"Un jour, on se lève et on se bat" : Stéphane Ravacley, un boulanger au "coeur social"

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Par Angela SCHNAEBELE - Besançon (AFP)
Publié le 16 janvier 2021 - 14:27
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Le boulanger Stéphane Ravacley qui a obtenu la régularisation de son apprenti guinéen au prix d'une grève de la faim pose devant ses pains, le 6 janvier 2021 à Besançon (Doubs)
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© SEBASTIEN BOZON / AFP/Archives
Le boulanger Stéphane Ravacley qui a obtenu la régularisation de son apprenti guinéen au prix d'une grève de la faim pose devant ses pains, le 6 janvier 2021 à Besançon (Doubs)
© SEBASTIEN BOZON / AFP/Archives

"Un jour, on se lève et on se bat" : homme déterminé au "coeur social", le boulanger de Besançon Stéphane Ravacley n'a pas hésité à se mettre en danger, entamant une grève de la faim, pour arracher la régularisation de son apprenti guinéen.

Il n'était ni militant, ni politisé, juste un "petit boulanger qui ne connaît personne" mais qui n'a pas supporté de voir son apprenti guinéen, un "bon gamin", travailleur et rêvant d'une vie meilleure, voué à l'expulsion. "Avant que Laye arrive, je ne m'intéressais pas spécialement au sort de ces jeunes".

Derrière le regard doux de cet homme sensible de 50 ans, qui porte les cheveux ras, se cache une farouche détermination.

En dépit d'une santé fragile - il a fait trois embolies pulmonaires -, Stéphane Ravacley a entamé une grève de la faim il y a deux semaines pour protester contre l'expulsion de Laye Fodé Traoré. Et il a tenu. Jusqu'au malaise après avoir perdu huit kilos. Jusqu'à obtenir gain de cause jeudi avec la régularisation du jeune guinéen.

"Je suis fier de mon patron et du combat qu'il a mené", a confié le jeune orphelin en apprenant la nouvelle.

Sa grève de la faim à peine achevée, Stéphane Ravacley s'activait déjà vendredi, seul dans son fournil, en tee-shirt blanc et polaire sans manche. "J'aime être seul avec ma farine, mon pain", assure-t-il.

S'il a cessé de s'alimenter pendant dix jours, ce travailleur infatigable n'a jamais arrêté de travailler, de 3 heures du matin à 8 heures du soir, six jours sur sept, tout en répondant inlassablement, et avec aisance, aux sollicitations de dizaines de médias français et étrangers.

- Le goût du travail -

Le goût du travail, il l'a hérité de son père, un agriculteur de Haute-Saône qui s'était retrouvé seul à élever trois enfants après le brutal décès de sa femme dans un accident de tracteur, six mois après l'incendie de la ferme familiale. Stéphane avait 4 ans.

Pendant près d'un an, le petit garçon sera hospitalisé pour anorexie mentale. L'absence de sa mère le marquera à vie.

Après ces drames, son père a trouvé un emploi salarié à la ville de Besançon et la famille a emménagé dans un appartement du quartier Montrapon. Dans ce quartier populaire, "il y avait toutes les communautés possibles, à l'époque il n'y avait pas de racisme, on vivait tous ensemble dans une belle ambiance", se souvient le boulanger, enfant toujours prompt à se hisser sur les genoux d'une voisine.

Scolarisé dans une institution catholique privée, il se dirige à 15 ans vers l'apprentissage sur les conseils de son père : "tu vas entrer en boulangerie, ainsi tu ne mourras pas de faim".

"Il m'a trouvé un super patron, un grand homme qui m'a tout appris", confie-t-il, parlant avec tendresse de ce maître de stage qui "sortait" ses apprentis le lundi soir au restaurant et en discothèque.

Puis vient le temps du service militaire. Stéphane Ravacley part en service long en Afrique, à Djibouti : "une ville aux nombreux bordels". Surnommé "papi" par ses camarades parce qu'il sort peu, il occupe ses après-midi à donner le biberon "aux enfants issus d'amours trop rapides" dans un orphelinat de la ville. Il porte alors une affection particulière à cette petite fille handicapée aux membres tordus, qui ne sortait pas de son lit à barreaux mais "souriait tout le temps".

- "Traumatisme" -

"Mon premier traumatisme a été de voir tous ces enfants abandonnés. Le deuxième, fut la découverte de l'immense bidonville de Balbala et l'épidémie très virulente (de choléra) qui l'a touché", obligeant les militaires à creuser des fosses communes pour enterrer les morts, confie l'artisan, auquel la vie n'a pas donné d'enfant, ce qu'il aurait "adoré".

"A 20 ans, même quand vous avez vécu des malheurs, vous n'êtes pas prêt à voir ça", poursuit-il, "c'est ce qui m'a fait naître un deuxième coeur social".

Après un passage par la Réunion, où il tombe amoureux d'une femme mariée - décédée depuis et dont il est en train d'adopter la fille désormais adulte -, il rentre à Besançon, rencontre sa première épouse et ouvre en 1998 La Hûche à Pain, cette boulangerie réputée du centre-ville où il travaille désormais avec sept employés.

"C'est admirable ce qu'il a fait, c'est un beau geste humain", glisse l'une des vendeuses, Julie Paire, partageant l'avis des centaines de clients du commerce. "Il tend la main facilement, connaît les clients et offre toujours un petit quelque chose aux enfants", ajoute la jeune femme.

Stéphane Ravacley se réjouit de voir revenir son apprenti au fournil dès mardi. Il a offert au jeune homme de le suivre tout au long de sa formation et de l'embaucher à l'issue, "s'il le souhaite". "Laye, je le prends comme il est : c'est un gamin méritant, qui en a bavé, mais il reste un employé", dit-il, réfutant tout attachement filial.

Le pâtissier qui avait occupé les ronds-points avec les "gilets jaunes", "au début", veut "poursuivre le combat pour les autres". Il réclame "une politique migratoire plus cohérente", alors que les artisans peinent tant à trouver des apprentis en France.

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