La deuxième fugueuse est rentrée chez elle
Soulagement après 48 heures d'angoisse: Israé, 15 ans, lycéenne "radicalisée" de Haute-Savoie, soupçonnée de vouloir rejoindre les rangs du groupe Etat islamique en Syrie, est rentrée à son tour dimanche 6 au soir dans sa famille, quelques heures après son amie Louisa. "Je vous confirme qu'elle est rentrée ce soir", a indiqué à l'AFP le parquet d'Annecy, confirmant une information du Parisien. La magistrate n'a toutefois donné aucune précision.
Louisa, 16 ans, sa camarade de fugue, avait déjà regagné le domicile familial dimanche vers 16h après avoir entendu l'appel éploré de sa mère à la télévision la suppliant de rentrer. L'adolescente, apparemment en bonne santé, a été entendue dimanche soir par les enquêteurs, mais rien n'a filtré sur son périple.
La disparition des deux adolescentes avait été signalée vendredi soir à la gendarmerie. Le parquet d'Annecy les soupçonnait "d'être parties ou de vouloir partir en Syrie" et évoquait leur "projet de prendre un train pour Paris depuis Chambéry". Samedi, la gendarmerie nationale avait lancé un appel à témoins pour tenter de les retrouver. Selon les gendarmes, ces deux pensionnaires d'un lycée professionnel de Seynod, près d'Annecy, étaient "susceptibles de quitter le territoire national par tous les moyens, et d'utiliser de fausses identités".
D'autant que, selon le parquet, Israé était "déjà suivie pour radicalisation" et "avait été placée en foyer", avec "interdiction de sortie du territoire". Pareille mesure avait été délivrée samedi pour Louisa. "On ne sort pas facilement de cet engrenage (...) elle s'est fait embobiner", a déploré Nadia, la mère d'Israé, racontant dans Le Parisien comment, deux ans plus tôt, elle avait déjà rattrapé sa fille "in extremis" à la gare, "alors qu'elle voulait partir en Syrie" pour "aider les enfants et servir une bonne cause".
Nadia avait alors appelé le numéro vert Stop Jihadisme et Israé avait suivi une procédure de "déradicalisation" avec le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI). "On a l'impression que ça recommence!", s'est lamentée la mère, en évoquant des propos de sa fille sur "la mécréance", en dépit d'une éducation
Selon Dounia Bouzar du CPDSI, Israé venait de sortir de l'hôpital psychiatrique pour une "dépression de l'adolescence". Elle est "fragile", "veut mourir" et il lui faut un lieu "cocoonant": pour l'anthropologue, "le réseau l'a récupérée". Louisa, en revanche, n'avait pas été signalée et n'aurait fait que suivre son amie. Son oncle, d'ailleurs, se refusait à croire à un départ en Syrie, évoquant une simple "fugue".
Fragiles psychologiquement, hyperconnectés, ces adolescents sont la cible idéale des "rabatteurs francophones qui individualisent l'offre pour toucher des jeunes différents", explique Dounia Bouzar. Aux filles, ils font miroiter "un mariage avec un héros qui se sacrifie pour sauver les enfants gazés par Bachar al-Assad": le mythe de "Daechland", "ça marche très fort pour des filles hypersensibles", "trahies par des copines" et en quête de "vraies amitiés", analyse-t-elle.
Sur les quelque mille jeunes actuellement suivis par le CPDSI, 70% ont moins de 20 ans et le plus âgé n'en a que 22. Chez les filles, les tentatives de départ peuvent commencer dès 12 ans, 15 ans pour les garçons.
En octobre 2014, Assia, une jeune de 15 ans de l'Isère, voulait aussi partir "faire le jihad" en Syrie. Mais sa fugue avait pris fin, quatre jours plus tard, à Marseille. "J'ai été entraînée en voyant les vidéos (...) A Marseille, j'ai rencontré des gens qui m'ont beaucoup aidée et m'ont expliqué que le jihad n'était pas l'islam, que là-bas, c'était des terroristes qui tuaient des femmes et des enfants. Donc, après, j'ai arrêté", avait alors expliqué l'adolescente. Suivie par le CPDSI après avoir projeté un attentat-suicide contre une synagogue de Lyon à l'été 2014, Léa (prénom modifié), jeune "déradicalisée" de 17 ans, a été incarcérée en janvier pour avoir, elle aussi, replongé en prenant contact avec des rabatteurs.
Selon une source officielle, plus d'un millier de Français se sont rendus en Syrie ou en Irak, dont près d'un tiers de femmes. Près de 600 s'y trouvent toujours et "161 au moins" y sont morts.
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