Vague d'incendies à Saint-Denis : les immeubles insalubres en cause
Les quatre incendies survenus début juin à Saint-Denis, dont un mortel causé par l'occupant d'un squat, illustrent la "paupérisation" des centres-villes de banlieue confrontés à la présence d'immeubles vétustes que des copropriétaires impécunieux ou sans scrupules ont laissé se dégrader. Le 6 juin, en ce premier soir du ramadan, la famille Zamouri était réunie dans son 26 m2, au troisième étage du 6, rue Paul-Eluard, à Saint-Denis. Pour l'occasion, Nissa, la fille aînée de 21 ans, avait invité sa copine Mariam. Souhila, la mère, s'activait aux fourneaux quand un feu s'est déclaré dans un appartement squatté, deux étages plus bas, avant d'embraser rapidement la cage d'escalier en bois. Après avoir vainement appelé à l'aide, Ali, le père, a fini par sauter par la fenêtre. Sa femme, ses trois enfants et leur amie, réfugiés dans la salle de bain, sont morts asphyxiés dans l'incendie, qui a fait également onze blessés.
Le lendemain, deux nouveaux feux se déclaraient dans des immeubles du même type, faisant six blessés. Et un quatrième, quelques jours plus tard. Cette série noire, dans cette ville de proche banlieue parisienne qui a un passif important d'incendies, criminels ou accidentels, a relancé le débat sur l'habitat indigne, brutalement révélé au grand jour sept mois plus tôt par l'opération antiterroriste de la rue du Corbillon, en plein-centre. Le bâtiment, insalubre et exploité en partie par des marchands de sommeil, s'était partiellement écroulé lors de l'assaut policier du 18 novembre contre la planque d'un organisateur présumé des attentats de Paris.
Rue Paul-Eluard, l'immeuble n'était pas répertorié comme insalubre. Pourtant, dans un message sur Facebook, le conteur Yannick Jaulin, dont la fille habitait le quatrième étage, a exprimé sa "colère" face à l'état de cette "copropriété dégradée", qui allait "vers une insalubrité patente": "porte d'entrée défoncée, squat dans les caves et dans un appartement, immondices dans la cour, restaurants loin des normes +habituelles+, lenteur du syndic... Un résumé de drame prévisible, pathétiquement prévisible…"
Mercredi, un habitant du squat âgé de 35 ans a été interpellé. Il a reconnu avoir mis le feu avec une bougie, mais conteste toute intention criminelle. Quelle que soit l'origine du sinistre, pour Kimi, un parent de Mariam, c'est la "misère" qui est la vraie cause de l'incendie mortel. "Il y a trop de vieux immeubles avec des cages d'escalier en bois" dans le centre de Saint-Denis, dit à l'AFP cet "ex-voyou" de 41 ans, en montrant sur son smartphone les photos de son compteur dont des fils dépassent. De fait, à l'image de Subash Rohilla, locataire du quatrième étage, nombreux sont les habitants qui cuisinent sur des réchauds à gaz, l'électricité étant trop chère.
Pour le député socialiste de Saint-Denis Mathieu Hanotin, la progression de l'habitat insalubre résulte d'une "paupérisation de la société" qui affecte de nombreuses communes de proche banlieue. Saint-Denis, où 38% des logements du centre-ville sont "potentiellement indignes", ne fait pas exception. Plus d'un million de ménages vivent dans des copropriétés "potentiellement fragiles", selon l'Agence nationale de l'habitat. En Ile-de-France, Paris en recense le plus grand nombre (150.000), devant la Seine-Saint-Denis (90.000).
Face aux critiques, Stéphane Peu, adjoint à l'urbanisme, défend le bilan "exemplaire" de la ville qui a érigé la lutte contre l'insalubrité en priorité depuis l'incendie du 39, rue Gabriel-Péri (trois morts) en 2012. Il accuse les "marchands de sommeil", ces propriétaires qui "n'assument pas leurs responsabilités et ne recherchent que le profit à court terme", d'être responsables des drames à répétition. "A chaque sinistre, que ce soit à Saint-Denis, à Paris ou à Pantin, on retrouve les mêmes personnes, un vingtaine de pseudo-syndics et de copropriétaires sans scrupules", dénonce l'élu communiste. Or, les arrêtés de péril ou d'insalubrité pris par la mairie demeurent souvent lettre morte, faute d'être suivis d'une rapide décision de justice, estime Stéphane Peu. Parmi les solutions envisagées, confier au tribunal de Paris une partie des dossiers d'insalubrité, pour soulager Bobigny.
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