Un particulier peut-il détenir un animal "sauvage" chez lui ?

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Lalia Andasmas, édité par la rédaction.
Publié le 29 juin 2017 - 17:59
Mis à jour le 30 juin 2017 - 11:49
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Un loup.
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©Jean-Christophe Verhaegen/AFP
Un animal sauvage peut, lorsqu'il est tenu en captivité et apprivoisé, devenir un animal "non domestique".
©Jean-Christophe Verhaegen/AFP
En France, il est en principe interdit de détenir un animal sauvage. Toutefois, certains d'entre eux peuvent être considérés comme des animaux "non domestiques" et une personne peut alors en élever sous certaines conditions. Pour "FranceSoir", Lalia Andasmas, juriste spécialisée dans le droit animalier, revient sur la législation en la matière.

Au début du mois de juin, les gendarmes de la brigade de Macau, en Gironde, ont découvert un jeune faon âgé d'une semaine dans le coffre d'une voiture perquisitionnée. Il est en principe interdit de détenir un animal sauvage. Néanmoins avec la magie du droit, lorsque certaines conditions sont réunies, cette détention devient alors possible et l'animal sauvage se transforme juridiquement en un animal non domestique.

L'animal non domestique fait partie des animaux apprivoisés ou tenus en captivité[1]. Ce sont les animaux exclus de l'arrêté interministériel des ministres de l'Agriculture et de la pêche ainsi que celui de l'Ecologie et du Développement durable du 11 août 2006[2]. Celui-ci fixe la liste des espèces, races ou variétés d'animaux domestiques concernés. Par exemple, le tigre est considéré par le droit comme un animal sauvage mais lorsqu'il est tenu en captivité et apprivoisé il est alors un animal non domestique.

La grande différence entre les animaux sauvages et les animaux non domestiques réside dans leur statut juridique. En effet, seuls les animaux non domestiques sont considérés comme des êtres vivants doués de sensibilité[3]. D'ailleurs, ils se voient appliquer les règles protectrices du droit pénal, ce qui n'est pas le cas des animaux sauvages[4].

Avoir un animal non domestique à la maison nécessite de remplir certaines conditions. En effet, l'arrêté du 10 août 2004 fixe les règles générales de fonctionnement des installations d’élevage d’agrément d’animaux d’espèces non domestiques[5]. Les modalités de cet arrêté sont précisées par la circulaire du 17 mai 2005 relative aux règles précisant la détention d'animaux d'espèces domestiques[6]. Il convient d'insister sur le fait que la seule détention d'un animal non domestique par un particulier constitue un élevage d'agrément[7].

L'élevage d'agrément est un élevage amateur, à but non-lucratif. Néanmoins le nombre d'animaux est limité; des seuils réglementaires doivent être respectés. En effet, l'annexe A fixe, par catégorie d'espèces, des seuils au-delà desquels l'élevage est considéré comme un établissement, entrainant l'application d'une réglementation différente.

L'objectif de cette réglementation est de garantir des conditions d'entretien adaptées aux animaux non domestiques afin de satisfaire "les besoins biologiques et le bien-être des animaux hébergés et respecter les dispositions réglementaires applicables aux espèces de la faune sauvage[8]". Par conséquent, un particulier ne peut pas détenir des espèces protégées sans surveillance.

Pour ce faire, sous forme d'annexe, deux catégories d'animaux non domestiques sont distingués. Il sera demandé pour ceux inscrits à l'annexe 1[9] une autorisation de détention préalable en application de l'article L. 412-1 du code de l'environnement[10]. Des dispositions particulières sont prévues.

Ainsi la détention des animaux du genre Cebus spp[11] n'est autorisée que si les animaux apportent une aide à des personnes handicapées et si un apprentissage spécifique a lieu à cet effet. De plus, la détention des rapaces listés à l'annexe 1 n'est autorisée que s'ils sont destinés à la chasse au vol ou aux activités de reproduction de spécimens destinés à la chasse au vol[12]. Selon l'article 4 de l'arrêté du 10 août 2004, la demande d' autorisation est adressée au préfet du département du lieu de détention des animaux. Elle doit comprendre l'identification du demandeur, les activités pratiquées, les espèces ainsi que le nombre de spécimens et une description des installations et des conditions de détention des animaux.

