L’Ademe dénonce l’utilisation abusive du concept de "neutralité carbone”
Ikea, Apple, Carrefour… de nombreuses entreprises et marques disent être engagées pour atteindre la “neutralité carbone”. Mais derrière ces termes peuvent se cacher des stratégies de "greenwashing" qui ne visent qu’à se démarquer de la concurrence, et qui génèrent de la confusion, ainsi qu'une absence de consensus autour de ces termes. Pour clarifier le sujet, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a publié le 17 février un document de recommandations qui dénonce l’utilisation abusive de la “neutralité carbone”, pour éviter de se laisser duper par la communication.
Le terme “neutralité” est source de confusion
L’utilisation abusive du terme “neutralité” induit le public en erreur par définition, car il repose sur le concept de “remise à zéro” alors qu’il recouvre des réalités différentes. Dans le langage courant, quand on parle de "neutralité", on pense à l’attitude « d’une personne ou d’une organisation qui s'abstiennent de prendre parti dans un débat, une discussion ou un conflit ». Appliqué au domaine de la lutte contre le changement climatique, ce terme laisse penser que le territoire, l’entreprise, le produit ou le service ne contribue pas au problème. Le consommateur comprendra donc que la marque s’abstient de contribuer aux émissions de CO₂, alors que cela n’est pas vrai, puisque le terme est utilisé en général uniquement dans le cadre d’une réduction de l’empreinte carbone, et non d’une disparition totale de l’empreinte carbone, qui est impossible. La qualification « 100 % neutre en carbone » est donc un exemple de communication trompeuse, car cela voudrait dire « zéro gaz à effet de serre ». Au contraire, selon l’Ademe, les entreprises devraient donner un pourcentage précis des efforts de réduction des émissions carbone, par exemple : « Telle entreprise a réduit son empreinte carbone de X % en l’espace de trois ans ». Les informations comme : « Territoire neutre en carbone », « marque certifiée neutre en carbone », « gamme climatiquement neutre », « service zéro carbone », « neutralité carbone à vie », « produit zéro carbone », « événement neutre en CO₂ », sont des arguments imprécis qui trompent le public, explique l’Ademe.
Le terme de “compensation carbone” est aussi problématique
La “compensation carbone” est également une expression fréquente, pour désigner les efforts environnementaux d’une marque, entreprise ou collectivité. Elle est aussi très imprécise, car elle désigne plusieurs réalités difficiles à simplifier. En français, le verbe « compenser » signifie « équilibrer un effet par un autre, neutraliser un inconvénient, un préjudice par un avantage ». Si l’on applique ce terme à l’environnement, cela peut faire croire que la marque en question réussit à annuler complètement l’impact de ses émissions d’annuler les émissions, et à rétablir l’équilibre dans la nature, malgré son impact initial négatif. Selon ce concept, les émissions seraient automatiquement contrebalancées par des projets de compensation. On peut donc consommer sans remords.
Des marques “neutres” encouragent la surconsommation
Quand on fait croire au consommateur que la marque est neutre en carbone, on affirme qu’elle ne fait pas partie du problème, et le public est incité à continuer à consommer, « voire à multiplier les achats en ligne et les livraisons associées, sans se préoccuper des impacts ni réfléchir à d’autres options possibles » alerte l’Ademe. Le consommateur devrait au contraire toujours se demander si le produit répond à un besoin réel. Est-il envisageable de ne pas acheter immédiatement et d’attendre de pouvoir grouper les achats afin de limiter le nombre de livraisons ? Mieux qu’utiliser ces arguments, l’Ademe recommande de communiquer de « façon transparente, proportionnée et distincte » sur les différents leviers de contribution à la neutralité carbone collective, en particulier la réduction massive de leur empreinte carbone et le financement de projets de compensation.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.