Mort d'André Glucksmann, le philosophe indigné (VIDEO)
Il était, avec Bernard-Henri Lévy, le plus célèbre de ce qu'on a appelé dans les années 70 les "Nouveaux philosophes". André Glucksmann est mort lundi 9 à l’âge de 78 ans, a annoncé ce mardi son fils Raphaël Glucksmann, réalisateur, sur son compte Facebook.
"Mon premier et meilleur ami n’est plus. J'ai eu la chance incroyable de connaître, rire, débattre, voyager, jouer, tout faire et ne rien faire du tout avec un homme aussi bon et aussi génial. Voilà, mon père est mort hier soir", écrit le réalisateur en hommage à son père.
André Glucksmann a grandi dans un milieu juif d’Europe centrale et orientale. Il est né à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le 19 juin 1937, ses parents avaient immigré en France depuis la Palestine mandataire en 1933 peu avant la Grande révolte arabe. Ils militèrent tout deux à l’Internationale communiste, un engagement qui marquera André Glucksmann pendant ses jeunes années. Pendant la Seconde guerre mondiale, il vivra caché alors que sa mère prenait part activement à la Résistance, son père étant mort au début de la guerre.
Après des études à Lyon, puis à l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé de philosophie et normalien, André Glucksmann est entré au CNRS en qualité de chargé de recherches. Après avoir été proche des maoïstes français et défenseur de la Révolution culturelle chinoise, il coupe les ponts avec le communisme en 1975, à la publication de son essai La Cuisinière et le mangeur d'hommes, essai sur l'État, le marxisme et les camps de concentration (Ed. Seuil), où il établit un parallèle entre le nazisme et le communisme. Un livre qui sera suivi par Les Maîtres penseurs (Ed. Grasset, 1977) et qui ont été des succès de librairie, malgré des critiques parfois virulentes chez des intellectuels de gauche.
Son itinéraire sera marqué par l’aventure des "Nouveaux philosophes", qui sont parmi les premiers à envahir les plateaux de télévision, dont celui d’Apostrophes en 1977, et à diffuser largement auprès du grand public leur pensée en rupture avec les idéaux communistes, dénonçant notamment le totalitarisme. Il militera en faveur de l'accueil des réfugiés vietnamiens qui fuient leur pays à bord de bateaux de fortune, les boat-people. En janvier 1979, André Glucksmann, Jean-Paul Sartre et Raymond Aron prennent l’initiative de lancer une opération de sauvetage, "Un bateau pour le Vietnam". Tous trois avaient été reçus à l'Elysée en 1979 par le président Valéry Giscard d'Estaing.
Philosophe toujours indigné, il a soutenu également l’intervention contre la Serbie au moment de la guerre du Kosovo en 1999. Dans Une rage d’enfant (Ed. Plon, 2006), il racontait avoir toujours été indigné par "les misères du monde".
Dans une tribune au quotidien Le Monde en 2007, le philosophe avait annoncé son soutien à Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle. "Il a posé le bon diagnostic sur le chômage, c’est le candidat le plus à gauche", avait-il déclaré avant de finalement prendre ses distances avec le président Sarkozy, trop proche d'un Vladimir Poutine que Glucksmann a toujours férocement critiqué, par sympathie pour la cause tchétchène.
Depuis ce mardi matin, les hommages se sont succédés pour rendre hommage à André Glucksmann. "Je salue la mémoire d'André Glucksmann. Toujours à l'écoute des souffrances des peuples, il ne se résignait pas à la fatalité des guerres", a déclaré François Hollande sur le compte Twitter de l'Elysée. "L'indignation, le sort des peuples, la rigueur de l'intellectuel: André Glucksmann guidait les consciences. Sa voix manquera", a dit Manuel Valls. Pour Nicolas Sarkozy, "la disparition d'André Glucksmann tourne une page de la pensée française de la seconde moitié du XXe siècle".
(Voir ci-dessous la vidéo d'André Glucksmann qui débat avec René Andrieu dans l'émission Question de temps en 1978 au sujet du drame des boat people):
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