"Gilets jaunes" : un acte 23 sous tension à Paris
Après plus de cinq mois de mobilisation, des milliers de "gilets jaunes" sont redescendus dans la rue samedi pour un acte 23 marqué par un regain de tension à Paris avant les réponses d'Emmanuel Macron au grand débat, attendues jeudi.
Selon le ministère de l'Intérieur, le nombre de manifestants a reculé sur l'ensemble du pays (27.900 contre 31.100 la semaine précédente) mais a quasiment doublé dans la capitale (9.000). Selon leurs estimations, les "gilets jaunes" ont comptabilisé plus de 100.000 manifestants en France.
Réunies pour lancer un nouvel "ultimatum" à Emmanuel Macron, plusieurs milliers de personnes ont marché à Paris au départ de Bercy, dans le sud-est de la capitale, sous un grand soleil. Les premières échauffourées ont éclaté en début d'après-midi près de Bastille, avant de se concentrer sur la place de la République, point d'arrivée du cortège.
Pendant l'après-midi, la place a été régulièrement plongée dans un nuage de gaz lacrymogènes tandis que des manifestants jetaient bouteilles et autres projectiles en direction des forces de l'ordre. Plusieurs enseignes ont été vandalisées, a constaté une journaliste de l'AFP.
Amplifiant le climat de tension, certains manifestants ont crié "Suicidez-vous, suicidez-vous" aux forces de l'ordre, alors que la police est touchée par une vague de suicides sans précédent. "Honte à ceux qui se sont livrés à une telle ignominie", a twitté le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.
Après plusieurs heures de face-à-face tendu, le rassemblement se dispersait lentement vers 19H sur la place de la République où la circulation automobile avait repris, ont constaté des journalistes de l'AFP.
La police a procédé à Paris à 227 interpellations et à plus de 20.500 contrôles préventifs, selon la préfecture.
A 19H00, 178 personnes avaient été placées en garde à vue dans la capitale, dont six mineurs, selon le parquet.
Malgré les craintes des autorités qui avaient déployé 60.000 policiers et gendarmes dans le pays, les heurts ont été sans commune mesure avec ceux du premier "ultimatum" du samedi 16 mars, pendant lesquels les Champs-Elysées avaient été saccagés.
"Malgré la volonté de certains manifestants de casser à nouveau (...), le travail des forces de l'ordre et leur professionnalisme ont permis de protéger les biens et les personnes", a salué M. Castaner dans un communiqué.
Une vision toutefois contestée par la mairie de Paris dont le premier adjoint Emmanuel Grégoire a dénoncé des dégâts "très importants" et critiqué un dispositif de sécurité "pas satisfaisant".
- "Vivre dignement" -
La manifestation parisienne avait commencé dans le calme autour des revendications traditionnelles pour plus de pouvoir d'achat et de démocratie directe. Un autre cortège, parti de la basilique de Saint-Denis et beaucoup moins suivi, s'est déroulé sans le moindre incident.
"On veut vivre dignement. Moi j'ai ma retraite mais je suis là pour les générations à venir", a dit Joël Blayon, ancien marin pêcheur.
La méfiance était palpable à quelques jours des mesures que le chef de l'Etat doit dévoiler et dont il avait dû différer l'annonce en raison de l'incendie de Notre-Dame.
Drapeau français à la main, Antoine, dirigeant d'une petite entreprise, estime que les mesures qui ont déjà fuité dans la presse (réindexation sur l'inflation des petites retraites, suppression de l'ENA...) "opposent les retraités aux actifs, les pauvres et les riches, les régions contre la nation".
L'incendie de Notre-Dame lundi soir était également dans les esprits, notamment les centaines de millions d'euros promis pour reconstruire la cathédrale.
"C'est une bonne chose cet argent pour Notre-Dame mais quand on voit ce qu'on peut débloquer en quelques heures...", résumait Jean-François Mougey, retraité de la SNCF venu de Mulhouse.
"J'aime beaucoup Notre-Dame, je suis catholique, mais le plus grand des patrimoines ce sont la main et la tête qui travaillent", insistait Jean-Marie, professeur à la retraite venu d'Auxerre.
- "On vaut bien une cathédrale" -
"On vaut bien une cathédrale", proclamait également une pancarte de "gilet jaune" à Montpellier, théâtre d'échauffourées et mobilisée samedi comme d'autres villes.
A Bordeaux, place forte du mouvement, quelque 1.500 "gilets jaunes" ont défilé dans le calme, canalisés par les forces de police.
A Toulouse, des milliers de personnes ont marché dans le centre de la ville, théâtre en fin d'après-midi d'échauffourées. "J'ai la trouille mais ça ne va pas m'empêcher de venir", assurait Claudine Sarradet, retraitée de l'Education nationale.
A Marseille, les "gilets jaunes" étaient un petit millier au départ de la manifestation sur le Vieux Port.
Comme lors des récentes semaines, les autorités avaient interdit aux manifestations des lieux emblématiques de plusieurs villes, dont les Champs-Élysées et les abords de Notre-Dame.
Selon l'Intérieur, 112 personnes ont été verbalisées samedi pour avoir tenté de braver ces interdits dans la capitale.
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