SNCF, Air France : les grèves vont-elles faire dérailler la croissance ?
L'inscription dans la durée des grèves à la SNCF et à Air France fait craindre un ralentissement de l'activité, notamment dans les secteurs du tourisme et du bâtiment. Mais l'impact sur la croissance devrait rester limité.
Quels sont les secteurs concernés?
Hôtellerie, agriculture, BTP... Plusieurs fédérations professionnelles ont tiré la sonnette d'alarme ces dernières semaines, appelant le gouvernement à des mesures d'urgence pour le maintien d'une bonne desserte en transport dans l'ensemble du pays.
"Toutes les entreprises qui sont liées de près ou de loin au fret sont concernées", assure à l'AFP François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). "Si le mouvement perdure, certaines vont être fragilisées", ajoute-t-il.
Approvisionnement perturbé, livraisons qui restent à quai: parmi les secteurs les plus touchés figurent l'industrie lourde -- traditionnellement très dépendante du fret -- et l'agroalimentaire, notamment la filière céréalière.
Avec la grève, "il est très difficile de trouver des camions disponibles, et surtout des chauffeurs", témoigne Philippe Pinta, président de l'Association générale des producteurs de blé (AGPB), qui évoque un "surcoût" important pour la filière.
Même situation dans le bâtiment, où l'acheminement des matériaux transformés pose problème. "Ces grèves auront un impact sur notre activité, c'est certain", estime la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb).
Mais les craintes les plus évidentes concernent le tourisme, où les professionnels constatent d'ores et déjà un fléchissement de leur activité. "Paris s'en sort mais la province souffre", observe le groupement patronal de l'hôtellerie-restauration GNI, qui s'inquiète de possibles répercussions sur la période estivale.
Quel sera l'impact sur le PIB?
"Les mouvements sociaux ont un impact sur la croissance" mais "c'est un impact qui est limité, qu'on ne peut pas mesurer aujourd'hui", a assuré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur Europe 1.
Difficile, en effet, d'évaluer avec précision les conséquences macroéconomiques d'une grève. "La difficulté, c'est d'isoler l'effet de la grève des autres effets qui peuvent jouer", explique Julien Pouget, chef du département de la conjoncture de l'Insee.
A titre d'illustration, l'institut statistique se réfère souvent à la grève de décembre 1995 contre le plan Juppé sur les retraites. A l'époque, l'économie nationale avait perdu entre 4 et 5 milliards d'euros, soit près de 0,2 point de croissance.
Autre exemple parfois avancé: la grève de 2007 contre la réforme des régimes spéciaux de retraites. Le mouvement, qui avait duré 10 jours, avait cette année-là amputé la croissance du dernier trimestre de 0,1 point.
Mais "la grève actuelle n'est pas comparable, notamment au niveau de ses modalités", prévient Julien Pouget. "A l'époque, on était sur un mouvement continu. Là, la grève a lieu en pointillé, ce qui est inédit".
Cette spécificité est-elle de nature à accroître ou à limiter l'effet du conflit en cours? "Tout va dépendre de la façon il se dénoue", juge Alexandre Mirlicourtois, économiste chez Xerfi, qui s'attend néanmoins à un "impact plutôt faible". "Beaucoup d'entreprises se sont organisées. Le pays ne donne pas l'impression d'être bloqué", juge-t-il.
La reprise est-elle menacée?
Non, car les fondamentaux de l'économie française restent bien orientés. "Les perspectives restent bonnes, tant au niveau de l'investissement que de la consommation", rappelle Mathieu Plane, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
La totalité des organisations économiques, de fait, ont maintenu inchangées leurs prévisions de croissance -- à l'image de la Banque de France, qui parie sur une hausse du PIB de 1,9% cette année, et du FMI, qui parie sur 2,1%.
"Dans ce type de situation, il y a beaucoup de report de consommation. Donc ce qui est perdu à un moment donné est en partie rattrapé par la suite", décrypte Mathieu Plane, qui rappelle le précédent de mai 68.
A l'époque, le PIB avait chuté de 5% en l'espace d'un trimestre et les investissements de 20%. Mais les pertes avaient été effacées dès le trimestre suivant, avec une croissance de 7,7% et un bond de l'investissement de 32%.
"Certaines pertes bien entendu ne sont pas recouvrables, notamment celles liées à la fréquentation touristique", explique Denis Ferrand, directeur de l'institut Coe-Rexecode. "Mais en général, les grèves ont des effets macroéconomiques limités, parce qu'ils sont compensés quand les mouvements prennent fin".
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