Affaire Vincent Lambert : la Cour européenne des droits de l'Homme valide l'arrêt des soins
"Je suis bouleversée, je pense très fort à mon mari", a déclaré Rachel Lambert ce vendredi. Car, après des mois de conflit familial et d’imbroglio judiciaire, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a enfin tranché et validé l’arrêt des soins de son mari Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif hospitalisé dans une unité de soins palliatifs au CHU de Reims, où il est nourri et hydraté artificiellement depuis un accident de moto en 2008.
La Cour a dit, "par 12 voix contre 5, qu'il n'y aurait pas violation de l'article-2 (de la Convention européenne des droits de l'Homme, régissant le droit à la vie) en cas de mise en œuvre de la décision du conseil d'Etat autorisant l'arrêt des soins", a rapporté son président Dean Spielmann en ce jour si particulier puisque c’est la première fois que la Grande Chambre, formation la plus solennelle de la CEDH, se prononce sur la fin de vie en Europe.
"La Cour est arrivée à la conclusion que la présente affaire avait fait l'objet d'un examen approfondi où tous les points de vue avaient pu s'exprimer et où tous les aspects avaient été mûrement pesés tant au vu d'une expertise médicale détaillée que d'observations générales des plus hautes instances médicales et éthiques", détaille l'arrêt.
Les proches de Vincent Lambert se déchirent depuis avril 2013 pour s’avoir s’il doit être maintenu en vie ou non. Son épouse Rachel et ses six frères et sœurs souhaitent le voir "partir dignement", tandis que ses parents ainsi qu’une sœur et un demi-frère refusent l’arrêt des soins, qu’ils qualifient d’"euthanasie déguisée".
L'année dernière, le Conseil d'Etat s'était prononcé en faveur de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielle de Vincent Lambert, considérant son maintien en vie comme une "obstination déraisonnable". Les parents avaient donc saisi la CEDH afin de contester cette décision et le sort du tétraplégique avait été suspendu en attendant l'arrêt de la Cour.
Aujourd'hui, ce dernier avis est définitif et ne pourra pas faire l’objet d’un nouveau recours. Malgré tout, les parents de Vincent Lambert refusent de baisser les bras. "C’est un scandale. Je suis très triste de la décision de la CEDH, nous resterons aux côtés de Vincent et nous continuerons à nous battre", a déclaré Viviane Lambert, la mère, ce vendredi sur BFMTV. Les parents réclament donc une nouvelle procédure collégiale, faisant valoir que le docteur Eric Kariger, le chef de service qui avait porté le processus de fin de vie, ne travaille plus au CHU de Reims. La décision d'arrêt de l'alimentation"a été prise par un médecin et ne peut être mise en oeuvre que par ce médecin", qui n'est plus en fonction, explique leur avocat, Me Jean Paillot.
Ils réclament également une nouvelle expertise, affirmant que l'état de Vincent s'est amélioré."Vincent a recommencé à déglutir, cela ouvre la possibilité de s'alimenter", a notamment déclaré Me Jean Paillot. Pour Viviane Lambert, qui demande le transfert de son fils dans le service spécialisé d’un établissement proche de Strasbourg qui accueille des personnes à la conscience altérée, Vincent n’est pas en fin de vie mais handicapé. Le Dr Bernard Jeanblanc, responsable de ce service, partage cet avis: d’après lui, Vincent Lambert n’est pas dans un état végétatif irréversible, comme le soutient l’expertise réalisée à la demande du Conseil d’Etat, mais en situation d’état-pauci-relationnel. Il s’agit d’un degré de conscience permettant des interactions avec son environnement.
Mais pour Laurent Pettiti, l’avocat de l’épouse de Vincent Lambert, l’arrêt de la CEDH "est un arrêt qui doit s'imposer à tous". "Je ne vois pas comment on pourrait ne pas s'exécuter à cet arrêt", a-t-il déclaré ce vendredi, jugeant qu'il "serait très sage de respecter cette décision: toutes les voies internes ont été épuisées et la voie européenne aussi". "Pour Vincent Lambert, le processus interrompu par le tribunal administratif devrait reprendre. Selon quelles modalités, cela reste à expliquer", a-t-il ajouté.
"Je ne réalise pas encore très bien. Il faut me laisser le temps de vivre le moment présent et de réaliser ce qui s’est passé aujourd’hui", a quant à elle confié Rachel Lambert, très émue, sur BFMTV. Il n’y a "pas de soulagement, pas de joie à exprimer", a-t-elle également dit sur iTélé, ajoutant que la "volonté" de son mari allait être faite, compte tenu des souhaits qu’il aurait exprimés avant son accident.
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