La deuxième vie des coquilles d'huîtres
En Charente-Maritime (ouest), premier département français pour la production d'huîtres, l'entreprise Ovive s'est spécialisée depuis 1989 dans la collecte de cette matière première: "Je dispose gratuitement des bennes chez des ostréiculteurs de l'île de Ré et du bassin de Marennes-Oléron dans ce département, mais aussi à Arcachon (Gironde, sud-ouest) et en Bretagne (ouest)", explique à l'AFP le cofondateur de l'entreprise, Jean-Luc Saunier. Le ramassage est ensuite hebdomadaire.
Une fois récupérées, les coquilles, riches en calcaire, sont séchées pour éliminer les bactéries, puis broyées. Selon la taille des paillettes qui en ressortent, une utilisation spécifique est prévue.
"Les paillettes de un à six millimètres sont destinées à l'alimentation des poules, représentant 80% des 3.000 tonnes d'huîtres que je broie chaque année", détaille Jean-Luc Saunier. Utiliser les coquilles d'huîtres pour nourrir les poules qui ont besoin de cet apport pour produire leurs coquilles d'œufs est une pratique connue de longue date. "Les écailles (autre nom donné aux paillettes) de 0,5 à 3 millimètres entrent dans la composition des fonds de cage pour oiseaux ou dans les sacs de graines pour basse-cour vendus dans les grandes surfaces. Chacun en contient 5%. Au début je n'avais pas perçu le débouché économique des sacs de graines", reconnaît l'entrepreneur. "Aujourd'hui, cela représente 35 tonnes d'huîtres par mois".
Lorsqu'elles mesurent environ 300 microns, les micro-paillettes sont achetées par les écloseries, qui les utilisent pour fixer une larve d'huître sur chaque morceau et constituer des naissains. Enfin, lorsqu'elles sont réduites à l'état de poudre, les coquilles servent pour l'amendement calcaire des sols agricoles, mais aussi pour l'industrie des cosmétiques, de la parapharmacie et des compléments alimentaires, grâce notamment au calcium qu'elles contiennent.
Les 3.000 tonnes de coquilles d'huîtres récupérées ainsi chaque année représentent toutefois une goutte d'eau par rapport à la production nationale annuelle, qui avoisine les 150.000 tonnes. Mais cette collecte est appelée à croître.
A 30 km de La Rochelle, Cyclad, le syndicat mixte de gestion des déchets du nord de la Charente-Maritime, a lancé le 14 décembre et jusqu'à fin janvier un test de collecte des coquillages (huîtres, moules, palourdes, coques, pétoncles, saint-jacques, etc.). Il a disposé de grands sacs dans chacune de ses 22 déchetteries. Une opération labellisée COP21 et logique pour un territoire inscrit dans le programme "zéro déchets, zéro gaspillage".
"Des particuliers demandaient à pouvoir déposer les coquilles quelque part alors que rien n'existe pour eux", explique Étienne Vitré, directeur de Cyclad. "Il faut capitaliser là-dessus. Sinon les coquilles sont jetées dans le tout-venant. Or la gestion du tout-venant nous coûte 154 euros par tonne. Chaque apport de coquilles est une économie", souligne-t-il.
D'autant que de nouveaux débouchés apparaissent pour les coquilles d'huîtres: "En Bretagne, elles sont réduites en poudre très fine et entrent dans la composition des fils d'imprimantes en 3D. A l'inverse, les coquilles entières servent à la filtration d'air dans les stations d'épuration. Elles remplacent en effet la tourbe utilisée pour piéger le sulfure d'hydrogène, dont l'odeur d’œuf pourri n'échappe à personne".
Une autre utilisation des coquilles d'huîtres est à l'étude en Charente-Maritime, portée par le Comité régional conchylicole de la Région Poitou-Charentes. L'été prochain, un nouveau système de captage des larves d'huîtres en mer sera testé, en remplaçant les coupelles en plastique par des coquilles percées et enfilées les unes sur les autres. Certains professionnels restent pour l'heure sceptiques, une telle technique nécessitant une importante manutention.
Les coquilles des autres mollusques, qui servent également à nourrir les poules et à amender les sols agricoles, attendent aussi de plus larges débouchés. Une entreprise de toiture végétalisée rochelaise, L'Atelier du végétal, fait d'ores et déjà entrer les coquilles de moules dans la composition de son substrat.
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