Immobilier : et si Emmanuel Macron était tenté de compenser la baisse de la taxe d'habitation par une hausse de la taxe foncière ?
IMPOT - Dès 2018, la fiscalité locale va être en chantier et dans des proportions qui iront au-delà des annonces que vient de faire le président Macron lors de la tenue, dans les locaux du Sénat, de la première Conférence des territoires.
Candidat, il s'était engagé à exonérer 80% des contribuables de la taxe d'habitation ce qui a probablement eu un écho électoral favorable. Président, il a déjoué le piège du report de la mesure (initialement annoncé) et au prix d'un zig-zag assez habile, il a finalement opté pour un calendrier d'exécution étalé sur 3 ans. Ceci va profondément changer la donne pour les municipalités puisque la taxe d'habitation représente entre 25 à 40% de leurs recettes fiscales. L'Etat s'est engagé à une "compensation à l'euro près" mais bien des élus locaux en doutent fortement et craignent de devoir reviser le champ de leurs actions publiques: crèches, activités culturelles, voirie, etc.
Une chose est certaine, nous allons assister au bowling de la fiscalité locale pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la compensation devrait s'effectuer au moyen d'une attribution de quote-part de CSG. Décidément, cette future hausse de CSG vient se porter comme gage de beaucoup de choses!
Puis, je m'interroge sur un point de droit non négligeable puisqu'il est d'ordre constitutionnel. En théorie, l'exonération (qui n'est pas un simple dégrèvement) de taxe d'habitation devrait être votée via un ou plusieurs articles de la loi de finances pour 2018. Or, une lecture attentive de la Constitution s'impose. En premier lieu, l'article 72 rappelle que "dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement" ce qui est contradictoire avec le fait de les amputer d'une ressource fiscale propre pluri-décennale.
Puis, l'article 72-2 dispose que "les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi". On peut donc estimer (le débat risque d'être ouvert par les juristes) qu'une loi préalable à la loi de finances s'impose ou a minima une sérieuse rédaction, à défaut de prendre le risque d'une censure de cette section de la loi de finances.
Pour tout maire qui vivait d'une rentrée fiscale certaine et tangible, il s'agira d'apprendre à vivre avec une compensation frappée du sceau de l'aléatoire comme l'a déjà indiqué le sénateur François Baroin en sa qualité de président de l'Association des maires de France. Le ping pong politique et institutionnel risque d'être plus rude que prévu.
Mais ce qui importe, c'est le bowling dont chaque quille représente un des piliers de la fiscalité locale. On nous dit, de toute part, que les valeurs locatives cadastrales qui remontent à 1970 sont source d'inefficacité et d'injustices et que, dès lors, il est plus que légitime de sortir 80% des contribuables (jusqu'à 20.000 euros de revenus par an?) de ce guêpier. Soit. Mais qu'advient-il des 20% qui demeureront assujettis à cette taxe?
De même, si l'assise de la taxe d'habitation est bancale, alors que dire de celle de la taxe foncière: l'impôt des propriétaires immobiliers qui ne sont guère aimés de l'entourage d'Emmanuel Macron. La quille de la taxe foncière sera la variable d'ajustement (à la hausse!) d'une compensation étatique imparfaite et non étanche. Le film est déjà écrit et on pointera du doigt la valeur croissante du prix du mètre carré pour justifier cette hausse de cet autre impôt local.
Le président Macron souhaite que les collectivités locales effectuent un effort budgétaire de 13 milliards durant son mandat. C'est à la fois beaucoup mais nécessaire car des abus –pointés par la Cour des comptes– se sont fait jour. Je crains que cette baisse de la dépense publique locale ne soit que partielle tandis que la hausse fiscale affectant le foncier est une lourde tentation. Il suffit de prendre l'exemple (non dénué d'enseignements) de Paris où Anne Hidalgo veut clairement alourdir la fiscalité sur les résidences secondaires occupées "partiellement à l'année" – soit la définition même d'une résidence secondaire! Encore un mouvement de quille locale. Pour ceux qui sont intéressés par les démêlés de la fiscalité locale, je prends le soin de rappeler l'usine à gaz qu'a longtemps été (dans les années 1970) le VRTS: versement représentatif de la taxe sur les salaires et la taxe professionnelle post-1980.
Emmanuel Macron veut emmener notre pays vers un "nouveau monde". Pour l'heure les ficelles complexes de la fiscalité locale française sont presque vieilles comme le monde: il suffit de remonter dans le temps et de se souvenir du destin aussi complexe qu'ubuesque des "quatre vieilles".
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