Histoire du COVID-19 – C4P2-Les chauves-souris
Les chauves-souris – réservoir naturel ancestral des coronavirus infectant l'Homme : La chauve-souris, un animal encore mystérieux entre la préhistoire et les pandémies du 21ème siècle
Retrouvez ici la Partie 1. Position de la Chine sur l'échiquier géopolitique des grandes puissances
Les coronavirus comme tous les virus ont une origine phylogénique inconnue. C'est-à-dire que l'identification de leur ancêtre primordial dans l'évolution de la vie sur terre ne peut pas se faire, même approximativement, comme on a pu le faire pour nombre d'espèces animales grâce aux fossiles découverts dans les couches sédimentaires pétrifiées. Les virus microscopiques et sans squelette ne laissent pas de trace fossilisée dans les roches. Les quelques chances de trouver des traces de virus remontant à l'ère des dinosaures se trouvent dans des parasites conservés par miracle dans de l'ambre datant de plus de cent millions d'années. Par contre les éléments de machinerie cellulaire que les virus utilisent prouvent qu'ils ont existé de tout temps, la question étant de savoir si ils sont apparus avant les cellules primordiales ou après. On peut retracer la présence ancestrale des rétrovirus grâce aux vestiges de leur ADN insérés dans les génomes d'animaux hôtes dont l'être humain, ce qui permet d'affirmer qu'ils existent et ont co-évolué depuis des dizaines de millions d'années avec leurs hôtes. Des recherches sur les génomes viraux indique la possibilité qu'ils puissent provenir d'une autre branche du vivant remontant au cellules primordiales il y a plus de 3 milliards d'années.
Avec plus de 1100 espèces colonisant tous les continents hormis les régions circumpolaires, les chauves-souris, appelées aussi chiroptères, représentent un quart de toutes les espèces mammifères derrière les rongeurs dont elles descendent. Comme les rongeurs, elles sont apparues avant la plupart des autres mammifères dont l'ère a débuté il a environ 60 millions d'années. Elles ont connu une diversification évolutive rapide sans grands changements morphologiques (raccourcissement ou perte de l'appendice caudale). Les fossiles de chauves-souris sont datés entre 20 et 30 millions d'années, le plus ancien découvert récemment au Wyoming est daté à 50 millions d'années (Eocène, début de l'ère tertiaire). La domination des airs par leur type d'ailes est une réussite très précoce de l'évolution transmise aux mammifères comme en témoigne le fossile de dinosaure chauve-souris, datant de 165 millions d'années découvert en Chine récemment.
A ce titre, et comme le montre de nombreuses publications scientifiques récentes, il est probable que le réservoir ancestral des coronavirus chez les mammifères soit les chauves-souris. En raison de leur habitat hivernal dans des cavernes montagneuses reculées ou des mines désaffectées, les chauves-souris sont par ailleurs en contact étroit avec le monde des insectes qui cohabitent par centaines de millions avec elles, se nourrissant de leur déjections accumulées au fonds des grottes. A cette occasion, la barrière des espèces entre insectes et mammifères peut être franchie par recombinaison virale. L'équipe du Pr Raoult de l'IHU de Marseille affirme avoir repéré une petite séquence de génome (transposon) de virus d'insecte intégré dans le SARS-Cov2.
Ces animaux au cours de leur évolution ont acquis une résistance particulière aux virus qui les infectent et elles en véhiculent autant que les rongeurs qui furent pourtant les premiers mammifères à apparaître sur terre et comptent 2 fois plus d'espèces. Plus de 130 espèces de virus ont été détectées chez les chauves-souris, dont 61 sont des virus de zoonoses hautement pathogéniques pour l'être humain. Cette spécificité contribue à prouver qu'elles sont le réservoir de coronavirus chez les mammifères depuis des temps immémoriaux. Les rongeurs eux ne véhiculent pas de coronavirus mais des hantavirus qui peuvent également infecter l'être humain mais de façon assez rare et peu contagieuse, créant des fièvres hémorragiques et des symptômes grippaux et respiratoires.
Une étude faite sur des rats en Chine a suggéré que certains beta-coronavirus (de lignée A) pourraient avoir émergé à partir de rongeurs. Le coronavirus (ChRCoV) HKU24, identifié chez le rat norvégien en Chine aurait divergé d'un ancêtre commun vers l'an 1400. Cette date très récente montre bien que les rongeurs ne sont certainement pas le réservoir des coronavirus affectant les mammifères mais juste des hôtes intermédiaires potentiels dans le franchissement de la barrière des espèces.
Au contraire des rongeurs, les chauves-souris ont vécu pendant des millénaires dans un habitat séparé de celui des hommes qui n'ont jamais été confrontés à une large échelle au virus qu'elles véhiculent. Des virus remontant à la nuit des temps sont le fruit d'une très longue évolution dans ce réservoir. Ils sont parmi les plus terribles comme celui d' Ebola, le virus de Marburg ou les lyssavirus. Ces animaux nocturnes sont si discrets qu'on peut encore en redécouvrir de nouvelles espèces avec cet extraordinaire animal qui butine et féconde une fleur particulière (Anoura geoffroyi).
