Le déploiement de la 5G, toujours plus déconnecté des dangers

Auteur(s)
Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 25 novembre 2024 - 17:35
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Antenne 5G
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Pixabay
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Sujet brûlant en 2019, le déploiement de la 5G s'est fait plus discret ces dernières années, sans pour autant s'arrêter. Les villes se connectent, certains économistes rêvent et les industriels se frottent les mains, pendant que les citoyens opposés à cette nouvelle technologie sont ignorés. Pourtant, tout le monde s'accorde pour dire que davantage d'études sont nécessaires pour évaluer les risques potentiels, qu'ils soient d'ordre sanitaires, environnementaux ou sécuritaires.

On n'arrête pas le progrès. Surtout pas pour l'industrie. La Commission européenne est claire sur le sujet : il vous faut la 5G pour pouvoir être compétitifs sur le marché. Comme le rapporte The Conversation, le "Plan d'action 5G" souhaite "une couverture 5G ininterrompue dans les zones urbaines et le long des principaux axes de transport d’ici 2025". Objectif désormais étendu à "une couverture 5G de toutes les zones peuplées d’ici 2030".

La 5G industrielle, mortel !

En première ligne sur le front des défenseurs de la 5G, Le Havre et son capitaine Edouard Philippe. Grâce à des expérimentations lancées dès 2019, les acteurs locaux visent une transformation profonde : automatisation des chaînes logistiques, efficacité accrue des opérations portuaires et sécurité renforcée. Philippe Herbert, président de la mission 5G industrielle, résume l’enjeu : "Les entreprises prêtes à se lancer peuvent déclencher un effet boule de neige sur toute une filière." Ce que l'Union veut, les Philippe font.

Mais ces avancées se heurtent à des réalités concrètes : les équipements adaptés manquent, les compétences techniques font défaut, et surtout, l’acceptabilité sociale reste faible. En fait, peu nombreux sont ceux qui pensent jour et nuit au bien-être de l'industrie. Aussi la promesse industrielle peine-t-elle à éteindre les interrogations sur les impacts environnementaux et sanitaires de la 5G. Et pour cause !

Si l’ANSES assure qu'il n'y a pas de risques tant que les bandes utilisées sont celles actuelles (de 2 à 3,5 GHz environ), l'organisme se montre plus réservé quant à l'éventualité de passer directement aux bandes 26 GHz - sans lesquelles la 5G n'aurait aucun intérêt. "L’acquisition de connaissances nouvelles, notamment sur les liens entre expositions et effets sanitaires, reste également essentielle", avoue-t-il dans son dernier avis, mentionnant notamment "d’autres effets comme le développement de cancer, l’altération du fonctionnement cérébral ou de la fertilité [qui - ndlr] continuent de faire l’objet de travaux". Dangers que le Pr Dominique Belpomme s'évertue à signaler depuis déjà des années, malgré les barrières que l'Ordre des médecins lui pose. Sur le sujet, il a publié Le livre noir des ondes en 2017.

Charte ou pas, on y va

Sans être expert, on a le droit de s'inquiéter, qui plus est lorsque la technologie déployée semble absolument sans intérêt pour notre quotidien de simples citoyens. Les zones blanches le resteront, et celles qui sont déjà bien connectées le seront encore plus.

En face, on fait semblant d'écouter. En 2021, suite à une consultation citoyenne sur le déploiement de la 5G, la Ville de Paris a adopté une charte promettant de contraindre les opérateurs à respecter des engagements environnementaux stricts et à surveiller l’exposition aux ondes. Avec une limite de 5 V/m, la capitale française se positionne théoriquement comme un modèle de précaution en Europe.

Le hic, c'est que l'article 9 (le dernier) de cette même charte dit ceci : "Les efforts consentis par les opérateurs concernant les niveaux d'exposition définis dans la présente charte ne doivent pas aboutir à une dégradation de la couverture ou de la qualité de service. Ainsi, s'il était constaté en pratique, à la suite des mesures de contrôles menées à la demande des riverains d'antennes selon le protocole ANFR, que la contrainte exercée sur le développement des réseaux et les évolutions technologiques était excessive, un groupe de travail (ville, opérateurs, ANFR) serait créé et chargé d'objectiver, avec les moyens d'expertise de l'ANFR, la pertinence et les contraintes des niveaux maximum de la charte dans les lieux de vie fermés. Les résultats issus de ce groupe pourront conduire à des avenants de la charte."

En d'autres termes, Bouyges, Orange, SFR et Free feront bien ce qu'ils voudront, que les Français soient contents ou non.

Une fracture numérique et sociale

Ainsi, au-delà même des questions de santé et d'environnement, nous risquons de voir la fracture technologique déjà existante se creuser encore plus, entraînant avec elle la fracture sociale.

En s'appuyant sur l'avis de la Quadrature du Net, c'est ce contre quoi met en garde Reporterre : le déploiement de la 5G met à mal la neutralité d'Internet. C'est-à-dire que tout le monde ne bénéficiera pas du même niveau de service selon l'utilisation qu'il fait de la technologie. "Traiter tout le monde de façon homogène n’a pas de sens. Il va falloir compartimenter et découper le réseau en tranches avec des caractéristiques différentes. Une couche de service pour le grand public, couche qui pourra supporter une latence légèrement plus longue que les objets connectés, par exemple. Une autre couche de service où l’ultra haut débit sera garanti pour les opérations sensibles", explique Michel Combot, le directeur général de la Fédération française des télécoms.

Il s'agirait de compartimenter les usages d'Internet, que ce soit pour mieux surveiller ou pour imposer différentes conditions d'utilisation. La Quadrature du Net craint que les opérateurs ne décident d'instaurer une "connexion de base", pour ensuite faire payer une version augmentée qui permettrait d'accéder à des services ultra populaires tels que Netflix. Il y a de l'argent à se faire.

Viennent enfin les questions de vie privée et de sécurité, un peu plus mises à mal à chaque étape du progrès. Tous connectés, on n'aura plus rien à cacher. "Aujourd’hui, les termes du débat public opacifient la controverse plus qu’ils ne l’éclairent en fantasmant les prouesses de cette technologie. Il serait salutaire d’avoir un regard plus raisonné sur ces modalités de fonctionnement qui permette d’anticiper les dérives possibles", conclut Elodie Lemaire, sociologue et maîtresse de conférences à l’université de Picardie Jules-Verne.

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