Novembre 1970, mort de De Gaulle : "la France est veuve" (VIDEO)
Le mercredi 11 novembre 1970, France-Soir réalise le plus gros tirage de son histoire: 2.264.000 exemplaires, soit près de six millions de lecteurs. C'est en annonçant la mort du général De Gaulle que le quotidien de Pierre Lazareff bat ce record.
Un seul gros titre barre la Une de France-Soir ce jour-là, au-dessus d'une photo de l'ancien président et de sa femme Yvonne: "La mort de De Gaulle".
Celui-ci s'est éteint deux jours plus tôt, lundi 9 novembre vers 19h30, mais sa mort n'a été annoncée que le mardi matin, le temps que sa veuve prévienne la famille.
Le fondateur de la Ve République, qui avait démissionné de ses fonctions en avril 1969 après le "non" au référendum sur la régionalisation et le Sénat, s'était retiré dans sa propriété familiale de La Boisserie, à Colombey-les-deux-Eglises (Haute-Marne). C'est dans le salon de la maison, alors qu'il faisait une réussite, assis à sa table de bridge en attendant le journal télévisé de 20h, qu'il a été pris d'un malaise. "J'ai mal dans le dos", a-t-il murmuré, avant de s'effondrer dans son fauteuil, victime d'un anévrisme abdominal. Son épouse Yvonne, seule à ses côtés, a appelé un médecin et un prêtre, qui lui donna les derniers sacrements.
De Gaulle est décédé subitement à quelques jours de ses 80 ans, qu'il aurait eus le 22 novembre. Le lendemain de sa mort, le 10 novembre, Georges Pompidou fait une brève allocution, dont France-Soir reproduit le texte en première page: "La France est veuve", y dit notamment le chef de l'Etat.
Dans son éditorial en première page, titré "La France en deuil", Serge Maffert, le chef du service politique de France-Soir, écrit que "chacun, partisan ou adversaire du général, sent qu'il est personnellement concerné par la disparition d'un homme qui a dominé de si haut, et pendant si longtemps, notre époque". Il conclut que "chacun dans notre pays sent bien que quelque chose a changé, qu'en un certain sens rien, chez nous, ne sera plus comme avant. Pour De Gaulle, l'Histoire s'est arrêtée. La légende commence".
"Les obsèques auront lieu jeudi à 11h à Colombey dans la plus stricte intimité", précise également France-Soir, qui ajoute qu'à la même heure, une cérémonie sera célébrée à Notre-Dame de Paris et que ce jeudi sera "journée de deuil national".
Dans un article en bas et à droite de sa première page, le quotidien rappelle par ailleurs que "De Gaulle avait réglé ses obsèques depuis 18 ans". En 1952, le général avait en effet rédigé son testament en ces termes, notamment: "Je ne veux pas d'obsèques nationales. Ni président, ni ministres, ni bureaux d'assemblées, ni corps constitués. Seules, les Armées françaises pourront participer officiellement, en tant que telles; mais leur participation devra être de dimension très modeste, sans musiques, ni fanfares, ni sonneries".
Il y aura quand même foule, ce jeudi 12 novembre à Colombey, pour la cérémonie religieuse, en présence des caméras de télévision qui filmeront le transfert, entre La Boisserie et l'église, du cercueil du général, enveloppé dans un drapeau tricolore et disposé sur un char militaire. La mise en terre aura lieu dans l'après-midi, dans l'intimité de la famille, des gens du village et de quelques représentants de l'armée.
Une intimité qui tranche avec la cérémonie, le même jour, à Notre-Dame. Plusieurs milliers de personnes assistent à la messe, dont une trentaine de chefs d'Etat parmi lesquels les présidents américain et soviétique Richard Nixon et Nikolaï Podgorny, le prince Charles d’Angleterre, l’empereur d’Ethiopie Haïlé Sélassié, le chah d’Iran, etc.
Et dans la soirée, une foule estimée à un demi-million de personnes remontent, en ce jour de deuil national, les Champs-Elysées, sous la pluie, pour aller déposer des gerbes Place de l'Etoile. Le lendemain, celle-ci sera officiellement rebaptisée Place Charles de Gaulle.
(Voir ci-dessous, dans les archives de l'INA, la déclaration de Georges Pompidou le 10 novembre 1970):
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