Le PNF suspecte Sanofi de communication financière “fausse ou trompeuse” pour son médicament Dupixent, source de 11 milliards d’euros de CA cette année pour le labo
ECONOMIE - Le groupe français Sanofi est visé par une enquête du parquet national financier (PNF). Le géant pharmaceutique est suspecté d’avoir diffusé des informations fausses ou trompeuses et de s’être livré à une manipulation de cours. Les soupçons concernent le lancement en 2017 du médicament Dupixent, un "blockbuster" du laboratoire et source de plus de 10 milliards d’euros de ventes annuelles. Sanofi a affirmé ne pas être “au courant” de cette enquête, dont l’ouverture a été dévoilée par La Lettre et confirmée par plusieurs médias.
Selon le quotidien d’investigation La Lettre (anciennement La Lettre A), cette enquête préliminaire a été ouverte par le PNF en mars dernier, pour diffusion d’information fausse ou trompeuse et manipulation de cours. Il s’agit d’une opération frauduleuse qui consiste à modifier le cours d’une valeur, à l’aide de manœuvres pouvant faire démarrer ou stopper une tendance du marché. Le but est de donner des indications trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier.
Une croissance exponentielle sur la base d’une fraude ?
C’est la communication financière du laboratoire pharmaceutique qui est remise en cause par l’enquête du PNF, confiée à la brigade financière, et Sanofi est suspecté d’avoir eu recours à cette communication pour convaincre les marchés financiers des très bonnes perspectives attendues pour le lancement d’un de ses médicaments.
Le Dupixent, de son nom scientifique dupilumab, produit phare du groupe pharmaceutique, a été lancé en 2017. Ce médicament est particulièrement utilisé pour traiter l’asthme et l’eczéma. Dupixent est considéré comme un “blockbuster”, terme utilisé pour désigner un médicament qui génère plus d’un milliard d’euros par an pour son fabricant, seuil largement dépassé par le produit de Sanofi.
Au troisième trimestre 2019, les ventes s’étaient établies à plus de 1,39 milliard d’euros dans 30 pays. Un résultat qui devait beaucoup à l’arrivée du Britannique Paul Hudson au poste de DG du groupe. En 2022, les ventes de Dupixent ont bondi de 43,8% par rapport à 2021 pour s'établir à 8,29 milliards d'euros, représentant 20% du chiffre d’affaires total du laboratoire français, qui s’est alors fixé, pour objectif, d’atteindre la barre de 10 milliards d’euros. Un chiffre dépassé au troisième trimestre de l’année en cours, avec près de 11 milliards d’euros.
Une source judiciaire, sollicitée par l’AFP, n’a pas dévoilé si la brigade financière a procédé à des perquisitions ou à des gardes à vue dans le cadre de cette enquête préliminaire. Sanofi a affirmé ne pas être “au courant” de cette enquête. “En tant que société cotée, les informations financières que Sanofi publient sont exactes, précises et sincères, et sont par ailleurs dûment auditées par deux cabinets de commissaires aux comptes”, a réagi le groupe dans un document transmis à l’AFP.
Condamné dans l’affaire Dépakine, Sanofi fait l’objet d’une autre enquête
En plus de traiter des maladies inflammatoires chroniques de la peau et l’asthme, le Dupixent est utilisé dans certains pays comme traitement de pathologies des sinus ou encore des maladies chroniques de l’œsophage. Les chiffres réalisés par le médicament inquiètent néanmoins les investisseurs, qui pointent du doigt la dépendance de Sanofi au Dupixent dont le brevet tombera dans le domaine public en 2031. Cela signifie que d’autres laboratoires seront en mesure de le fabriquer et de le commercialiser, sans porter atteinte au brevet du laboratoire français.
Des appréhensions que Sanofi écarte du revers de la main, en annonçant avoir renforcé ses investissements dans la recherche et le développement. L’objectif de créer d’autres médicaments susceptibles de devenir “de nouveaux moteurs de croissance”. Conséquence de cette décision : le groupe abandonne son objectif de marge pour 2025.
En mai 2022, Sanofi, mis en examen en 2020 pour “tromperie aggravée” et “homicides involontaires”, a été condamné à indemniser, à hauteur de 450 000 euros, une famille dont la fille a été exposée à la Dépakine, pour un manque d’information dans la notice.
L’affaire a débuté en 2011 et pris une tournure judiciaire en 2015, lorsque le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire. Une année plus tard, le ministère de la Santé annonce la création d'un Fonds d'Indemnisation pour les victimes, géré par l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Sanofi refuse toutefois de contribuer à ce fonds d'indemnisation.
Une intransigeance attribuée par la presse à Serge Weinberg, président du Conseil d’administration du laboratoire français et président, également, du club Dolder, un Bilderberg ultra-secret du Big Pharma. Malgré cette affaire, les patrons des plus grands laboratoires pharmaceutiques se sont réunis en 2018 à Paris, où ils ont été conviés à un dîner à l’Elysée par le président Emmanuel Macron, proche de Serge Weinberg, qui l’a introduit chez Rothschild.
En octobre 2022, un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Paris a été saisi d'une autre enquête, concernant les potentiels rejets toxiques de l'usine Sanofi de Mourenx (Pyrénées-Atlantiques), pour déterminer si une quantité de valproate de sodium dangereusement supérieure à la norme autorisée est rejetée. L’enquête est toujours en cours.
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