La réglementation est toute autre pour les espèces protégées, dangereuses, fragiles en captivité pouvant porter atteinte à l'environnement (annexe 2[13]). En effet, les particuliers, qui auront alors le statut juridique d'établissement d'élevage non professionnel, devront obtenir un certificat de capacité[14] et une autorisation d'ouverture auprès du préfet[15]. Il convient de préciser qu'il n'existe aucune démarche administrative pour les animaux ne figurant pas dans les annexes 1 et 2 de l'arrêté.

D'autres conditions sont à respecter dont le marquage des animaux[16], qui constitue une condition du maintien de l'autorisation.

Si ces conditions ne sont pas remplies, le particulier encourt des sanctions administratives et pénales. En ce qui concerne les sanctions administratives, le préfet peut suspendre ou retirer l'autorisation si les conditions du maintien de cette dernière ne sont pas respectées. D'un point de vue pénal, l'article L. 415-3 du code de l'environnement[17] qualifie de délit le fait de détenir des animaux en violation des dispositions de l'article L. 412-1 dudit code ou des actes réglementaires pris pour son application. La saisie des animaux détenus irrégulièrement, sous l'autorité du procureur de la République, est prévue par l'article L. 415-5 du code de l'environnement[18].

Toute la difficulté tourne autour du statut juridique de l’animal et de ces différentes catégorisations. La notion d’animal non domestique en constitue une illustration aberrante et peu justifiée notamment au regard de la rigueur dont le droit doit faire preuve. Un changement de statut juridique est alors souhaitable d’autant plus que la loi du 8 août 2016 a substitué la notion "d'espèces animales et végétales" à celle "d'être vivant"[19]. Il convient de poursuivre cette avancée par la reconnaissance aux animaux sauvages du statut d’êtres vivants doués de sensibilité. Ceci aurait le mérite d’uniformiser le droit animalier et de marquer la cohérence dans l’application des textes juridiques relatifs aux animaux, comprenant les dispositions du code pénal.



[1]Suzanne Antoine, Le droit de l'animal, n° 45: "Est considéré comme apprivoisé l'animal qui, contrairement aux spécimens sauvages de son espèce, a perdu ses réflexes de fuite à l'égard de l'homme et qui vit en sa compagnie sans y être contraint".

[2] Arrêté du 11 août 2006 fixant la liste des espèces , races ou variétés d'animaux domestiques https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000789087

[3]Article 515-14 du code Civil. Cf. Jean-Pierre Marguénaud, l'entrée en vigueur de "l'amendement Glavany: un grand pas de plus vers la personnalité juridique des animaux". Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2014 p. 17 http://www.unilim.fr/omij/files/2015/04/RSDA-2-2014.pdf

[4]Le Parti Animaliste a pour projet d'"étendre aux animaux sauvages le champ d'application des infractions commises à l'encontre des animaux". https://parti-animaliste.fr/le-droit-animal/

[7] Article 1 de l'arrêté du 10 août 2004

[8] Article 2 alinéa 3 de l'arrêté du 10 août 2004

[9]Il en va ainsi des daims, des sangliers, des buses, des aigles, des faucons etc.

[11]Les singes capucins.

[12] Article 3 de l'arrêté du 10 août 2004

[13]Exemples: les koalas, les kangourous, les wallabys, les visons d'Amérique, les lamas, les pangolins

[14] Article L. 413-2 du code de l'environnement https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033678915&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=20170626 cf. TA de Limoges, 11 février 2016, M.A..., req n° 1300852 Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2016 p. 202 http://www.unilim.fr/omij/files/2016/12/RSDA_1_2016.pdf

[16]Cf. chapitre III Du marquage des animaux dans un élevage d'agrément- Articles 13 et s. et article 26 pour les animaux de l'annexe II

[19] Lucille Boisseau-Sowinski, "L'incidence de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages sur le droit animalier", Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2016 p. 217.http://www.unilim.fr/omij/files/2016/12/RSDA_1_2016.pdf

 

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