Brexit : La BCE prête à agir, mais pas tout de suite
Lors de sa première conférence de presse depuis le vote britannique en faveur d'une sortie de l'Union européenne le 23 juin, le président de la BCE, Mario Draghi a souligné "la disponibilité, la volonté et l'aptitude" de l'institution monétaire de Francfort (ouest) à agir si nécessaire.
Son conseil des gouverneurs ne s'est toutefois pas encore penché sur des mesures spécifiques lors sa réunion de deux jours, à l'issue de laquelle il a décidé sans surprise de maintenir inchangés ses taux d'intérêt directeurs à des niveaux historiquement bas. Son principal taux est ainsi à 0% depuis mars, un niveau historiquement bas.
"Nous serons en meilleure position au cours des prochains mois pour réexaminer" la politique monétaire de l'institution, notamment lorsque les nouvelles prévisions économiques de la BCE seront disponibles en septembre, a expliqué Mario Draghi, insistant sur le fait qu'il était encore "trop tôt" pour "évaluer l'impact final" du Brexit.
A l'instar de la Banque d'Angleterre qui n'a pas fait de geste sur ses taux d'intérêt mi-juillet, la BCE se sent d'autant moins poussée à agir rapidement que l'accès de fièvre des marchés financiers juste après le résultat du référendum s'est rapidement calmé. "Les marchés financiers de la zone euro ont surmonté la poussée d'incertitude et de volatilité avec une résistance encourageante", a relevé le président de la BCE.
Pour Carsten Brzeski, économiste d'ING-Diba, Mario Draghi "a laissé ouvertes toutes les options pour de nouvelles actions monétaires: rien de plus, rien de moins". Le Brexit vient s'ajouter à la liste de vents contraires freinant la reprise économique en zone euro, comme les incertitudes géopolitiques ou le ralentissement dans les marchés émergents. Ces éléments maintiennent les perspectives de croissance "orientées vers le bas".
L'inflation demeure presque nulle, (+0,1% sur un an en juin), bien loin d'une hausse "proche mais inférieure à 2%", définition par la BCE de la stabilité des prix.
La BCE a déjà multiplié les décisions pour tenter de faire repartir les prix et l'économie à la hausse: taux d'intérêt à un niveau plancher, prêts géants aux banques, rachats massifs de dettes sur les marchés dans le cadre de son programme baptisé "QE", déjà prolongé et augmenté.
En juin, elle est passée à la vitesse supérieure en rachetant des dettes d'entreprises, une première dans son histoire. Elle a par exemple acquis via la Banque de France des obligations de grands groupes français, tels qu'EDF, Danone ou Renault.
Si Johannes Gareis, économiste chez Natixis, considère que la BCE doit ajuster les paramètres du QE "plutôt tôt que tard", il ne s'attend toutefois "pas à une action significative" dans les mois à venir. Les commentaires de Mario Draghi sur l'état de santé des banques européennes étaient également particulièrement attendus, alors que la solidité du secteur en Italie inquiète.
En matière de solvabilité, la situation des banques du bloc monétaire est "meilleure, si ce n'est bienmeilleure, qu'en 2009", a assuré le banquier central devant la presse, mais le problème à résoudre est "celui de la faible rentabilité, pas celui de la solvabilité".
Rome tente de trouver une solution pour aider son secteur bancaire plombé par des centaines de milliards d'euros de créances douteuses sans que son intervention ne soit considérée par Bruxelles comme une aide d'Etat faussant la concurrence et sans que les épargnants, et si possible les petits actionnaires, ne soient lésés.
Les créances douteuses "sont un problème significatif concernant la capacité future des banques à prêter" de l'argent au secteur privé en zone euro, a estimé M. Draghi. Pour résoudre cette situation, le président de la BCE a notamment considéré qu'un soutien public "est une mesure qui serait très utile", sous condition de négociation avec la Commission européenne.
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