Adoption : évoquée depuis plusieurs années, la réforme des agréments se fait attendre
Moins d'un enfant adopté pour dix agréments valides: 50 ans après la loi du 11 juillet 1966 introduisant l'adoption plénière, les acteurs soulignent le besoin d'une nouvelle réforme pour éviter aux familles de trop grandes désillusions.
"Les agréments ne correspondent plus à la réalité. Il faut une nouvelle réforme", estime Nathalie Parent, présidente de l'association Enfance et Familles d'adoption (EFA), qui souhaite une information plus poussée des candidats à l'adoption.
La loi du 11 juillet 1966 a introduit l'adoption plénière, mode de filiation à part entière. Depuis, de nombreuses adaptations sont intervenues, mais une réforme des agréments, indispensables afin de pouvoir entamer les démarches d'adoption, se fait attendre. En 2011, le Conseil Supérieur de l'adoption soulignait sa nécessité, mais l'hypothèse s'est éloignée avec le report sine die, en 2014, du projet de grande loi famille.
Seule une "simplification du renouvellement de l'agrément est en cours", indique-t-on au ministère des Familles.
Les adoptions d'enfants à l'étranger sont en chute libre dans tous les pays d'accueil: proches de 4.000 par an en 2003-2006 en France, elles sont passées à 815 en 2015.
Leur niveau se rapproche ainsi des adoptions réalisées sur le territoire national, stables entre 700 et 800 chaque année.
Par comparaison, on comptait encore 17.568 agréments en cours de validité fin 2014, même s'ils ont diminué depuis 10 ans, selon l'Observatoire national de la Protection de l'enfance (ONPE).
La baisse des adoptions internationales s'explique par les restrictions imposées par de nombreux pays d'origine, notamment les signataires de la Convention de La Haye, charte éthique qui donne la priorité aux adoptions nationales.
En 2015, 65% des enfants adoptés à l'étranger avaient des "besoins spécifiques" (âgés de plus de 5 ans, en fratrie ou ayant des problèmes de santé).
Les postulants à l'adoption ne sont pas toujours conscients des difficultés qui les attendent. "Vouloir un bébé en bonne santé est un projet tout à fait légitime", souligne Mme Parent, qui souhaite que les agréments soient repensés pour mieux "correspondre aux enfants en attente".
Le besoin d'un meilleur accompagnement des parents fait consensus, car il existe des disparités sur le territoire.
Dans le Val-d'Oise, où des réunions d'information très complètes sont organisées pour les candidats à l'agrément, "les deux tiers des personnes présentes n'entament pas la procédure", souligne Sylvie Blaison, chef de service Accueils et Adoptions au conseil départemental.
L'Agence Française de l'Adoption (AFA), qui accompagne environ un quart des adoptions internationales, organise pour sa part "des formations ciblées sur l'accueil des enfants à besoins spécifiques", indique sa directrice générale, Béatrice Biondi. Pour "faire comprendre aux familles qu'elles vont devoir porter sur leurs épaules un projet qui n'est pas facile".
Le ministère des Affaires étrangères estime à une quarantaine les échecs d'adoption en 2015, c'est-à-dire des cas où des enfants ont été remis par leurs familles adoptives à l'Aide sociale à l'enfance (ASE).
La pédopsychiatre Marie-Odile Pérouse de Monclos, responsable d'une "consultation adoption internationale" à l'hôpital parisien Sainte-Anne, préconise un accompagnement post-adoption systématique des enfants et des parents.
"Les difficultés rencontrées sont extrêmement variées", selon l'âge d'arrivée et le parcours de l'enfant, indique-t-elle. Chez des "enfants qui ont subi des carences importantes, voire des maltraitances", elles peuvent altérer "la construction du lien, ou entraîner des troubles des apprentissages ou du comportement".
Les enfants de moins d'un an nés sous le secret en France, représentent quant à eux la grande majorité des adoptions nationales.
La France comptait 2.435 pupilles de l'Etat fin 2014. La loi de mars 2016 sur la protection de l'enfant réduit les possibilités de révocation de l'adoption simple, qui ne rompt pas les liens avec la famille d'origine, pour favoriser son développement. Elle comporte aussi des mesures visant à choisir le meilleur statut pour les enfants délaissés par leurs parents.
"Un enfant peut devenir pupille de l'Etat sans que l'adoption soit pour lui un projet adapté", souligne Gilles Séraphin, directeur de l'ONPE.
Un enfant juridiquement adoptable ne l'est pas forcément psychologiquement, relève aussi Mme Blaison. Le "parrainage de proximité" fait partie des alternatives.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.