ils ont finalement quitté le lieu aux environs de 20h00 après une négociation avec la police.
- 'Objectif zéro mort' -
Le CLC a le soutien de l'épiscopat, qui a demandé aux Congolais de "demeurer debout et vigilants".
Dans la capitale, le climat est tendu, avec des barrages, où les policiers fouillent les véhicules et contrôlent les identités des passagers.
Les précédentes marches du comité laïc de coordination, qui avaient été interdites par les autorités, les 31 décembre et 21 janvier, avaient été réprimées à balles réelles, faisant une quinzaine de morts d'après l'Église, deux selon les autorités.
Le gouverneur "n'a pas pris acte de la marche de demain (dimanche) et nous a instruit de prendre des dispositions pour sécuriser la population et faire échec à quiconque tentera de troubler l'ordre public", a déclaré à des journalistes le général Sylvano Kasongo, chef de la police de Kinshasa.
"L'objectif c'est (d'avoir) zéro mort", a ajouté cet officier, visé par une plainte pour "assassinat" à l'occasion de la répression de la marche du 21 janvier.
"J'ai dit aux policiers de ne pas tirer sur la population civile. Nous avons d'autres méthodes pour maintenir l'ordre public. On a le matériel non létal, on a pas droit de tirer sur la population à balles réelles. Nous serons stricts mais courtois", a assuré le général Kasongo.
Kinshasa a estimé samedi que l’Église se livrait à un "activisme politique partisan", selon un compte rendu publié à l'issue d'un conseil des ministres tenu par le président Kabila.
Des membres du clergé "coalisés avec une frange radicalisée de l’opposition et des groupes subversifs dits +citoyens+ (...) incitent depuis peu la population au soulèvement", estime le gouvernement.
Le 26 janvier, le président Joseph Kabila avait déjà critiqué l'ingérence de l’Église catholique dans les affaires politiques en RDC lors de sa conférence de presse : "Rendons à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu".
Les catholiques demandent à M. Kabila, dont le deuxième et dernier mandat s'est achevé en décembre 2016, de déclarer publiquement qu'il ne se représentera pas à la prochaine présidentielle prévue le 23 décembre 2018.
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