Sportives de haut niveau : avoir un enfant peut rimer avec performance
Serena Williams, Victoria Azarenka mais aussi Cléopâtre Darleux: avoir un enfant n'est plus synonyme d'arrêt de carrière mais les sportives de haut niveau ont besoin d'un meilleur accompagnement et de soutien pour balayer les clichés selon lesquels une grossesse entame forcément les performances au retour de maternité.
En France, les sportives ayant poursuivi leur carrière après un accouchement se sont longtemps comptées sur les doigts de la main, la médaillée olympique de boxe Sarah Ourahmoune, devenue mère en 2013, en tête.
Au tennis, la superstar américaine Serena Williams a remporté l'Open d'Australie 2017 en étant enceinte de huit semaines et a renoué avec la compétition après la naissance de sa fille. La Bélarusse Victoria Azarenka, ex-N.1 mondiale, a elle repris la raquette après un accouchement en 2016.
Si cela reste un challenge, les exemples sont plus fréquents. La judoka Clarisse Agbégnénou, double championne olympique à Tokyo l'été dernier, vient ainsi d'annoncer début février sa grossesse en donnant rendez-vous pour les JO de Paris en 2024.
La biathlète Anaïs Chevalier-Bouchet, médaillée d'argent aux Jeux d'hiver de Pékin, après une pause enfant pendant la saison 2019-2020, s'est elle dite "fière" de faire partie des femmes qui concilient maternité et sport de haut niveau.
C'est le sens du guide très complet "Sport de haut-niveau et maternité: c'est possible!", présenté vendredi à l'Insep et sur lequel a travaillé le ministère des Sports. L'objectif est de faire "sauter le verrou qui empêche les femmes athlètes de faire une pause bébé", explique la ministre Roxana Maracineanu.
- crainte de la prise de poids -
Crainte de l'annoncer et de l'adaptation des entrainements pendant la grossesse, peur de la prise de poids, de ne plus retrouver son niveau, de la question financière ou encore du mode de garde au retour à la compétition... la sportive pro, dont le corps est l'outil de travail et la durée de carrière réduite, a mille raisons de se poser ces questions.
Selon une enquête du ministère des Sports, sur 700 sportives interrogées, plus de 60% considèrent qu'il est difficile de devenir mère pendant la carrière.
L'haltérophile Dora Tchakounte, quatrième aux Jeux de Tokyo, raconte avec beaucoup d'émotion combien elle a été "seule" dans cette expérience, à l'exception du soutien de ses parents. "J'ai caché ma grossesse" et "je voulais passer inaperçue", a-t-elle expliqué.
L'expérience n'a pas été simple non plus pour la judoka Automne Pavia dont le club a très mal pris sa grossesse: "pour eux c'était un arrêt de carrière que je ne voulais pas dire alors que c'était pas du tout le cas". Elle a changé de club et a, cette fois-ci, été soutenue.
La basketteuse Valériane Vukosavljevic se dit "ravie" d'avoir "réussi à faire une médaille olympique (en bronze) en étant enceinte de 16 semaines", a-t-elle raconté vendredi, trois semaines après son accouchement et six mois après le podium au Japon.
Gynécologue à l'Insep, Carole Maître, qui a participé à la rédaction du guide, évoque "les appréhensions et les idées reçues" à "lever", avec les manières d'adapter les entraînements durant la grossesse, et la "possibilité du retour au haut-niveau".
- revenir à son meilleur niveau -
L'escrimeuse Cécilia Berder, vice-championne olympique de sabre en équipe à Tokyo, actuellement enceinte, "a un focus tous les mois sur ce qu'elle peut faire avec sa préparatrice physique".
L'impact sur la performance est l'une des principales interrogations.
"Oui on peut revenir à son meilleur niveau", assure Alice Meignié, chercheuse en épidémiologie de la performance sportive.
Si la sportive n'avait pas atteint son "pic de performance" avant la grossesse, elle l'atteindra après et inversement, explique sa collègue Juliana Antero. Le niveau de performance baisse si elle était en phase de décroissance avant sa grossesse. "Elles suivent l'évolution normale de leur âge", résume-t-elle.
"Le soutien de l'environnement sportif est essentiel pour mener à bien sa maternité et son retour", insiste de son côté Carole Maître, pour inciter les encadrements à s'emparer des connaissances sur le sujet.
Gardienne de l'équipe de France de hand-ball, championne olympique au Japon, Cléopâtre Darleux a aussi ouvert la voie dans les sports collectifs après son accouchement en 2019. Le hand français a signé en 2021 la première convention collective qui garantit notamment un congé maternité, avec un maintien de salaire de 12 mois. Pour Darleux, cela devait être trois mois mais son club, Brest, avait "fait le choix du maintien (total) de salaire", souligne-t-elle.
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