Coronavirus et chloroquine : nouvelle étude mais critiques identiques pour le Professeur Raoult

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Par AFP - Paris
Publié le 28 mars 2020 - 17:01
Mis à jour le 29 mars 2020 - 11:19
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Le professeur Didier Raoult, le 26 février 2020
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© GERARD JULIEN / AFP/Archives
Le professeur Didier Raoult, le 26 février 2020
© GERARD JULIEN / AFP/Archives

Le controversé Pr Raoult a publié une nouvelle étude sur un dérivé de la chloroquine, qui confirme selon lui "l'efficacité" de ce traitement contre le coronavirus. Cette affirmation est contestée par de nombreux scientifiques.

Cette étude, publiée en ligne vendredi soir mais pas encore dans une revue scientifique, porte sur 80 patients, dont 80% ont connu une "évolution favorable", selon le scientifique français et son équipe. Elle succède à une précédente qui portait sur une vingtaine de malades et avait déjà fait l'objet de critiques sur la méthodologie employée.

"Nous confirmons l'efficacité de l'hydroxychloroquine (dérivé de la chloroquine, un médicament contre le paludisme, ndlr) associée à l'azithromycine (un antibiotique, ndlr) dans le traitement du Covid-19", écrivent Didier Raoult et son équipe en conclusion de la nouvelle étude.

La manière est a nouveau remise en question

Mais nombre de scientifiques ont fait valoir samedi qu'il était impossible de tirer cette conclusion sur la seule base de cette étude, en raison de la manière dont elle est élaborée.

Leur principal reproche: l'étude ne comprend pas de groupe-contrôle (ou groupe-témoin, c'est-à-dire des patients à qui on n'administre pas le traitement étudié), et il est donc impossible d'établir une comparaison pour déterminer si c'est bien le traitement qui est à l'origine de l'amélioration.

Conclusions "énormes" de l'étude?

"Non, ce n'est pas énorme, j'en ai peur", a ainsi twitté le Pr François Balloux, de l'University College de Londres, en réponse à un tweet enthousiaste qui qualifiait "d'énormes" les conclusions de l'étude.

C'est une étude sans groupe-contrôle "qui suit 80 patients avec des symptômes assez légers. La majorité des patients se remettent du Covid-19, avec ou sans traitement à l'hydroxychloroquine et à l'azithromycine", a-t-il développé, à l'unisson de nombreux autres scientifiques sur les réseaux sociaux.

Les patients "ne présentaient effectivement pas de signes de gravité à l'admission. Mais notre stratégie est précisément de traiter à ce stade pour éviter l'évolution vers des critères de gravité", a justifié auprès de l'AFP un des co-signataires de l'étude, Philippe Gautret, médecin à l'IHU Méditerranée Infection de Marseille, centre de recherche réputé dirigé par le Pr Raoult.

 

"Médecin, et pas méthodologiste"

Ce dernier a de son côté revendiqué sur Twitter l'absence de groupe-contrôle, en arguant du fait que son équipe propose son protocole à "tous les patients ne présentant pas de contre-indication".

"Le médecin peut et doit réfléchir comme un médecin, et non pas comme un méthodologiste", a également plaidé le Pr Raoult dans une tribune publiée par le journal Le Monde.

Débat mondial

L'étude inclut 80 patients dont la moitié a moins de 52 ans et demi, suivis pendant 6 à 10 jours courant mars à l'Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille. Tous ont reçu un traitement associant hydroxychloroquine et azithromycine.

Selon l'étude, 65 patients (81%) ont connu "une évolution favorable" et sont sortis de l'hôpital au bout de moins de cinq jours en moyenne, un patient de 74 ans était toujours en soins intensifs au terme de l'étude et un autre de 86 ans était mort.

En outre, l'étude affirme que la plupart des patients a connu une "diminution rapide" de leur charge virale, en moins d'une semaine.

Là encore, cet argument a laissé sceptiques nombre de scientifiques.

Deux études chinoises ont récemment montré que "10 jours après le début des symptômes, 90% des gens qui ont une forme modérée (de la maladie) ont une charge virale contrôlée", a expliqué à l'AFP l'épidémiologiste Dominique Costagliola, directrice de recherche à l'Inserm.

Le fait d'aboutir à des résultats similaires sous hydroxychloroquine "ne plaide pas pour un effet majeur de l'hydroxychloroquine sur la charge virale", a-t-elle estimé.

"Il y a fort à parier que cette nouvelle étude ne convainque que les convaincus", a pour sa part jugé Heidi.news, média en ligne suisse spécialisé dans la science, en livrant une analyse critique de l'étude du Pr Raoult.

Le Français est au centre d'un débat mondial sur l'utilisation de la chloroquine et de l'hydroxychloroquine pour combattre le coronavirus.

Certains médecins, certains pays et des élus appellent à administrer largement ce médicament, qualifié de "don du ciel" par le président américain Donald Trump.

Mais une vaste partie de la communauté scientifique et des organisations sanitaires appellent à attendre une validation scientifique rigoureuse, en mettant en garde contre les risques possibles pour les patients.

Un essai européen baptisé "Discovery" a été lancé dans plusieurs pays pour tester quatre traitements, dont l'hydroxycholoroquine.

 

Aurorisé pour les cas graves

 

En attendant les résultats, la France a adopté une position prudente: l'hydroxychloroquine est autorisée à l'hôpital uniquement, et seulement pour les cas graves.

"J'appuie toutes mes décisions sur les recommandations des sociétés savantes: elles ont été sept à dire que les données cliniques et biologiques dont nous disposions étaient bien trop insuffisantes pour prendre le risque de prescrire le traitement (autrement) que dans ces conditions", a souligné samedi le ministre de la Santé Olivier Véran lors d'une conférence de presse sur l'état de l'épidémie en France.

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