Le taureau dans les corridas : s'agit-il d'un animal comme les autres ?
Il est difficile de rester indifférent face à la corrida. Il y a les aficionados d'un coté et les anti-corridas de l'autre qui ne sont d'ailleurs pas tous des défenseurs des animaux. Des associations spécialisées dans le domaine de la corrida interviennent régulièrement afin de mettre fin à cette pratique. Il y a quelques jours, la SPA a d'ailleurs porté plainte afin que "le législateur adapte sa réglementation[1]". Elle souhaite démontrer que la corrida n'est pas une course de taureau[2] et si tel est le cas, elle ne pourra plus bénéficier de l'immunité qui permet de tuer les taureaux en toute impunité. Mais, pour le moment, la jurisprudence n'a pas choisi cette voie[3].
D'autres associations ont mené des actions importantes ces dernières années[4]. Il s'agit du CRAC Europe[5] (comité radicalement anti-corrida) et de l'association Droits des animaux[6]. Elles ont toutes notamment pour objectif la protection du taureau[7].
Il s'agit d'un animal domestique[8] ayant par conséquent le statut d'animal vivant doué de sensibilité[9]. C'est la raison pour laquelle, en principe, la corrida est interdite en France. Toutefois, sous couvert de respecter certaines conditions, elle est autorisée. Ainsi, sur certains territoires, aucune règle de protection pénale des animaux ne s'applique à l'encontre du taureau lorsqu'il rentre dans l'arène. En effet, la corrida est une exception aux règles protectrices des animaux posées par le code pénal.
Ainsi, ni le fait "d'exercer des sévices graves (...) ou de commettre un acte de cruauté[10]", ni celui "d'exercer volontairement des mauvais traitements[11]" et ni celui "de donner volontairement la mort[12], sans nécessité, publiquement ou non" à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité ne sont sanctionnés "lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée (...) [13]". Par ce texte, le législateur a confié au juge pénal la délicate mission de délimiter le territoire des corridas autorisées par la loi. La jurisprudence a une interprétation extensive[14] de ce texte conduisant à penser que l'exception est devenue le principe dans le Sud-Ouest et le Midi de la France.
Voir plus loin: Corrida: les grandes dates de cette pratique controversée
Du changement est à espérer. Il serait temps que le législateur fasse une juste application du principe de cohérence. Un auteur de la doctrine animalière propose de remplacer les piques et les banderilles par "des moyens plus subtils, susceptibles de produire le même résultat sans provoquer la même douleur physique[15]". D'un point de vue politique, le parti animaliste affirme qu'il faut abolir la corrida en supprimant l'alinéa 7 de l'article 521-1 et les alinéas 3 des articles R. 654-1 et R. 655-1 du code pénal[16]. Par conséquent, le combat honorable de Jean-Pierre Garrigues, le président du Crac décédé il y a quelques jours, n'est pas fini.
[1] https://www.la-spa.fr/actualites/spa/la-spa-attaque-les-acteurs-de-la-corrida-devant-le-juge-penal-dans-le-cadre-dune-offensive-judiciaire-incluant-de-nombreuses-procedures
[2] Claire Vial a mis l'accent sur le fait que "la corrida est la seule forme de tauromachie véritablement mise en cause du fait de sa cruauté intrinsèque" et "qu'il faut cesser de viser les courses de taureaux dans l'ensemble mais, au contraire, isoler davantage la corrida (...)". Cf. Claire Vial, La corrida aux abois, Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2016 p. 99 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2017/06/RSDA_2_2016.pdf
[3] Suzanne Antoine, Le droit de l'animal. Legis France p.82. Selon la cour d'appel de Nîmes, 1er décembre 2000, il importe peu de différencier entre les différentes courses puisque la loi pénale n'a "assujettie les courses de taureaux à aucune condition de forme ou de fond et il n 'y a pas lieu de faire de distinction entre les différentes formes de course de taureaux, qu'elles soient landaises, camarguaises, espagnoles ou portugaises". Madame Antoine précise que la Cour de cassation s'est également prononcée dans ce sens le 19 juin 1996.
[4] Jean-Pierre Marguénaud, "Tel est pris par la QPC qui croyait prendre la corrida", Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2012 p. 35 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/98_RSDA_1-2012.pdf
Jean-Pierre Marguénaud, "La corrida aux portes du patrimoine culturel immatériel de l'humanité ?" Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2011 p. 29 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/96_RSDA_1-20111.pdf
[5] http://www.anticorrida.com/crac-europe/ Le combat de Jean-Pierre Garrigues est repris par Didier Bonnet qui est le président par intérim du CRAC Europe jusqu'à l'assemblée générale du 17 février 2018 qui aura lieu à Paris.
[7] Elisabeth Hardouin-Fugier, La corrida de A à Z. "Taureau. L'acteur qu'on tue". p.101 à 106.
[8] Cr. 4 nov. 1899, D.P. 1901. 1. 88. Cité par Xavier Perrot, "Du spectacle à la tradition. Pénétration et fixation de la corrida en France (1852-1972)". Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2009 p. 165 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/59_RSDA_2-2009.pdf
[9] Article 515-14 du code civil.
[10] Article 521-1 du code pénal.
[11] Article R. 654-1 du code pénal.
[12] Article R. 655-1 du code pénal.
[13] Article 521-1 alinéa 7; article R. 654-1 alinéa 3; article R. 655-1 alinéa 3 du code pénal.
[14] Cf. Suzanne Antoine, Le droit de l'animal, Legis France, p. 84 et s.
[15] Jean-Pierre Marguénaud, L'animal en droit privé, p. 333. Publication de la Faculté de droit et des sciences économiques de l'Université de Limoges. Septembre 1992.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.