Violences sexuelles et crimes impunis, les métaverses en roue libre
En pleine expansion, les différents métaverses, univers parallèles accessibles en réalités augmentée ou virtuelle, souvent décrits comme l'avenir d'internet, offrent à tout un chacun la possibilité de vivre une seconde vie - c'était la promesse de Second Life en 2003 - dans un monde numérique. Ni une ni deux, nous observons d'ores et déjà une version virtuelle des comportements humains, pour le meilleur et, surtout, pour le pire.
"Agressée sexuellement" en ligne
Fin mai, l'ONG américaine SumOfUs publiait un rapport intitulé "Métaverse : un autre cloaque de contenu toxique". Envoyée sur Horizon Worlds, réseau social en réalité virtuelle développé par Meta (anciennement Facebook), pour étudier les comportements des internautes, une chercheuse de 21 ans y a vécu une expérience pour le moins dérangeante : un "viol" virtuel.
Je pense qu'il faut surtout s'inquiéter des personnes impressionnables et fragiles psychologiquement.
Dans une vidéo mise en ligne, on voit assez nettement un premier avatar masculin caméra à la main, et l'on devine, en les écoutant, qu'il est en train de filmer son ami, lui-même en train de mimer une relation sexuelle avec l'avatar de la chercheuse. "Mate ça ! C'est un spectacle gratuit !", clame le second dans son micro, avant que le caméraman ne se décide à tendre une bouteille d'alcool à la jeune femme en lui lançant : "Il va t'en falloir plus, petite !"
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Si tout cela n'est pas réel, notons que ce n'est pas un cas isolé et que certains psychanalystes ont jugé bon de relever le caractère immersif du métaverse, qui peut être impressionnant. Marianne rapporte les propos de Valérie Sellam-Benisty, avocate spécialiste des agressions sexuelles : "Je pense qu'il faut surtout s'inquiéter des personnes impressionnables et fragiles psychologiquement."
Par ailleurs, le journal rappelle que Second Life "faisait déjà l'objet de signalement pour harcèlement sexuel et pédopornographie impliquant des avatars". Chassez le naturel...
Responsabilité pénale et contrôle dans les mondes virtuels
Toujours sur Horizon Worlds, le site Jeuxvideos.com évoque "quelques cas récurrents de toxicité". Par ailleurs, il souligne "un flou juridique total concernant la possibilité de commettre des crimes et des délits virtuels".
À ce sujet, le 25 mai, c'est Omar Sultan Al Olama, ministre d'État à l'intelligence artificielle aux Émirats arabes unis, qui a donné de la voix : "Dans un monde aussi réaliste que celui dont on parle avec le métaverse, si je vous assassine… cela mène vers un certain extrême contre lequel il faut lutter de façon agressive, car tout le monde s’accorde à dire que certaines choses sont inacceptables", relate CNBC. En somme, il faut des règles.
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Si les contours juridiques sont encore flous (on ne peut pas parler de "viol" sans contact réel), chaque éditeur de métaverse dispose, néanmoins, de moyens techniques pour empêcher ces dérives malsaines. C'est aussi l'avantage du numérique : tout est possible. En quelques clics, tout un chacun doit pouvoir créer un périmètre de protection autour de son avatar, choisissant qui peut y entrer ou non (avec l'habituelle liste d'amis, par exemple).
Fin 2021, après le retour d'une utilisatrice qui avait rapporté avoir subi des attouchements, via son avatar, Vivek Sharma, le responsable de développement d’Horizon Worlds, avait tenu à assurer de la bonne foi du groupe en mettant en avant les boutons "Bloquer" et "Signaler", soulignait Le Figaro. Reste à savoir si les aspects positifs des métaverses sauront l'emporter sur ces dérives (re)naissantes dont on doit déjà se protéger.
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