Les photojournalistes "rament de plus en plus", s'inquiète le directeur de Visa pour l'image
Visa pour l'image souffle ses 30 bougies à Perpignan. Mais en trois décennies, le photojournalisme a beaucoup souffert, les budgets de la presse ont chuté et les photographes "rament de plus en plus" pour s'en sortir, s'inquiète le directeur du festival Jean-François Leroy.
"Ce qui a dramatiquement changé, c'est la baisse des budgets. Dans un journal, c'est toujours la photo qui trinque en premier. Il y a beaucoup moins de journaux qui publient du photoreportage qu'il y a 30 ans, beaucoup ont disparu", indique à l'AFP l'emblématique responsable de Visa, rendez-vous incontournable de la profession qui se tient du 1er au 16 septembre dans la préfecture des Pyrénées-Orientales.
"A l'époque, un bon sujet qui était vendu 15.000 euros, ce n'était pas exceptionnel. Aujourd'hui un sujet qui est acheté 4, 5 ou 6.000 euros ça devient rare".
"Il y a 15 ou 30 ans, je connaissais des centaines de gens qui vivaient de la photo de presse. Aujourd'hui, des gens qui ne vivent que de la presse, cela se chiffre à quelques dizaines. Les autres sont obligés de faire du corporate, de l'institutionnel, du commercial pour arriver à boucler les fins de mois".
"Il y a 30 ans, les grandes agences comme Gamma, Sygma, Sipa remboursaient 50% des frais aux photographes et leur versaient 50% des ventes. Dans le système des agences d'aujourd'hui, c'est le photographe qui prend tout (tous les frais à sa charge) et (en conséquence) les photographes produisent moins et moins longtemps".
- "correspondants locaux brillantissimes" -
De plus, en l'espace de 30 ans, "les agences (de presse mondiales) comme l'AFP, AP et Reuters ont développé un réseau de correspondants locaux qui sont brillantissimes".
"Aujourd'hui, si on a besoin d'un sujet en Somalie, plutôt que de dépenser énormément d'argent car il faut un chauffeur, un fixeur, un interprète, des gardes du corps, une voiture blindée, on fait travailler un local qui a du talent, qui n'a pas besoin de chauffeur ni d'interprète et qui connaît le terrain. Ca a beaucoup changé la donne".
Pour la 30e édition de Visa, Jean-François Leroy a ainsi fait "revenir" Mohamed Abdiwahab, correspondant AFP en Somalie, exposé à Visa en 2015, "pour le montrer en projection car le mec est éblouissant". Khalil Hamra (Associated Press, AP), issu de la diaspora palestinienne et qui vit dans la bande de Gaza, est pour sa part sélectionné pour le prestigieux Visa d'Or News, décerné samedi.
Et, dans le marasme ambiant, le numérique n'est toujours pas un moteur de croissance pour un photoreporter. "Quand on lui donne 100 balles pour une photo dans le print (presse papier) et qu'on lui dit que cela inclut le web... C'est bien cela le problème", regrette M. Leroy.
"C'est pour cela qu'on va parler des +droits voisins+, on veut imposer aux Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) de reverser une partie de leurs revenus publicitaires. Ils jouissent d'un revenu qu'ils n'ont pas produit, c'est paradoxal. Une loi doit être votée au parlement européen, il faut se mobiliser".
La réforme du droit d'auteur dans l'UE sera à nouveau débattue lors de la session plénière de septembre du Parlement à Strasbourg.
Sinon, en trois décennies, poursuit le co-fondateur du festival, "le regard des photographes est toujours le même. Il y avait les bons photographes qui sont toujours bons et les mauvais qui sont toujours mauvais. Tout le monde fait de la photo mais il y a peu de photographes. Ce n'est pas parce qu'on a un stylo qu'on est Balzac ou Shakespeare".
En 30 ans, l'ADN de Visa pour l'image n'a pas vraiment changé: "Dès le début, on voulait faire découvrir des jeunes photographes, confirmer des photographes déjà établis et faire découvrir des travaux ou des photographes un peu oubliés".
"Quand on voit tous les jeunes photographes qui ont eu des premières expositions à Perpignan et qui sont devenus des stars, ça fait plaisir, ça prouve qu'on ne s'est pas beaucoup trompés".
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