Service civique ou armée : regain d'intérêt depuis les attentats
En juin, Sara a failli déprimer après avoir raté son bac. Son rêve de devenir médecin s'envolait. Corentin, lui, passait dix heures par jour devant des jeux video après un accident de santé. Tous deux ont retrouvé le sourire et la motivation durant un service civique.
A l'entrée de l'hôpital APHP Henri Mondor à Créteil (Val-de-Marne), Sara Hirlemann accueille visiteurs et patients avec une quinzaine d'autres jeunes, tous vêtus d'un "gilet bleu". La jeune fille leur réserve des taxis, les conduit en chaise roulante dans les services, ou passe quelques minutes à discuter dans une chambre. Elle apporte de l'humanité, et la générosité de ses 19 ans à des patients et des familles désorientés ou en détresse. "Le service civique m'a aidée. Ici, je me sens utile, j'ai repris confiance", dit Sara.
Parmi ceux qui s'embarquent dans une mission d'intérêt général de six à douze mois, certains ont eu un problème: échec scolaire, accident de la vie, solitude. "Je passais 10 à 12 heures par jour seul dans ma chambre, volets fermés, à jouer en ligne, je n'avais plus envie de rien" raconte Corentin Jacques, 21 ans. La proie idéale pour des recruteurs du web. Les "gilets bleus" l'ont "décollé" de son ordinateur. Il a enchaîné avec un stage de brancardier et vient de décrocher un CDD à l'hôpital. En aidant les autres, il s'est aidé lui-même: "sans le service civique, je ne sais pas où je serais".
Habib Khider, 23 ans, habite un quartier sensible de Maison-Alfort (Val-de-Marne). Les "gilets bleus" lui ont appris la ponctualité: "je n'étais pas habitué. Au début c'était dur de se lever le matin" dit-il. En quête de sens, d'autres veulent faire un break dans leurs études: Louise Bugier, parisienne de 18 ans qui vient d'abandonner sa première année de fac, se consacre à l'alphabétisation d'enfants Roms, à Noisiel (Seine-et-Marne) au sein d'une association. "Ca a l'air bête, mais j'ai dit lors de l'entretien de recrutement que j'avais envie d'aider les autres. Et c'est vrai. En fac, je ne trouvais aucun sens", dit-elle.
Depuis sa création en 2010, le dispositif a accueilli 120.000 volontaires dans des associations ou des administrations, indemnisés 573 euros nets par mois par l'Etat. En 2015, année marquée par deux terribles attentats djihadistes, les demandes sur le site www.service-civique.gouv.fr ont explosé de 107%, avec près de 400.000 candidatures à ce jour. Le nombre de jeunes retenus (un sur quatre en moyenne) devrait augmenter en 2016.
Côté militaire, on constate aussi un regain d'intérêt pour un engagement dans l'armée. En 2015, 170.000 jeunes ont poussé la porte d'un centre de recrutement ou se sont connectés sur le site "sengager.fr". Et 30 à 40.000 ont fait la démarche d'ouvrir un dossier, contre respectivement 120.000 et 20 à 30.000 en 2014. "L'an dernier, il y a eu deux afflux de jeunes venus spontanément se renseigner: après les attentats de Charlie et après ceux du 13 novembre", dit une responsable au ministère de la Défense.
Même constat à l'Agence du service civique: "le débat sur la citoyenneté" qui a suivi les attentats "a suscité des vocations", déclare son président, François Chérèque lors d'une interview à l'AFP. "Ceux qui ont envie d'aider peuvent le faire avec nous, ici, en France", dit-il, en faisant référence aux jeunes Français radicalisés qui "ont l'impression de faire de l'humanitaire" en partant faire le djihad en Syrie.
"La majorité des personnes ayant un parcours de radicalisation ont entre 16 et 25 ans", ajoute auprès de l'AFP l'ancien otage en Syrie, Nicolas Henin. Exactement l'âge du service civique. Dans Djihad academy, le journaliste décrit ses jeunes bourreaux, dont certains Français, qui, selon lui, "ont eu envie d'action et sont allés la chercher ailleurs".
Pour Theo Yamou, président de l'association Banlieue sans Frontière en Action, chargé du suivi des "gilets bleus" à l'APHP Henri Mondor, le succès du service civique dépend d'un bon encadrement et d'une bonne définition des missions, pour "qu'elles soient réellement utiles". "90% des jeunes que nous recevons viennent de quartiers populaires", dit-il. Aujourd'hui, le succès est tel qu'ils viennent directement déposer leur CV à l'hôpital.
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