Saint-Étienne-du-Rouvray : chrétiens et musulmans prient ensemble
Encore bouleversés par le drame, les fidèles ont tenu à partager un moment de fraternité en se rendant successivement à l'église Sainte-Thérèse et à la mosquée Yahia, distantes de quelques mètres, dans la partie moderne de Saint-Étienne-du-Rouvray, faite de tours et de barres d'immeubles.
Fait exceptionnel, le curé de la paroisse Auguste Moanda a pris la parole dans la mosquée à l'occasion de la prière du vendredi.
"Vous partagez notre douleur. Cette douleur est aussi la vôtre", a déclaré aux fidèles musulmans le prêtre, dont le Père Jacques Hamel, 85 ans, était l'auxiliaire dans la paroisse de Saint-Étienne-du-Rouvray, banlieue ouvrière située à une dizaine de kilomètres au sud de Rouen.
"La fraternité doit continuer entre nous, frères musulmans, elle existe déjà", a ajouté l'ecclésiastique, qui s'adressait à une assistance très nombreuse, dans laquelle figuraient plusieurs dizaines de chrétiens. "Cet événement qui vient d'arriver doit nous aider à renforcer les liens qui existent entre nous. Nous sommes appelés à construire des ponts et non des murs. Nous, les croyants, devons donner l'exemple", a-t-il souligné.
Le prêtre a pointé le risque d'amalgame, après la revendication de l'attentat par le groupe État islamique (EI). "Je voudrais rassurer mes frères, ce que l'on voit, ce n'est pas le vrai islam. Nous devons nous serrer les coudes", a-t-il dit. Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, était présent pour la prière.
"Nous devons tous être solidaire de nos frères catholiques, nous sommes tous les catholiques de France. Allez rendre visite à l'église la plus proche de chez vous", a-t-il lancé. Le CFCM a appelé jeudi les croyants musulmans à se rendre à la messe dimanche.
Avant la prière à la mosquée en début d'après-midi, chrétiens et musulmans s'étaient déjà retrouvés à l'église Sainte-Thérèse, à l'occasion de la journée de jeûne et de prière décrétée par le culte catholique, en mémoire du prêtre assassiné par deux djihadistes de 19 ans. Les fidèles ont déposé des fleurs devant un portrait de Jacques Hamel.
Après la prière, de nombreux musulmans et musulmanes de tous âges se sont recueillis dans l'après-midi devant cette église, dont l'entrée reste fermée depuis mardi. Dans son prêche à la mosquée, l'imam Hmitou a dénoncé avec virulence "cette main terrible sortie des ténèbres", cette "main lointaine qui a téléguidé" l'assassinat du prêtre.
"Vous vous êtes trompés de civilisation, car vous êtes hors de la civilisation. Vous vous êtes trompés d'humanité, car vous êtes hors de l'humanité", a-t-il lancé aux assassins. "Vous vous êtes trompés à notre sujet, et ça, nous ne vous le pardonnerons pas", a-t-il insisté.
À l'entrée de la mosquée Yahia, une affiche proclame "Mosquée en deuil". Halima, 28 ans, explique être venue à la prière du vendredi pour "appeler mes sœurs musulmanes, mes sœurs chrétiennes, à nous serrer les coudes".
"Si on ne s'y met pas, aujourd'hui c'est un prêtre et demain, ça sera l'imam", avertit la jeune femme, qui se dit "touchée" par la présence des catholiques à la mosquée. "Je suis à la mosquée et dimanche je participerai a la messe pour représenter la religion", promet-elle.
Alain, un fidèle catholique âgé de 67 ans, a apprécié que le Père Moanda ait été invité à s'exprimer dans la mosquée. "C'est dans la continuité du dialogue. On aimerait éviter que cette religion soit déviée par une minorité, qu'on s'approprie une religion pour le pouvoir et la haine", a-t-il observé.
Les obsèques du père Hamel, né le 30 novembre 1930, seront célébrées mardi à 14h à la cathédrale de Rouen.
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