Vingt ans après, le premier double-greffé des mains a toujours "la rage de vivre"

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Par Marjorie BOYET - Lyon (AFP)
Publié le 15 février 2020 - 10:38
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Denis Chatelier lors d'une conférence de presse à l'hôpital Edouard-Herriot à Lyon le 18 janvier 2001
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© Eric CABANIS / AFP/Archives
Denis Chatelier lors d'une conférence de presse à l'hôpital Edouard-Herriot à Lyon le 18 janvier 2001
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"Ces mains sont devenues les miennes" : Denis Chatelier, premier patient au monde à avoir subi une double greffe des mains, a raconté vendredi à Lyon son quotidien vingt ans après cette prouesse médicale, même s'il n'a pas retrouvé "une mobilité à 100%".

"Beaucoup d'équipes en rêvaient", se rappelle le chirurgien Jean-Michel Dubernard, qui au-delà de toute fierté personnelle, dit "penser aux patients comme ceux ici, qui ont retrouvé des vies quasi normales".

Après deux décennies, les mains de Denis Chatelier "fonctionnent très bien, pas à 100% mais c'est normal", confie le patient au cours d'une conférence de presse dans les locaux de l'hôpital Edouard-Herriot, celui-là même où l'opération inédite avait eu lieu.

Ce 13 janvier 2000, le service de transplantation de l'hôpital lyonnais s'était illustré en réalisant sur M. Chatelier, alors âgé de 33 ans, la première double greffe mondiale des mains et des avant-bras, une opération très médiatisée à l'époque.

Elle avait été menée par le Pr Dubernard, connu également pour la première allogreffe (avec donneur) au monde d'une main, en septembre 1998, et sa participation à la première greffe partielle de visage en 2005 sur Isabelle Dinoire - morte à 49 ans, en 2016, des suites d'une longue maladie.

M. Chatelier confie que dès le départ, il était "conscient que ce serait une vie de combat". Les gestes de motricité fine comme "les lacets et les boutons" restent une épreuve pour le quinquagénaire, dont les doigts restent rigides.

A ses côtés, trois autres double-greffés des mains ont témoigné comme Julien Da Cruz, 32 ans. Opéré en 2009, il a repris une activité professionnelle dans le milieu de la cuisine. "Une sorte de vengeance personnelle sur la vie" pour ce jeune père de famille qui avait perdu ses mains dans l'explosion d'une bombe artisanale.

Malgré "quelques complications" liées à son traitement anti-rejet, le trentenaire a "retrouvé ce qu'il faut (en mobilité) pour (son) quotidien". "Je galère juste avec les boutons des bodies" des enfants, lance-t-il dans un rire.

"On est conscient que ces mains ont eu une autre vie", estime Albéric Dujardin, 40 ans, greffé en 2008. Mais ces nouvelles mains, "je me les suis appropriées tout de suite, c'était un retour à la normale", a-t-il ajouté.

- "Redonner la vie" -

Pour le Dr Aram Gazarian, chirurgien de la main à la clinique lyonnaise du Parc, les patients retrouvent "30 à 90% de leur mobilité".

"La greffe de mains ne sauve pas la vie mais elle redonne la vie", estime le praticien, soulignant l'importance des mains "pour faire les choses mais aussi pour communiquer".

En vingt ans, une centaine de mains ont été greffées dans le monde dont trente greffes doubles. Une dizaine d'entre elles ont été réalisées en France, selon le Dr Gazarian.

Sur les sept patients transplantés des deux mains à Lyon, deux ont dû être amputés, plus de dix ans après leur transplantation. L'un en raison d'un rejet vasculaire chronique et l'autre à cause des nombreux effets secondaires de son traitement immunosuppresseur. Ils n'ont pas été greffés à nouveau.

D'où l'importance "de bien sélectionner les patients" qui doivent supporter à vie les conséquences plus ou moins lourdes du traitement et continuer à être suivis régulièrement, relève le chef du service de transplantation, le Pr Emmanuel Morelon.

"Le plus important est comment est-ce qu'ils vivent et non pas comment est-ce qu'ils vont", résume-t-il.

Le Pr Lionel Badet, chirurgien de la transplantation, a annoncé que les équipes lyonnaises avaient "un projet de greffe de larynx" qui pourrait avoir lieu courant 2020, tandis qu'une réflexion était aussi lancée sur une greffe d'utérus, après une première en France l'année dernière.

Mais les médecins greffeurs se heurtent au "problème du manque de greffons".

Un patient, amputé des deux bras, "est en attente depuis trois ans et demi pour une greffe de bras à cause du manque de donneurs", déplore notamment le Pr Badet.

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