La Ligue des droits de l'Homme (LDH) dépose un référé-liberté devant le Conseil d'État pour défaut d'identification des forces de l'ordre

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Laurence Beneux, Julien Taillefer, France-Soir
Publié le 04 avril 2023 - 19:00
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REPORTAGE - Depuis 2014, tous les membres des forces de l’ordre en uniforme ou portant brassard doivent afficher, bien en évidence, un numéro permettant de les identifier, le Référenciel des Identités et de l’Organisation (RIO).

Or, il semblerait qu’un nombre important de fonctionnaires rechignent à se soumettre à cette obligation et que le ministère de l’intérieur ne prenne pas de mesures efficaces pour les y contraindre. 

Dès le dernier trimestre 2022, le Syndicat de la magistrature (SM), le Syndicat des avocats de France (SAF), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) dénonçaient, dans un communiqué commun, les manquements à cette obligation réglementaire, dans un contexte « de brutalisation du maintien de l’ordre, s’appuyant sur une conception autoritaire de la gestion de l’ordre public » et saisissait la justice administrative pour obtenir « une évolution de la réglementation sur l’identification des policiers ». 

Avec le durcissement du mouvement social à la suite du passage en force de la réforme des retraites, et après les affrontements violents à Sainte-Soline, ces mêmes organisations estiment qu’il y a urgence à agir et qu’il n’est pas possible d’attendre que la justice administrative statue sur le fond. Elles ont donc déposé un référé-liberté devant le Conseil d’État, pour demander que des mesures provisoires soient prises aux fins de contraindre les forces de l’ordre à respecter l’obligation du port du RIO. L’audience s’est tenue ce lundi 3 avril. 


Dès le début de l’audience, le juge rappelle le caractère obligatoire du port du RIO, et interroge sur l’ampleur des violations de cette obligation. Le magistrat demande aussi quelles sont les mesures demandées par les plaignants. 

Maître Patrice Spinozi, avocat de la Ligue des droits de L’homme et de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, explique que le phénomène est national, avec des exemples partout dans le pays, comme constaté par la LDH qui est considérée par la jurisprudence comme un observateur indépendant. 

Maître Paul Mathonnet, avocat du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France ajoute que le phénomène est observé depuis 5 ans, et que le ministère de l’intérieur minimise totalement l’importance de la question. 

Effectivement, les représentants du ministère de l’intérieur expliquent, de leur côté, qu’il y a toujours moyens d’identifier les fonctionnaires, même en cas de non-port du RIO. 

Ce à quoi maître Patrice Spinozi rétorque que le ministère juge donc la loi inutile, mais qu’il outrepasse ses droits en ne la faisant pas appliquer. 

Maître Paul Mathonnet rappelle que parmi les plaintes déposées contre des membres des forces de l’ordre classées sans suite, 30% le sont faute de pouvoir identifier les fonctionnaires mis en cause. Il estime que cela « radicalise des gens qui se sentent victimes d’injustice ». 

Les deux avocats plaident pour que les citoyens aient le droit de pouvoir identifier individuellement les fonctionnaires en charge de la sécurité publique, indépendamment du bon vouloir de l’administration à rechercher d’éventuels fautifs dans ses rangs, et exigent « l’effectivité d’une loi qui existe déjà ».  

Ils dénoncent l’absence systématique de sanctions envers les fonctionnaires manquant à leur obligation de porter le RIO. Manquements qu’ils qualifient de « systémiques ».  

Ils appellent de leurs vœux des « moyens renforcés » permettant d’identifier les membres des forces de l’ordre, et suggèrent que les chefs d’équipes, les « n+1 », vérifient que leurs subordonnés respectent leurs obligations et doivent rendre des comptes en cas de manquements.  

Une proposition jugée inutile par les représentants du ministère, qui arguent par ailleurs que, même si le non-port du RIO est illégal, il n’a pas d’impact sur les libertés individuelles. Autrement dit, ils questionnent la recevabilité du recours à un référé-liberté en la matière. 

Maître Spinozi s’étonne finalement de « l’énergie déployée par le ministère de l’intérieur pour ne pas avoir à contraindre ses fonctionnaires à respecter leurs obligations réglementaires et déontologiques », tandis que maître Mathonnet soulève le paradoxe de forces de l‘ordre exigeant que les citoyens respectent la loi alors qu’elles-mêmes se dérobent à leurs obligations légales. 

Le Conseil d’État rendra sa décision demain, le mercredi 5 avril.

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