Après l'ouragan d'Hélène, frustration et désinformation sur l'aide alimentent la défiance
Janet Musselwhite est en colère. Dans les montagnes de Caroline du Nord ravagées par l'ouragan Hélène, la frustration autour d'une aide de l'Etat fédéral américain perçue comme trop faible et tardive, nourrit le ressentiment contre les autorités.
Les agents fédéraux "ont fait la même chose pour Katrina (en 2005), ils ont attendu, attendu, attendu et des gens sont morts", allègue âprement cette femme d'une soixantaine d'années, qui se restaure dans une petite caserne de pompiers transformée en refuge à Pensacola.
Dix jours après les inondations dévastatrices provoquées dans le sud-est du pays par Hélène, qui a entraîné la mort d'au moins 230 personnes, le sujet de l'aide est toujours aussi brûlant.
Donald Trump et les républicains accusent l'Etat fédéral, aux mains des démocrates, d'avoir fait trop peu, trop tard, pour porter assistance aux sinistrés, ce que le président Joe Biden et sa vice-présidente Kamala Harris, candidate à la présidentielle du 5 novembre, contestent fermement.
Alors qu'un nouvel ouragan très puissant arrive sur la Floride, l'enjeu politique est crucial : la Caroline du Nord - comme la Géorgie voisine également touchée - fait partie de la poignée d'Etats décisifs dans lesquels se jouera ce scrutin très indécis.
Selon de nombreux rescapés interrogés par l'AFP en Caroline du Nord, ce sont avant tout des bénévoles qui sont venus en aide à titre individuel aux habitants face au manque d'accès à l'eau, à l'électricité, à la nourriture.
"Les locaux ont été géniaux", assure Janet Musselwhite. Quid des autorités, de l'Etat fédéral ? "C'est le gouvernement", lâche-t-elle. Comprendre : elle n'en attend rien, surtout s'il est démocrate.
A côté, son amie Randi nuance : "C'est quand même un peu tôt" pour fustiger les autorités.
Est-ce à cause des critiques des républicains ou en raison d'un réel manque ? Toujours est-il que Joe Biden a ordonné, au fil de la semaine, le déploiement de 1.500 soldats supplémentaires pour assister la population.
Donald Trump avait accusé jeudi les démocrates d'avoir "volé l'argent" de l'agence fédérale de réponse aux catastrophes naturelles (Fema), "afin de pouvoir le donner à leurs immigrés illégaux".
La porte-parole de la Maison Blanche a fustigé lundi les "escrocs" et les "personnes qui font passer la politique avant les gens" en faisant circuler des "informations erronées" sur l'aide fédérale.
"Cela doit cesser immédiatement", a exhorté Karine Jean-Pierre. La Maison Blanche rappelle que près de 7.000 employés fédéraux sont sur le terrain et que 210 millions de dollars d'aide ont déjà été distribués.
Dans les zones rurales dévastées de Caroline du Nord, plutôt républicaines, ces allégations font mouche car elles font écho à des difficultés bien réelles d'accès à l'aide fédérale.
A Swannanoa, Shelby Holzhauser voudrait réclamer une allocation d'urgence pour compenser sa perte de salaire, la garderie où elle travaille ayant été endommagée. Mais la procédure "est entièrement en ligne", ce qui, regrettait-elle dimanche, n'est pas facile avec un réseau encore très approximatif.
Elle évoquait aussi des informations trompeuses du milliardaire Elon Musk, allié de Trump : "De ce que j'ai entendu, la Fema ne laisse pas vraiment les gens venir aider". Si les autorités ont effectivement bloqué certaines petites routes, l'essentiel de la région demeure accessible.
Sur son stand improvisé de vétérinaires bénévoles, Audria Pace entend les rumeurs qui courent par le bouche à oreille et via les réseaux sociaux.
"Quelqu'un est allé jusqu'à affirmer que Biden avait fabriqué (cette catastrophe naturelle) pour tuer des électeurs de Trump", s'énerve-t-elle dans la poussière marron, souvenir persistant du cataclysme.
"C'est vraiment difficile", dit cette électrice démocrate, la voix cassée. "Si vous avez le temps de partager votre haine, vous avez donc du temps pour venir aider. Donc taisez-vous!", tonne Audrey.
Ces gens "n'ont aucune idée de ce qu'il se passe ici. Nous ramassons nos morts, nous soulageons nos peines", dit-elle. "Ça ne nous aide pas."
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