Premières zoonoses modernes transmises par les chauves-souris
Deux incidents de zoonoses transmises à l'homme avant l'an 2000 ont poussé les virologistes à se pencher sur l'étude approfondie des chauves-souris : l’émergence du virus Hendra, en Australie en 1994, passé des chevaux aux humains, et l’épidémie du virus Nipah, en Malaisie en 1998, issue des porcs. Dans le cas du virus Hendra douze chevaux d'un même élevage était morts. Le garçon d'écurie ainsi que l'entraîneur avaient été contaminés présentant des symptômes grippaux sévères. Le garçon d'écurie avait survécu tandis que l'entraîneur était décédé suite à des complications respiratoire et rénale. D'autres cas mortels de transmission à l'homme ont été rapportés depuis. Le virus Nipah est la cause d'une maladie neurologique et respiratoire mortelle touchant les élevages de porcs en Malaisie péninsulaire. Lors de son apparition en 1999, il a entraîné le décès de 115 personnes sur 265 affectées et l'euthanasie d'un million de porcs. L'enquête des infectiologues a démontré que les chauves-souris frugivores de la famille des ptéropidés (roussettes) étaient le réservoir de ces deux nouveaux Henipavirus mortels transmis à l'homme par l'intermédiaire d'animaux domestiques contaminés (Halpin et al. « Isolation of Hendra virus from pteropid bats: a natural reservoir of Hendra virus », Journal of General Virology, vol. 81,n° 8, 2000, p. 1927-32.) La destruction de leur habitat (déforestation en Asie du Sud-Est) ou l'empiétement de l'homme sur celui-ci est à l'origine de l'émergence de ces zoonoses dans l'environnement humain et permettant le franchissement des espèces.
Tout cela contribue au fait que ces animaux ont été, au moins à partir de la pandémie de SARS de 2002-2003, une cible de recherche privilégiée des universitaires chinois. Y-avait-il un programme militaire conduit en parallèle dès 2003 ? Personne ne peut l'affirmer, mais il s'agissait bel et bien de débusquer des virus dangereux pour les chercheurs universitaires impliqués. « Les coronavirus transmis par les chauves-souris provoqueront d’autres épidémies », déclarait Shi Zheng Li en 2004 avec une certitude inquiétante, lors d'une campagne de prélèvement d'échantillons de sang de chauve-souris dans des zones reculées en Chine. « Nous devons les trouver avant qu’ils ne nous trouvent. » Elle contribuait dès 2005 à un article dans Science, intitulé : « Les chauves-souris sont le réservoir naturel des coronavirus de type SARS », qui laisse planer peu de doutes sur la réalité que nous décrivons dans le reste de ce chapitre.
Plusieurs années plus tard, au cours d'une surveillance longitudinale de l'espèce Rhinolophus sinicus (chauves-souris rousse chinoise dite « en fer à cheval ») dans la province du Yunnan, son équipe a réussi à isoler un coronavirus de type SARS (SL-CoV) extrait de cellule Vero E6 qui avaient été incubée dans leur fèces, donnant lieu à la publication de 2013 qui a conduit par la suite à la réalisation du premier virus COVID synthétique en 2015 (chapitre 3). Le SL-CoV virus isolé en 2013 présentait plus de 95% d'identité de séquence avec les virus SARS-CoVs humains et de civettes de l'épidémie de 2003. Il était capable d'infecter des animaux possédant des récepteurs orthologues (i.e., des variants génétiques inter-espèces) du récepteurs ACE2 humain (récepteur de pénétration cellulaire présent principalement dans les poumons), indiquant la possibilité d'infection directe des êtres humains sans recombinaison intermédiaire.
Dan Hu, un chercheur universitaire militaire chinois, dont les recherches sur les coronavirus de chauves-souris résument la situation mondiale ainsi : « Ces dernières années, de nombreux coronavirus ont été identifiés chez une large variété d'espèces de chauves-souris à travers le monde : en Asie, Europe, Afrique et Amérique. La plupart des coronavirus de type SARS (appelés SL-CoV) ont été identifiés à partir de chauves-souris en fer à cheval (rhinolophes) en Chine, Slovénie, Bulgarie et Italie. D'autres coronavirus proche du SARS-Cov de 2002-2003 ont été détectés dans les espèces Hipposideros et Chaerophon au Kenya et au Nigeria.»
Tous ces coronavirus de chauves-souris partagent entre 87 et 92% d'identité de séquence avec le virus de SARS-Cov de 2002-2003. Les virus Rs3367 et RsSHC014 identifiés en 2015 par Shi Zheng Li, à la suite de sa campagne de surveillance dans le Yunnan, partagent plus de 95% d'identité de séquence de génome avec le SARS-CoV isolé à partir d'êtres humains et de civettes. Cela démontre sans ambiguïté possible que les chauves-souris sont bien le réservoir naturel à partir duquel l'épidémie de 2003 a émergé.
Pour finir cette section sur une note de réflexion vaccinale ancienne. Comme nous l'avons écrit précédemment il est connu depuis longtemps que les chauves-souris peuvent engendrer des affections respiratoires. Dans la pharmacopée traditionnelle chinoise la viande de chauves-souris permettrait de soigner l'asthme, ainsi que des affections rénales et systémiques. Il s'agit probablement de la mise en pratique du principe éternel de soigner le mal par le mal comme dans le concept de phàrmakon (substance qui contient à la fois le poison et l'antidote) des grecs anciens.
La partie 3 sera publiée demain
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