Aux assises, le drame de Marin, tabassé pour avoir défendu un baiser
La vie de Marin a basculé le jour où il a pris la défense d'un couple qui s'embrassait dans la rue. Il tente depuis de se reconstruire, soutenu par un vaste élan de solidarité.
Mercredi débute le procès de son agresseur devant la cour d'assises des mineurs de Lyon.
11 novembre 2016, devant le centre commercial de la Part-Dieu à Lyon, un homme et une femme s'embrassent quand un jeune passe et leur lance: "vous pourriez faire ça à l'hôtel". "Va te faire enc...", répond l'homme.
C'est là que Marin, 20 ans, intervient. S'ensuit une altercation. Puis il monte dans un bus avec sa petite amie. Le jeune le suit, arrive par derrière et lui assène trois coups violents à la tête avec une béquille.
Marin s'effondre, tombe dans le coma. La suite, c'est son entourage, ou lui quand il le peut, qui la raconte sur une page Facebook "Je soutiens Marin", suivie par près de 200.000 personnes.
11 novembre 2017, un an après les faits: "j’ai, depuis un petit moment désormais, abandonné tout espoir de redevenir le Marin d’avant, celui qui pouvait jouer au foot, danser avec ses amis et son amoureuse en soirée", confie-t-il.
"Un an que je suis mentalement submergé par mes tocs, que je compte tout, etc. Un an que je subis une sorte d'allergie, qui provoque éternuements et démangeaisons à répétition. Un an que je souffre d’un problème de désinhibition (très) embêtant."
18 février 2018: "les lourds effets secondaires de cette quatrième opération (du crâne) se dissipent lentement. La tête de Marin reprend forme, même si elle est encore assez gonflée. (...) Il a repris le chemin de la Suisse pour poursuivre son long travail de rééducation".
4 mars: "pour Marin commence à présent sa préparation mentale pour son procès début mai. C'est aussi le début de la réflexion sur ce que va être sa vie".
Son histoire a ému jusqu'au pape qui l'a reçu en audience privée le 11 avril au Vatican. Une rencontre où il a été beaucoup question du pardon.
- Excuses -
Son agresseur est un jeune déjà cabossé par la vie, en échec scolaire, connu de la police et qui a manifestement des addictions à l'alcool et au cannabis. Âgé de 17 ans au moment des faits, il sera jugé à huis clos par la cour d'assises des mineurs à Lyon de mercredi à vendredi.
Il est poursuivi pour "violences avec usage ou menace d'une arme suivie de mutilation ou infirmité permanente" et encourt une peine de 15 ans de réclusion. Son avocate, Me Anne Guillemaut, n'a pu être jointe avant le procès.
Marin sera présent à l'audience mais "pas pour tout: le côté technique et expertises, ce n'est pas souhaitable", explique l'un de ses avocats, Me Frédéric Doyez.
L'accusé, incarcéré depuis son interpellation, a écrit plusieurs lettres d'excuses. Marin arrivera-t-il à pardonner ? Et comment va réagir son agresseur lorsqu'il va le revoir pour la première fois et prendre conscience de son état réel ?
Car si "Marin donne des apparences d'aller beaucoup mieux", Facebook "c'est un peu comme une ardoise magique, il vous donne une illusion de quelques instants et ensuite tout s'efface", souligne Me Doyez.
"Ce qui est attendu de ce procès, c'est une possibilité pour Marin de tourner cette page-là, pour ne plus avoir comme perspective que celle de sa guérison", complète Me Jean-Félix Luciani.
Une autre partie se joue hors des assises. Car le centre de rééducation en Suisse est extrêmement coûteux: 187.000 euros par trimestre, payés par la Sécurité sociale, les dons réunis par l'association créée par son entourage, "La Tête Haute", et les indemnités déjà perçues.
Marin a touché une somme provisoire de 150.000 euros. Mais il faudra attendre quatre ans après l'agression pour établir ses séquelles définitives et déterminer le montant à réclamer aux assureurs des parents de l'agresseur, détaille Me Dominique Arcadio, spécialiste de la réparation du préjudice corporel, qui représente aussi la victime.
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