Le Plan incliné, un "ascenseur à bateaux" dans le massif des Vosges
A la barre, Yan, un Suisse de 17 ans, manoeuvre prudemment dans un bac à peine plus large, tandis que son père amarre l'embarcation: avec le Plan incliné, "ascenseur à bateaux" de Saint-Louis-Arzviller (Moselle), ils vont descendre 44,5 m en quatre minutes.
En 1969, l'ouvrage a été conçu dans un alliage de béton et de fer pour raccourcir les huit à treize heures de navigation sur le canal de la Marne au Rhin, pour franchir les quatre kilomètres et 17 écluses de la vallée et avaler le dénivelé.
"A l'époque, il y avait 35 à 40 péniches par jour, qui transportaient 8.000 à 10.000 tonnes de marchandises", raconte aux passagers d'une navette touristique Michel Carabin, pilote et guide sur le Plan incliné "depuis trois décennies".
Mais le fret fluvial a périclité avec la crise industrielle des années 1970 et le développement du transport routier et ferroviaire. L'an dernier, quinze péniches de gabarit Freycinet (39 m de long, 5,2 m de large) seulement ont emprunté l'ascenseur, contre 8.467 bateaux de plaisance. Et chaque année, entre 70.000 et 100.000 visiteurs viennent découvrir l'ouvrage si singulier.
L'"ascenseur à bateaux", qui a reçu cette semaine la labellisation "Patrimoine du XXe siècle", est devenu un formidable outil d'attractivité touristique.
Le Plan incliné est géré par Voies navigables de France (VNF) qui a confié, par le biais d'une convention, son exploitation touristique à une société d'économie mixte, dont la communauté de communes du Pays de Phalsbourg (Moselle) est actionnaire majoritaire.
"C'est une économie très importante (pour la vallée) du mois d'avril au mois d'octobre, beaucoup de personnes vivent grâce à cette manne touristique", résume M. Carabin, citant loueurs de bateaux, commerces, restaurants et lieux d'hébergement des communes alentour.
"Des gens du monde entier passent ici", se félicite M. Carabin, qui est aussi maire d'Arzviller.
Parmi eux, beaucoup de Néerlandais, Allemands, Suisses, Belges ou Anglais, comme Pénélope Gibbs, en croisière sur le canal avec mari, amis et enfants. Au programme: relier Lutzelbourg, commune voisine, à Saverne (Bas-Rhin). "C'est incroyable, magnifique, fantastique! C'est très spécial!", s'exclame-t-elle alors que le bac entame doucement la descente.
- "Petite merveille technologique" -
Yan Ischi, casquette de marin sur la tête, n'est pas très rassuré par les 44,5 mètres à descendre en quatre minutes, à la vitesse de 60 cm par seconde. "C'est chouette d'être ici et de voir cet édifice. Mais c'est un peu effrayant... C'est très haut!", sourit-il.
"C'est gigantesque!", décrit un couple de retraités allemands.
Dans la salle des commandes qui surplombe l'édifice, Bastien Hofer, agent d'exploitation de VNF, garde un oeil sur trois écrans tout en allumant ici et là des boutons. "Ca paraît compliqué et impressionnant parce qu'il y a beaucoup de voyants, mais le fonctionnement est assez simple", estime-t-il.
Le bac, qui pèse environ 900 tonnes, effectue ascension et descente grâce à deux contre-poids de 450 tonnes chacun, actionnés par des câbles reliés à deux gros tambours de 3,35 m de diamètre.
"L'astuce est simple, il suffit d'alourdir ou d'alléger le bac. C'est un ouvrage qui ne fonctionne pratiquement qu'avec le poids de l'eau et quasiment sans énergie", détaille M. Carabin.
Après un appel à projets remporté en 1962 par un ingénieur, Robert Vadot, il n'a fallu que sept années de travaux pour faire franchir la voie d'eau au massif des Vosges et mettre en fonction le Plan incliné.
Les ouvrages construits après-guerre pour répondre aux besoins de l'industrie "marquent l'histoire et marquent par leur innovation technologie", raconte Thierry Guimbaud, directeur général de VNF. L'ascenseur est pour lui "une petite merveille technologique, extraordinairement intelligente, ingénieuse".
"Il y a trois plans inclinés en Europe, mais celui-ci est unique par sa technologie et sa dimension: l'ascenseur est parallèle à la pente et non perpendiculaire comme les deux autres, qui existent en Belgique et en Russie", assure M. Guimbaud.
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