70e anniversaire de la découverte d'Auschwitz : le témoignage des derniers survivants
Le 27 janvier 1945 au milieu de l'après-midi, les unités de l'avant-garde de l'Armée Rouge qui marchent vers Berlin tombent, presque par hasard dans le sud de la Pologne, sur le plus grand complexe industriel de mort créé par l'homme: le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Les soldats soviétiques découvrent avec horreur quelques milliers de survivants, décharnés, hagards, aux portes de la mort. Ce sont les derniers survivants de la "Solution finale", cette gigantesque entreprise d'extermination des Juifs d'Europe.
Ces survivants sont les derniers à occuper le camp, les SS qui en avaient la garde ont contraint les plus forts à se lancer dans de terribles "marches de la mort" vers l'Ouest (censées dérober aux yeux du monde l'ampleur du massacre), où sur presque chaque mètre parcouru des dizaines de déportés épuisés, transis de froid et affamés s'effondrent, faute de pourvoir continuer à marcher. Ils sont alors abattus par les bourreaux.
Trois ans plus tôt, le 20 janvier 1942, secrètement réunis à Berlin, dans une villa du lac de Wannsee, les dignitaires nazis définissaient "la Solution finale à la question juive". C’est l’acte de création des camps d’extermination, dont l’objectif est la destruction industrielle des Juifs d’Europe au moyen des chambres à gaz. Et notamment à Auschwitz, en Pologne, ouvert le 27 avril 1940, où mourront de la sorte plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants.
François Hollande se rendra ce mardi après-midi sur les lieux, pour y assister à une cérémonie de commémoration, devant le mémorial de Birkenau, en présence d'une trentaine d'autres chefs d'Etat et dirigeants comme les présidents allemand Joachim Gauck, ukrainien Petro Porochenko, polonais Bronislaw Komorowski, le chef de l'administration présidentielle russe Sergueï Ivanov et le secrétaire américain au Trésor Jack Lew.
Dans son livre, Rescapés d'Auschwitz (Ed. L'Archipel), le journaliste et écrivain Alain Vincenot, ancien journaliste à France-Soir, a recueilli les témoignages des derniers survivants français d'Auschwitz, raflés avec leurs proches en France par la Gestapo et la police de Vichy et envoyés dans l'est de l'Europe vers la mort. Tous avaient moins de 20 ans au moment de leur déportation. Par leur détermination à survivre, leur obstination face à la mort et, parfois, au hasard des circonstances, ils ont survécu à la faim, au froid, aux brimades des gardiens, au travail forcé jusqu'à l'épuisement.
Ils ont également échappé aux chambres à gaz qui ont vu mourir tant des leurs. Dans leurs témoignages, ils racontent tout, sans pudeur, des moments les plus terribles aux joies si infimes qui redonnent du courage, en passant par la cruauté infinie des gardiens SS fanatisés. A son arrivée par wagons à bestiaux à Auschwitz, Raphaël Feigelson témoigne ainsi: "j'ai vu un SS lancer un marmot en l'air sur lequel un deuxième fait un carton comme au ball-tap. Un autre a arraché un bébé des bras de sa mère et l'a déchiré, écrasant une botte sur sa jambe et tirant comme un forcené sur l'autre".
Sur les 75.000 juifs déportés depuis la France, seuls 2.500 reviendront des camps de la mort.
3 questions à Alain Vincenot:
- Pourquoi avoir écrit ce livre?
Pour deux raisons. La première, c'est que ce mardi 27 janvier, nous célébrons le 70e anniversaire de la découverte d'Auschwitz par les soldats de l'Armée Rouge. La seconde, et probablement la plus importante, c'est que je constate depuis quelques années une augmentation sans précédant des actes antisémites en France. Il y a aussi bien les insultes et les agressions physiques que le meurtre et l'assassinat, comme lors de la prise d'otages de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes ou la torture pour ce couple de Créteil, séquestré et torturé parce que juif et donc, dans l'imaginaire de leurs agresseurs, riche. Et je ne parlerai pas de Mohammed Merah qui a abattu à bout portant des enfants juifs, ou de l'affaire du "gang des barbares". Dans certains quartiers, les Juifs ne peuvent plus porter la kipa, les enfants se font molester. J'ai voulu faire ce livre parce que toute forme d'antisémitisme mène à Auschwitz. Il s'agit de mettre en garde.
- Comment s'est passé le recueil des témoignages? Est-ce difficile d'en parler, 70 ans après?
Le récit a été très dur pour les témoins car ils revivaient ce qu'ils avaient subi de plus horrible dans leur vie. On est au-delà de l'idée que l'on peut se faire de la souffrance tant les conditions de survie dans ces camps étaient très difficiles. Sur des convois de 1.000 personnes, il n'y avait que 23 survivants en moyenne. Je dois souligner que personne, quelle que soit la difficulté de parler de ça, n'a refusé de me raconter son histoire. Jamais, dans l'histoire de l'humanité, on a poussé à un tel niveau l'industrialisation du meurtre.
- Le devoir de mémoire sur la Shoah est-il suffisant en France?
Je ne sais pas s'il est suffisant ou insuffisant, en tout cas il faudrait qu'il soit un peu plus efficace! On voit des mouvements antisémites revenir en France et c'est très inquiétant. Il y a un manque quelque part dans l'éducation des enfants. Ce n'est pas possible, quand on voit qu'il y a 70 ans, pour des raisons d'antisémitisme, des familles entières étaient poussées dans des wagons à bestiaux et au bout de trois jours de voyage abominable, ils étaient gazés. Voilà ce qu'est l'antisémitisme, comment peut-on oublier ça? Ce qui se passe en France actuellement est très inquiétant. La Shoah doit interpeller tout le monde, c'est une tache sur l'humanité.
(Voir ci-dessous la vidéo de présentation du livre d'Alain Vincenot):
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