Finie la cantine, l'endive vise le changement d'ère
Emblématique légume du nord, l'endive a connu une sévère chute de production, liée à la dureté de son exploitation, mais entend bien reconquérir les consommateurs, en misant sur ses vertus nutritives et son amertume unique.
"Regardez, c'est énormément de main d'oeuvre. Il en faut des étapes jusqu'à l'emballage final !", lance Florence D'Halluin, 36 ans, qui a repris en 2009 l'endiverie familiale à Marcoing (Nord), en désignant la vingtaine de salariés à l'oeuvre dans un grand hangar.
C'est tout un processus en effet, avant d'obtenir ces tiges blanches en fuseau, qui n'existent pas à l'état sauvage.
Il y a d'abord la récolte des racines, de septembre à novembre, après les semailles de printemps. Elles sont ensuite conservées dans des chambres froides, puis placées manuellement dans des bacs installés dans une "salle de forçage" - également nommée "salle de pousse" - où elles restenttrois semaines dans le noir, avec de l'eau.
Vient l'étape du "cassage" quand les racines sont séparées des endives qui se sont formées. Celles-ci rejoignent alors un tapis roulant dans une salle d'épluchage et de conditionnement, où des petites mains les emballent, en général par lot de 4 ou 5, en fonction de leur calibre.
"L'endive est sans commune mesure avec le reste des productions maraîchères, pour la simple et bonne raison que c'est une culture en deux phases, avec du travail au champ et en salle", souligne Frédéric Le Vigoureux, président de l’Association des producteurs d’endives de France (APEF).
Ce travail harassant, complexe et cher en main d’œuvre, explique notamment la chute du nombre d'exploitations.
Certes les Hauts-de-France, avec une production annuelle de 165.000 tonnes, continuent d'assurer 95% de la production en France, de loin le premier producteur mondial devant les Pays-Bas et la Belgique (40.000 t chacun) et l'Allemagne (14.000 t).
Mais la production a chuté, "avec 80.000 t de moins qu'il y a douze ans, même si les chiffres de ces trois dernières années sont plutôt à la stabilité" relève l'APEF.
Quant à la filière, "elle a perdu 60 producteurs en cinq ans", dont beaucoup optent pour la culture de la pomme de terre, moins contraignante, indique M. Le Vigoureux.
- "La tomate de l'hiver" -
Pour en finir avec les mauvais souvenirs de "cantoche" et redorer le blason du "chicon" - son autre nomdans le nord - les endiviers ont lancé fin 2016 une campagne de communication multimédia, à deux millions d'euros. Slogan: "l'endive, mangez-la pour le bien qu'elle vous fait!".
Ses promoteurs espèrent remettre au goût du jour un légume découvert au XIXe siècle par le botaniste belge Franciscus Bréziers: cherchant à payer moins d’impôts sur ses cultures, il aurait dissimulé des pieds de chicorées sauvages dans sa cave, sous une petite couche de terre. Quelques semaines plus tard, il aurait découvert une plante blanche en forme de fuseau...
Aujourd'hui, l'objectif est de faire connaitreles bienfaits nutritionnels de la "tomate de l'hiver", qui peut toutefois se consommer toute l'année, crue ou cuite. "Elle est bénéfique pour le sang, les intestins, les rides grâce à ses vitamines, son fer, son calcium", détaille Michel Theret, grand maître de la confrérie de l'endive de France.
Et si son amertume, plus ou moins marquée selon la trentaine de variétés, en fait un "légume clivant, comme la betterave ou les épinards", c'est aussi son atout, observe M. Le Vigoureux : "Regardez les produits qui se développent depuis dix ans, la bière ou le café... L'amertume, dans les cultures françaises ou anglo-saxonnes, est certes un goût moins familier, mais qui ne se perd pas. Beaucoup des gens adorent l'amer, les Italiens en raffolent".
Le chef Clément Marot, qui tient une bonne table dans le Vieux-Lille, voit dans l'endive "un légume extraordinaire", représentatif "de la gastronomie du Nord". Il aime le préparer en soupe ou en chutney avec de la pomme, et le servir avec du foie gras.
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