Que font les magistrats et où va la justice pendant ce confinement ?

Auteur(s)
France-Soir
Publié le 17 avril 2020 - 13:25
Mis à jour le 18 avril 2020 - 18:42
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Nicole Belloubet, Ministre de la Justice, garde des sceaux
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ludovic MARIN / AFP
La Ministre de la Justice a fort à faire pour accompagner les magistrats pendant le confinement
ludovic MARIN / AFP

Avec l’instauration du confinement, les tribunaux de France sont désertés depuis un mois par les magistrats, les greffiers et les avocats. Cet abandon est à l’origine d’un arrêt de la justice en France, un arrêt qui ne restera pas sans conséquences sur le système judiciaire français.

Le Ministère de la Justice, impuissant face à une crise imprévisible
Décrivant la situation devant le Sénat, la Ministre de la Justice, Mme Nicole Belloubet expliquait le 9 avril dernier que « 1 800 à 2 000 magistrats sont effectivement présents dans les juridictions » pour assurer la continuité du service public. Pourtant, la réalité semble être bien différente selon une enquête publiée par les journalistes du Monde. Ainsi, si le plan de continuité prévoyait 29 « parquetiers » (sur un total de 125) pour Paris, le plus important parquet du pays, ils étaient moins d’une vingtaine à assurer effectivement celle-ci.

Car, ce plan pour empêcher la rupture de la chaine judiciaire n’est pas national, mais voté par chacune des juridictions françaises, et en la matière, force est de constater, que seules les urgences sont assurées sur tout le territoire.

Le télétravail, une option difficile à mettre en œuvre pour les magistrats. La justice est à l’arrêt au quotidien, non pas que les magistrats ne puissent pas télétravailler depuis leur domicile, mais tout simplement que la justice supporte mal les contraintes du confinement. Ainsi, pour les procédures civiles (2.2 millions de décisions en 2018), la décision doit être signée par le juge mais aussi par un greffier, préalable nécessaire à la remise à un huissier. Ces échanges de papier étant devenus dangereux mais aussi et surtout aléatoires, les procédures se retrouvent bloquées.

Pourtant, des solutions existent comme le démontrent depuis le début de la crise les Tribunaux de commerce. C’est ce que confirme Me Louis Thevenot (Cabinet Coteg Azam)

"Les Tribunaux de commerce ont su, plus que les juridictions civiles, s’emparer rapidement de la difficulté essentiellement en matière d’entreprises en difficulté puisque les ouvertures de procédures collectives demeurent grâce aux outils numériques. L’ouverture de redressement ou de liquidation judiciaire a donc été rendu possible grâce à la visioconférence."

Et pourtant, les juridictions civiles et pénales de notre pays semblent bel et bien à l’arrêt aujourd’hui, contrairement à ces tribunaux de commerce qui ont du s’organiser pour faire face.

La justice d’urgence et un état d’urgence sanitaire insuffisants pour faire fonctionner la justice. Pourtant, dès le début du confinement, les autorités publiques avaient prévu d’adapter le fonctionnement de la justice à cette situation exceptionnelle. L’ordonnance du 25 mars, signée dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, prévoyait ainsi la possibilité de procédures sans audience. Mais cela nécessite du temps (les avocats des deux parties, qui doivent au préalable accepter cette procédure d’exception, devant alors remettre des mémoires écrits) et les premières semaines du confinement n’ont pas permis d’avancer sur les dossiers en souffrance.

Les comparutions immédiates, véritable socle de l’activité pénale d’urgence, sont assurées tant bien que mal, puisqu’elles nécessitent la présence de 3 juges et d’un magistrat du parquet.

Un retard qui s’aggrave chaque jour, un drame pour la justice en France.  Sous couvert d’anonymat, un avocat du barreau de Paris s’alarme :

"Il faut compter sans la justice en confinement ! Sauf procédures d’exception je ne sais pas ce qu’ils font. Seules les décisions des juges sur les cas d’urgence sont rendues.

D’innombrables référés sont en attente, de nombreux dossiers sont en souffrance, des magistrats sont en attente des saisies du greffier, …. C’est toute la chaine de la Justice qui se retrouve à l’arrêt et paralysé par cet état de fait. Les magistrats, dans leur ensemble s’inquiètent de cette situation, mais aussi et surtout d’un retour à la normale. En effet, si le déconfinement est organisé progressivement à partir du 11 mai prochain, les greffes de toutes les juridictions se retrouveront submergés par les dossiers à régulariser, alors que depuis des années, les greffiers dénoncent continuellement un manque de moyens. Une situation, qui pourrait conduire à un engorgement complet et donc à une paralysie du système judiciaire français."

Les conséquences de cette crise sanitaire ne seront donc pas que sociaux et / ou économiques, puisqu’elles impliqueront de s’interroger sur la réelle continuité judiciaire en temps de crise. Toujours est-il, que les magistrats, avocats et greffiers seront eux en première ligne à la sortie de cette période exceptionnelle, même s’il est difficilement envisageable, que leurs efforts suscitent alors des applaudissements quotidiens, et pourtant ….

Le confinement devrait permettre aux magistrats de récupérer les retards accumulés sur certains dossiers, même si on peut s’interroger sur les décisions qui ne manqueront pas d’être prises par le gouvernent pour gérer les conséquences judiciaires de l’état d’urgence sanitaire.

A l’heure de la transformation digitale, de la dématérialisation de bien des procédures administratives, de l’usage de la signature électronique par les notaires, est-il envisageable de voir la justice rentrer totalement dans l’ère du digital en sortie de crise ?

 

 

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