BP revoit à la baisse ses objectifs de neutralité carbone pour relancer sa rentabilité
Peu après Shell, un autre géant britannique des hydrocarbures va réduire “de manière significative” ses investissements sur les énergies renouvelables. Soucieux de renflouer la trésorerie et booster la rentabilité après une forte diminution du bénéfice pendant le premier semestre 2024, British Petroleum (BP) met de côté son plan de neutralité carbone, présenté en 2020, pour répondre à des pressions économiques comme son retard vis-à-vis de ses concurrentes américaines sur le marché pétrolier et surtout, les dividendes des actionnaires.
En février 2020, BP a dévoilé un plan jugé ambitieux visant la neutralité carbone d'ici 2050 ou avant. Il était question d’une réduction de 50% de l'intensité carbone des produits vendus, la neutralité carbone pour toutes les opérations de BP, et une diminution de 50% des émissions de méthane. L'entreprise évoquait aussi des investissements accrus dans les activités à faibles émissions, tout en promettant de maintenir sa performance financière tout au long de cette transformation.
La transition verte sacrifiée sur l'autel de la rentabilité
Le géant pétrolier a réitéré ses engagements au début de l’année en cours, lors de l’annonce des résultats de son exercice de 2023. Celui-ci a enregistré un résultat net positif de 15,2 milliards de dollars après une année 2022 marquée par une perte nette de 2,5 milliards. Son DG, Murray Auchincloss, déclarait alors son intention de poursuivre le plan établi par son prédécesseur, Bernard Looney, ainsi que la volonté de la société de passer "compagnie pétrolière internationale à une société énergétique intégrée".
Ce résultat s’expliquait surtout par la sortie de BP du géant pétrolier russe Rosneft après l’invasion de l’Ukraine puisque le bénéfice hors éléments exceptionnels, c’est-à-dire l’activité opérationnelle ordinaire, a fondu de moitié, à 13,8 milliards de dollars. BP disait alors souffrir de "la baisse des marges de raffinage et de la baisse des performances des ventes de pétrole”.
La situation s’est confirmée dès juillet 2024 avec l’annonce des résultats trimestriels, qui dégagent une forte diminution du bénéfice net, avec une chute de 79%, à 2,1 milliards de dollars. Le chiffre d’affaires a également diminué de 8%, atteignant 98 milliards de dollars.
Les résultats suscitent le mécontentement des investisseurs et des actionnaires, qui mettent BP sous pression. Le plan lancé sous Bernad Looney “n’a pas remporté l’adhésion des actionnaires”, explique un analyste. L’actuel DG “cherche ainsi des moyens pour augmenter le rendement des actionnaires” avec des projets dont les retours sur investissement sont élevés, ce qui n’est pas le cas de l’éolien en mer, poursuit-il.
Lundi, le géant britannique des hydrocarbures a annoncé sa décision de réduire “de manière significative” ses investissements dans les énergies renouvelables pour relancer sa rentabilité. Cette décision a justement été annoncée lors la création d’une co-entreprise avec l’énergéticien japonais Jera, qui fusionne avec BP ses activités dans l’éolien en mer.
Avant BP, Shell, ExxonMobil et TotalEnergies
Un changement de stratégie qui passe par une réduction des investissements directs de BP dans les énergies renouvelables, notamment l’éolien. Ceux-ci étaient prévus à 10 milliards de dollars environ mais passent désormais à seulement 3,25 milliards. Ce rétropédalage était scruté depuis des mois puisque BP avait déjà annoncé en février 2023 la baisse de ses objectifs.
La diminution de sa production de gaz et de pétrole sera finalement de l’ordre de 25% en 2023 (par rapport à 2019) et pas 40%. Ce qui était encore jugé “irrationnel” de la part de certains actionnaires, comme le fonds Bluebell. Les résultats annuels de 2024, qui seront publiés le mois de février prochain, seront tout aussi scrutés par les investisseurs, qui s’attendent à un recul supplémentaire des engagements de BP en matière de transition verte.
Le géant britannique n’est pas le seul à freiner ses objectifs climatiques, ni au Royaume-Uni ni ailleurs. En mars 2024, son concurrent Shell a reconsidéré sa stratégie climatique en révisant à la baisse ses objectifs de réduction d'émissions. Le groupe vise désormais une diminution de 15 à 20% de l'intensité carbone nette de ses produits énergétiques vendus d'ici 2030 par rapport à 2016, contre un objectif précédent de 20%. Shell a également abandonné sa cible de réduction de 45% d'ici 2035, invoquant l'incertitude du rythme de la transition énergétique. Parallèlement, l'entreprise a vendu des activités d'énergies renouvelables et abandonné certains projets d'éolien offshore, de biocarburants et d'hydrogène.
Fin octobre, c’est TotalEnergies qui a annoncé une augmentation de sa production de pétrole et de gaz jusqu’en 2020. Aux États-Unis, ExxonMobil table sur une demande de pétrole quasiment inchangée en 2050 en comparaison avec les niveaux actuels.
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