Evaluer la radicalisation : visite dans l'une des prisons les plus sécurisées de France

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Par Caroline TAIX - Vendin-le-Vieil (France) (AFP)
Publié le 14 mai 2018 - 08:09
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Un surveillant devant une des grilles du QER (quartier d'évaluation de la radicalisation), de la prison de Vendin-le-Vieil le 4 mai 2018
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© Philippe HUGUEN / AFP
Un surveillant devant une des grilles du QER (quartier d'évaluation de la radicalisation), de la prison de Vendin-le-Vieil le 4 mai 2018
© Philippe HUGUEN / AFP

Quatre miradors et des murs d'enceinte de 12 mètres de haut: 12 détenus pour terrorisme arrivent lundi dans la prison de Vendin-le-Vieil, l'une des plus sécurisées de France, où un quartier d'évaluation de la radicalisation ouvre afin de lutter contre la contagion jihadiste en prison.

Ce centre pénitentiaire du Pas-de-Calais, aux allures de forteresse, a ouvert en 2015. A Vendin, pas de problème de surpopulation carcérale: il y a moins de cent détenus pour plus de 200 places. Mais il s'agit de condamnés à de longues peines, violents, qui nécessitent une surveillance quasi-individualisée. Ainsi en janvier, un détenu jihadiste avait blessé plusieurs surveillants, lançant un vaste mouvement de contestation des agents pénitentiaires.

La prison compte trois maisons centrales, totalement étanches les unes des autres: "trois prisons dans la prison", explique le chef d'établissement Vincent Vernet. Il faut franchir une succession de sas, portes, grilles pour arriver au coeur de la détention. C'est ce cadre ultra-sécurisé et moderne qui a été choisi pour ouvrir le premier QER (quartier d'évaluation de la radicalisation) en province.

Pendant 17 semaines, 12 condamnés pour terrorisme seront interrogés, écoutés, observés pour être ensuite dirigés, selon leur dangerosité, en quartier d'isolement, en quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) ou dans des "quartiers étanches" en détention ordinaire.

L'objectif: "déterminer un mode de détention adapté pour les détenus radicalisés afin de lutter contre le prosélytisme", explique Mathilde Cunha, directrice adjointe de la prison, affectée au QER.

"La priorité est d'éviter qu'il y ait des idéologues prosélytes en détention ordinaire", renchérit le chargé de mission pour la lutte contre la radicalisation violente à la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), qui a requis l'anonymat. "Notre principale préoccupation est de détecter les idéologues prosélytes qui ont le charisme, la capacité, le bagage intellectuel et culturel pour radicaliser d'autres" détenus, dit-il.

Il y a déjà trois QER en France, tous en Ile-de-France, à Osny, Fleury-Mérogis et Fresnes. Leur création est la conséquence de l'agression en septembre 2016 d'un surveillant par un détenu radicalisé à Osny, qualifiée par la DAP de "premier attentat jihadiste fomenté en prison". Au total, trois nouveaux QER vont ouvrir, deux à Vendin-le-Vieil et un à Condé-sur-Sarthe (Orne), pour "desserrer la contrainte sur la région parisienne".

- Pic de sorties -

Il y a plus de 500 détenus pour terrorisme et environ 1.100 détenus de droit commun repérés comme radicalisés. A terme, tous devront passer par un QER.

A Vendin-le-Vieil, les détenus en QER, isolés des autres prisonniers, seront dans des cellules individuelles flambant neuves avec espace douche et WC. Ils auront une heure de promenade le matin, une heure l'après-midi, dans une cour filmée pour "évaluer les interactions entre détenus". Il y aura des activités collectives, mais les détenus ne seront jamais plus de quatre. "On individualise tout", explique Mathilde Cunha, qui prend l'exemple des entretiens individuels sur des thématiques comme le salafisme, la laïcité. "On favorise toujours l'évaluation", ajoute-t-elle.

Interviendront des psychologues, des éducateurs, des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation etc. Deux surveillants seront toujours présents pour les 12 détenus, alors que dans certaines maisons d'arrêt, un surveillant peut être en charge d'une coursive avec plus de 100 détenus.

Les surveillants volontaires étaient nombreux. "Énormément d'agents sont en recherche de sens et de valorisation. Ils ont envie de faire autre chose que de la sécurité simple", explique Mathilde Cunha.

Mais le QER "est une étape avant le passage à autre chose, la prise en charge en QPR ou en établissement spécialisé", souligne le chargé de mission pour la lutte contre la radicalisation. "La prochaine étape, c'est d'aller vers un programme plus ambitieux de désengagement, avec des modules sur le long terme", poursuit-il. "Il va y avoir un pic de sortie (de prison, ndlr) en 2022. (...) L'administration pénitentiaire a une responsabilité: rendre des citoyens en capacité de réintégrer la société".

Deux quartiers de prise en charge (QPR) doivent ouvrir prochainement, l'un à Vendin-le-Vieil et l'autre à Condé-sur-Sarthe, sur le modèle de celui qui existe à Lille-Annoeullin, où sont envoyés les plus prosélytes et recruteurs.

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