Limoges : un diplôme pour défendre les animaux
Le Code civil au service de la défense des animaux: c'est en pleine terre d'élevage, depuis Limoges, où se trouve le plus gros abattoir municipal de France récemment épinglé pour l'abattage de vaches en gestation, que des universitaires ont lancé le premier diplôme de droit animalier de France. "Notre constat, dès 2013, était que le droit animalier n’a jamais existé en tant que tel. Chaque type de droit a proposé une accumulation de dispositions en fonction de ses besoins: le Code civil, le Code rural, le Code de l’environnement... Il nous semblait pertinent de proposer une formation pointue mais large sur le sujet", résume Lucille Boisseau-Sowinski, enseignante et co-directrice de ce diplôme unique en son genre avec Jean-Pierre Marguénaud, fondateur de la Revue semestrielle de droit animalier qui fait référence en France.
Inaugurée en septembre dernier à Brive (Corrèze) par l'Université de Limoges, en partenariat avec la Fondation 30 Millions d'Amis, cette formation s'adresse autant à des étudiants en droit qu'à des professionnels de divers horizons: vétérinaires, comportementalistes animaliers, avocats, magistrats, etc. Seule condition pour intégrer cette formation transdisciplinaire, qui mêle enseignement du droit, de la philosophie et de l'éthique, justifier d'un bac+2. Pour sa première session d'une cinquantaine d'heures, le diplôme universitaire (DU) de droit animalier a refusé du monde: plus de 80 candidatures pour trente places seulement. Un succès tel qu'une deuxième session est déjà prévue dès janvier prochain.
C'est notamment grâce à la loi du 16 février 2015 qui modifie le Code civil que cette formation a pu voir le jour. Car si, "sous réserve des lois qui les protègent", les animaux y restent "soumis au régime des biens", ils sont aussi "considérés comme des êtres vivants doués de sensibilité". Un progrès mais une formulation encore ambiguë, d'où la volonté affichée du DU de droit animalier de rendre plus "lisible" cette législation complexe pour l'enrichir et la faire évoluer, expliquent ses initiateurs. Pour aller au bout de cette logique, ils ont même créé un prix qui récompensera chaque année la meilleure proposition d'amendement dans le domaine du droit animalier rédigée par les étudiants du diplôme.
Et les experts de l'Université de Limoges montrent l'exemple. En novembre, quelques jours seulement après des vidéos-chocs de l'association L214 montrant des veaux presque à terme arrachés du ventre de leur mère à l'abattoir municipal de la ville, ils ont publié une proposition de décret encadrant l'abattage des vaches gestantes en France. Ce texte rédigé par dix spécialistes modifierait le Code rural pour interdire l'abattage de femelles gestantes "à partir du dernier tiers du développement normal du foetus". Il comblerait ainsi, selon eux, "une lacune juridique rendant l'abattage des femelles gestantes légal" pour lesquelles "aucune règle particulière" n'est prévue dans la législation.
Actuellement, la législation européenne interdit le transport des animaux, et de fait leur abattage, à compter de 90% du terme de la gestation, ce qui équivaut à huit mois pour une vache. Pour le collectif de Limoges, mené par le pionnier du droit animalier Jean-Pierre Marguénaud, "la réponse européenne à cette problématique sera longue à obtenir" mais rien n'empêche la France de légiférer sur les pratiques autorisées sur son territoire. "Les règles relatives à l’abattage des animaux relevant de la compétence réglementaire et non législative, c’est au Premier ministre d’adopter de nouvelles dispositions", concluent les spécialistes.
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