"Je suis éleveur, je meurs" : le cri de détresse des agriculteurs au Salon

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 27 février 2016 - 16:29
Image
Damien Greffin président de la FNSEA Ile-de-France.
Crédits
©Joel Saget/AFP
Les agriculteurs et éleveurs ont une nouvelle fois crié leur détresse ce samedi matin au Salon de l'agriculture.
©Joel Saget/AFP
Le Salon de l'agriculture, qui a ouvert ses portes ce samedi dans un climat de tension, a permis aux agriculteurs et éleveurs de crier une nouvelle fois leur détresse. Ils portaient des sweet-shirts noirs avec l'inscription "Je suis éleveur, je veux vivre, je meurs".

Lettres blanches sur fond noir, sur des t-shirts ou des banderoles accrochées aux stalles des vaches, le slogan s'étale sous le nez des familles en visite au Salon de l'agriculture: "Je suis éleveur, je meurs". Un cri de désespoir impossible à rater, dans l'immense pavillon 1 qui accueille taureaux et vaches de concours, porcelets dodus et moutons touffus.

Avant l'arrivée des visiteurs, le président François Hollande y a été hué et insulté dès l'aube, par des éleveurs laitiers en particulier, excédés par la chute des prix de leur production et l'effondrement de leurs revenus. "On ne veut pas vivre décemment, on veut vivre tout court. Pour l'instant c'est l'agonie", assène Marion Quartier, éleveuse de vaches laitières dans l'Aube, qui trouve "terrible d'être la dernière d'une génération".

Thomas Guiavarc'h, 22 ans, travaille dans la ferme familiale dans le Finistère, où vivent 80 Prim'Holstein blanches et noires, les championnes de la production laitière. "J'avais en tête de reprendre l'exploitation à la retraite de mon père. Mais là je n'ai plus envie de m'installer", confie à l'AFP le jeune homme qui envisage plutôt de trouver un emploi salarié dans le secteur agricole.

Même crainte chez Brice Bompas, 23 ans, venu du Maine-et-Loire où il est salarié dans un élevage. Avec un camarade, "on devait reprendre l'exploitation mais c'est repoussé car les banques ne veulent pas suivre", explique-t-il. Pour agrandir la salle de traite, il a besoin d'investir 100.000 à 200.000 euros.

Le salon reste une occasion rare de rencontrer des collègues d'autres régions et de partager leurs déboires. "On se rend compte qu'il y a partout des cas dramatiques. J'ai parlé avec des éleveurs du sud-ouest dont les laiteries ont dénoncé les contrats car elles n'avaient plus besoin d'eux. Ils ne savent même plus où livrer leur lait", raconte Alban Varnier, membre du collectif d'éleveurs de Prim-Holstein qui a fait fabriquer les t-shirts noirs avec lesquels ils ont accueilli le chef de l'Etat. Imprimé sur sa poitrine: "Elevage français, état d'urgence".

Un œil toujours posé sur leurs bêtes, beaucoup évoquent "les dépôts de bilan, les suicides. On en entend parler tous les jours". Au dessus de la tête de magnifiques vaches Simmental, beige clair tachetées de blanc, une immense banderole: "Je suis le top de la qualité française, mais ma passion ne suffit plus". Posé dans la paille, un panneau interpelle le visiteur: "Mon lait est vendu 28 centimes (en dessous du prix de revient bien supérieur à 30 centimes, NDLR), vous l'achetez un euro".

"Le consommateur n'a plus la réalité du coût des choses. Il va acheter des vies de Candy Crush (un jeu sur téléphone mobile, NDLR) à 99 centimes et ne va pas mettre 40 centimes dans un litre de lait", déplore Marion Quartier.

C'est d'ailleurs pour communiquer avec le public que les éleveurs ont ignoré les appels au boycott. "Ce serait dommage de boycotter car ces visiteurs sont aussi nos consommateurs. On vient pour discuter. S'il n'y avait pas ça, on ne serait pas là", commente Philippe Vasseur, éleveur de cochons dans la Sarthe, qui ne vit plus que grâce au salaire de son épouse.

Les éleveurs porcins, à la pointe des manifestations et blocages de route ces dernières semaines, sont moins revendicatifs au salon, où sont présents surtout les représentants de micro-filières de qualité (cochon de Bigorre, du Limousin...), moins touchés par l'effondrement des prix que la filière standard.

Les coeurs sont lourds, mais le salon est aussi une bouffée d'air. "On parle un peu de la crise mais pas seulement. On est là pour se changer les idées, oublier le quotidien, ne pas rester enfermés chez nous", confie Brice Bompas. Comme le jeune homme, la plupart sont venus "par passion". De leurs animaux, et des concours agricoles, qui mettent en valeur leur travail et donneront une valeur ajoutée à leurs productions. "Le métier est assez difficile comme ça au quotidien. Si on n'a pas la passion, c'est le bagne", glisse Alban Varnier.

 

À LIRE AUSSI

Image
François Hollande au Salon de l'agriculture.
Salon de l'agriculture : François Hollande sifflé et hué par les éleveurs
Attendu de pied ferme au Salon de l'agriculture, François Hollande s'est fait hué et insulté par des éleveurs en colère peu après son arrivée. Accompagné de Stéphane L...
27 février 2016 - 10:21
Politique
Image
François Hollande.
Salon de l'agriculture : Hollande souhaite faire pression sur la grande distribution
Accueilli sous les huées des éleveurs et des agriculteurs ce samedi au Salon de l'agriculture, François Hollande a annoncé sa volonté de faire pression sur la grande d...
27 février 2016 - 11:18
Politique
Image
Hollande salon de l'agriculture
Salon de l'agriculture : les personnalités politiques attendues
C'est un des rendez-vous inévitables pour tout homme politique ayant des ambitions nationales. Alors, en cette année de primaire(s) et pré-présidentielle, nombreux son...
26 février 2016 - 15:15
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.