Travail dominical : la sociabilité perdue pas rattrapée par un jour de repos en semaine
Cette perte "pose la question des autres effets à plus long terme" du travail dominical, avec de possibles conséquences sur le "lien familial", souligne l'étude publiée dans la revue "Économie et Statistique" de l'Insee. Un enjeu social "souvent occulté dans les débats relatifs à l'extension du travail dominical", selon ses auteurs.
S'il ne s'agit pas d'une "étude d'impact du travail le dimanche à proprement parler", préviennent ses auteurs Jean-Yves Boulin et Laurent Lesnard, elle permet de "comparer les usages du temps de ceux qui travaillent le dimanche et de ceux qui ne travaillent pas ce jour-là". Et elle montre "un impact très clair" du travail dominical sur la sociabilité, a dit à l'AFP M. Lesnard.
Les deux chercheurs se sont appuyés pour leur étude sur l'enquête Emploi du temps menée par l'Institut de la statistique en 2009 et 2010, confirmant que le dimanche est "avant tout le jour des loisirs", avec en moyenne une durée des heures récréatives plus que doublée par rapport à un jour de semaine. Le dimanche, jour sans travail et sans école, est aussi et surtout plus propice aux moments de partage en famille et avec les amis. "Il permet de synchroniser les rythmes de l'ensemble de la société", souligne M. Lesnard.
De ce fait, le travail dominical a des conséquences plus importantes que le travail en semaine, notamment sur les temps familiaux. Selon les calculs des deux chercheurs, la perte de sociabilité parents-enfants, "toutes choses égales par ailleurs", est ce jour-là "quasiment multipliée par deux" (+43%). Les temps spécifiques mère-enfants et père-enfants sont aussi plus impactés, (-69% et -92% respectivement). Or, "le temps passé ensemble en famille est l'un des piliers du lien familial contemporain", soulignent les auteurs. Les loisirs avec les amis, deux fois plus conséquents le dimanche qu'un jour de semaine non travaillé (83 minutes contre 42), se réduisent aussi: un quart d'heure (-82%) quand le dimanche est travaillé.
Un jour de repos en semaine compense-t-il cette perte de sociabilité? Pas entièrement, selon l'étude. "Une partie des temps de sociabilité parents-enfants et amicale récréative perdus les dimanches ne sont pas récupérés pendant la semaine et correspondent à des pertes nettes pour les travailleurs dominicaux", selon les chercheurs. Les temps parents-enfants sont les plus affectés, avec une perte nette de presque 40 minutes, tandis que la sociabilité amicale se creuse de 25 minutes.
L'étude relève enfin que, de manière générale, le travail dominical "s'inscrit dans des rythmes hebdomadaires atypiques", allant de pair avec des "semaines décalées la nuit" (avec du travail de nuit), "fragmentées" (avec des coupures en journée entre des périodes de travail) et "décalées en soirée".
Des horaires qui sont "assumés principalement par des salariés peu qualifiés de l'industrie et des services", dont le risque d'exposition au chômage est "particulièrement élevé", notent les auteurs. Ils y voient un "correctif" à l'explication qui voudrait que "seuls les salariés pour qui de tels horaires de travail ne posent pas problème acceptent ces emplois".
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