Affaire Kerviel : une magistrate exprime ses doutes sur l'enquête
Des révélations qui arrivent à point nommé pour Jérôme Kerviel: à la veille d'une audience où l'ex-trader demandera la révision de son procès, des médias ont révélé dimanche 17 les doutes d'une magistrate enregistrée à son insu sur le traitement de l'affaire, supposé trop favorable à la Société Générale.
Pour ses prises de risques colossaux à la Société générale, Jérôme Kerviel avait été condamné en première instance, puis en appel, à cinq ans de prison dont trois ferme pour abus de confiance, une peine confirmée par la Cour de cassation en avril 2014.
Mais l'ancien trader a toujours refusé de porter le chapeau seul, accusant son employeur d'avoir connu ses agissements et de les avoir couverts. Il avait obtenu une première victoire quand la Cour de cassation avait rejeté la somme de 4,9 milliards d'euros de dommages-intérêts réclamée par la banque, lui reprochant d'avoir failli dans ses mécanismes de contrôle.
Il avait aussi porté plainte, en pointant une enquête menée pour protéger la Société générale. Une thèse désormais renforcée par les propos d'une ancienne vice-procureure du parquet de Paris, qui a suivi l'enquête, selon des extraits rapportés dimanche soir par Mediapart et 20 Minutes.
"Quand vous en parlez, tous les gens qui sont un peu dans la finance, ils rigolent, sachant très bien que la Société générale savait. (...) La Société générale savait, savait, c'est évident, évident", déclare, selon les deux médias, Chantal de Leiris, qui n'a pu être jointe par l'AFP.
La magistrate discute alors avec Nathalie Le Roy, la policière de la Brigade financière qui avait été en charge de l'enquête et a elle-même exprimé ses doutes sur le dossier, et qui l'a enregistrée à son insu lors d'une conversation en juin 2015.
Dans 20 Minutes, Nathalie Le Roy indique avoir remis l'enregistrement à l'avocat de Jérôme Kerviel, défendant sa méthode car elle se dit lâchée par sa hiérarchie depuis qu'elle a témoigné. L'enquêtrice avait fait part de ses doutes dans le bureau du juge Roger Le Loire, qui instruit les plaintes déposées par Jérôme Kerviel. Ces plaintes avaient été classées sans suite par le parquet de Paris.
Concédant avoir "toujours obéi", alors qu'"ils savent bien que je n'étais pas favorable à tout ça", Chantal de Leiris met en cause sa hiérarchie. "C'est surtout Michel Maes (chef de la section financière au parquet à l'époque, NDLR). Sans arrêt, il me disait : +tu vas pas mettre en défaut, en porte-à-faux, la Société générale. Ca a été jugé, t'as pas à y revenir+. C'est eux qui ont voulu à tout prix sabrer (les plaintes). (...) Mais c'est vrai ce que vous dites: vous avez été entièrement manipulée par la Société générale", dit-elle à son interlocutrice, selon les extraits publiés. Et d'ajouter: "Maes, c’est les avocats de la Société générale".
Au bout du compte, une instruction a tout de même été ouverte, après une nouvelle plainte avec constitution de partie civile de Jérôme Kerviel. A l'origine, le trader avait été renvoyé en procès par la décision d'un juge d'instruction, après des réquisitions du parquet allant dans le même sens.
"Il est extrêmement délicat de s'exprimer alors qu'il est fait état d'un enregistrement de 41 minutes, que les propos qui sont retranscrits sont forcément parcellaires et qu'on ne connaît pas le contexte dans lequel ils ont été tenus", a répondu dimanche soir le parquet de Paris à l'AFP. L'enregistrement a été "obtenu de manière parfaitement déloyale", a-t-il jugé, précisant que Chantal de Leiris n'est plus vice-procureure mais magistrate "réserviste".
Dans un communiqué, la banque a dénoncé de "pseudo-révélations" et "une nouvelle manipulation médiatique", rappelant que la justice a eu "à trois reprises à apprécier la culpabilité de Jérôme Kerviel".
Quant à l'avocat de l'ancien trader, Me David Koubbi, il considère dans 20 Minutes que "le parquet s'est gravement compromis" et demande "à François Hollande et (la garde des Sceaux) Christiane Taubira de mettre un terme sans délai aux dysfonctionnements qui affectent ce dossier et gangrènent l'institution".
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