Cédric Auriol a le goût des insectes
Cédric Auriol, 32 ans, n’a a priori rien de Bear Grylls, cet aventurier et ancien militaire britannique connu pour son émission de télé-réalité Seul face à la nature (Man vs. Wild). Sauf cette idée saugrenue de manger des insectes. Mais, dans son cas, ce n’est pas au milieu de la jungle mais en banlieue de Toulouse qu’il prépare son festin. Et lui a bien l’intention de le faire partager à toute l’Europe.
Cet entrepreneur diplômé de l’école de commerce ESC Toulouse, plus fourmi que cigale, était à la recherche d’un projet commercial et environnemental: "Il y a trois ans, je suis tombé sur un rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) qui préconisait la consommation d’insectes pour leurs qualités environnementales et nutritionnelles", confie-t-il à FranceSoir. "J’étais déjà entrepreneur dans le domaine du textile et de l’emballage et je cherchais à me diversifier".
Le rapport présente les insectes comme un possible substitut à la viande face à la croissance de la population mondiale. Plus rentables, moins polluants, nécessitants peu d’espace et pourtant très riches en fibres, ils seraient la solution pour le futur de nos assiettes.
Au point que Cédric Auriol n’y réfléchit pas à deux fois: "Je m’étais déjà lancé dans le projet avant même d’avoir goûté un seul insecte. Lors de ma première dégustation j’avais pas mal d’appréhension. Ça m’a soulagé de voir que le goût était au rendez-vous".
"On m’a pris pour un farfelu"
Le produit a donc de nombreuses qualités, mais personne en Europe ne s’est alors risqué dans un élevage aussi insolite. Cédric Auriol a dû surmonter le scepticisme, voir le dégoût suscité par son projet: "En 2011, personne ne comprenait le sens de ma démarche. Le financement bancaire était impossible, j’ai dû tout créer à partir de fonds propres. On m’a pris pour un farfelu". Mais le jeune entrepreneur ne se démonte pas et crée cette année-là Micronutris, premier élevage d’insectes comestibles en France.
Deux ans plus tard, après un investissement de 250.000 euros, six salariés élèvent grillons et vers de farine dans un entrepôt de la banlieue toulousaine pour les revendre en ligne. Entre-temps, l’entreprise a été lauréate du concours Inn’ovation organisé par la région Midi-Pyrénées. "Depuis quelques mois nous sommes devenus beaucoup plus crédibles", conclut Cédric Auriol.
Une crédibilité favorisée par une approche novatrice de la consommation d’insectes. Plutôt que de jouer sur l’exotisme et de proposer de grosses bébêtes comme certains sites internet, le jeune entrepreneur essaye de séduire les consommateurs européens en douceur. Pas de pâtes de mygales (très prisées en Thaïlande) ou de gros scarabées donc, mais des vers de farine ou de petits grillons élevés dans le Sud-Ouest. Déshydratés puis vendus en sachets, ils se consomment tels quels ou agrémentent les plats d’un petit goût d’arachide. La marque propose également des macarons (parfums caramel, citron, fromage, oignon) ou des chocolats réalisés en collaboration avec un maître pâtissier.
Une activité écologique
Autre argument de vente, l’appel à la conscience environnementale des clients. L’entreprise se définit d’ailleurs elle-même comme un "créateur d’alimentation durable" et précise, sur son site internet, qu’il faut dix kilogrammes de fourrage pour produire un kilogramme de bœuf. Mais cela suffit pour élever neuf kilogrammes d’insectes. De même la faible émission de gaz à effet de serre est mise en avant. Le tout pour présenter cette nouvelle nourriture comme la "solution pour les 9 milliards d’humains" que devrait compter la Terre en 2050.
Seul handicap pour l’instant, le prix. Comptez 12,50 euros pour dix grammes de vers de farine et 19,50 euros la boîte de 12 chocolats. Un prix que l’entreprise justifie par son statut de pionnier et le respect des normes sanitaires et environnementales. Elle envisage cependant de baisser ses tarifs avec le développement de ce nouveau type d’élevage.
Si le chiffre d’affaires de Micronutris est encore modeste, Cédric Auriol a confié au Parisien espérer atteindre les 10 millions d’euros par an d’ici à 2016 et embaucher une trentaine de personnes (aujourd'hui ils sont une dizaine). Le temps de persuader les Français de se faire offrir un ver à l'apéritif.
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