Lactalis réduit encore sa collecte de lait français, au grand dam des producteurs

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 18 octobre 2024 - 10:50
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Le groupe Lactalis et la société Celia Laiterie de Craon, en Mayenne, ont été mis en examen dans l
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AFP/Archives - DAMIEN MEYER
AFP/Archives - DAMIEN MEYER

C'est laid... Le géant Lactalis a annoncé fin septembre une réduction de 9% de sa collecte de lait en France d’ici à 2030, frappant de plein fouet 800 producteurs laitiers. Derrière cette décision, une volonté à peine cachée de conserver la domination du marché mondial, qui a de graves conséquences sociales et économiques pour l’agriculture française.

Lactalis, déjà numéro un mondial des produits laitiers, a décidé de sabrer sa collecte en France : ce sont quelque 450 millions de litres de lait qui ne seront plus achetés aux producteurs français chaque année. Et pour ces derniers, la nouvelle a tout de la trahison : "Ils nous ont dit de leur faire confiance… et aujourd’hui, ils nous lâchent", déplore Jérôme Bossard, producteur de lait en Vendée, à RMC. Mais au-delà des drames individuels, cette décision soulève des questions brûlantes sur la place de l’agriculture française dans un marché mondial qui par définition, n'inclut pas les producteurs locaux.

Pour les éleveurs concernés, l'annonce est un véritable "coup de tonnerre", selon Yohann Barbe, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Victimes collatérales d'une stratégie visant à réduire les surplus de lait exportés, plus de 800 producteurs pourraient voir leurs revenus fondre. Si Lactalis se justifie par la volatilité des marchés internationaux et une volonté de se recentrer sur les produits laitiers de grande consommation, cette décision apparaît surtout comme un désengagement des territoires ruraux où ces fermes sont installées. Et ce, malgré le fait que les usines Lactalis continueront de tourner à plein régime.

"Est-ce que Lactalis va compenser cette baisse de collecte par de l'importation de lait étranger ?", prédit Yohann Barbe, redoutant que la réduction des achats ne soit qu'une façade. Comme dans bien d'autres secteurs économiques, ce scénario pourrait donner lieu à une production majoritairement industrielle, où les fermes locales n’ont plus leur place. Si tel est le cas, les grandes régions productrices que sont la Bretagne et la Normandie seront peut-être épargnées à court terme, mais devront rapidement changer leur fusil d'épaule...

"Dans mon secteur, on est 94 à être évincés de Lactalis. Que va-t-on faire ?" s’interroge Jérôme Bossard. Contrairement à ce qu’espérait la FNPL, Lactalis n’a proposé aucune solution alternative satisfaisante aux éleveurs dont le contrat prendra fin. Ces derniers n'ont d'autre choix que de trouver d'autres acheteurs, sans quoi ils risquent de devoir arrêter leur activité. Une vraie plaie quand on sait que certains viennent d'investir dans de nouveaux équipements coûteux pour améliorer la qualité de leur production. D'autant que l’annonce de Lactalis intervient alors que de nombreux éleveurs peinent déjà à maintenir à flot leurs exploitations. 

L’arrêt de la collecte pourrait signifier la fin d’un métier transmis depuis des générations. Et si l'industriel parle de travailler "en amont" avec les producteurs pour les accompagner, ces promesses sonnent creux pour beaucoup d'entre eux, qui se retrouvent pris de court, après avoir été incités à produire toujours plus.

Cette décision est la résultante d’une logique de marché qui dépasse de loin les frontières françaises. Lactalis, comme d’autres géants du secteur, fait face à une concurrence mondiale exacerbée, et les fluctuations des cours du lait poussent cette grosse vache à revoir sa stratégie d'approvisionnement. En réduisant ses volumes, le groupe espère mieux valoriser le lait restant, notamment pour la fabrication de produits transformés, comme les yaourts ou le fromage, qui se vendent mieux sur les marchés nationaux.

En d'autres termes, les éleveurs français sont sacrifiés sur l’autel de la rentabilité mondiale. Si le marché global justifie cette réorganisation pour Lactalis, il en va autrement pour les petites exploitations françaises, qui peinent à s’adapter à ces cycles de production de plus en plus brutaux. Pour Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne interrogé par France 3, "Lactalis, c'est le numéro un mondial du lait qui n'est pas capable de payer correctement ses producteurs".

Loin d’être une simple question laitière, cette crise reflète les contradictions profondes d’un modèle agro-industriel qui privilégie les profits à court terme, tout en fragilisant la pérennité des exploitations locales. Derrière les décisions stratégiques des multinationales, c’est toute une agriculture de proximité qui risque de disparaître, en France comme ailleurs. Et ce n'est pas le gouvernement français qui va corriger le tir. Si la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, s’est empressée de recevoir les représentants des producteurs de lait, ses paroles peinent à convaincre sur le terrain.

Reste la solution citoyenne du boycott, que beaucoup d'internautes appellent de leurs voeux pour faire pression sur le groupe.

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