Dans une "démocratie défaillante", que peut signifier "justice pour Nahel" ?

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Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 03 juillet 2023 - 21:30
Mis à jour le 04 juillet 2023 - 14:52
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Image par CQF-avocat de pixabay.com
Pourquoi l'État français, après toutes ces années, n'a-t-il pas réussi à mieux former les forces de l'ordre et à mieux responsabiliser et occuper la jeunesse ?
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ÉDITO - Comme dans un précédent édito, titré "À qui profite le crime", il faut parfois s'autoriser un peu de second degré. Celui-ci est bien pratique pour éclairer l'analyse à chaud et les biais du récit officiel dans lesquels les citoyens ont été enfermés, confinés. Et ce n’est pas Desproges qui aurait pu dire le contraire, après avoir versé au dossier du second degré le brillantissime "Tribunal du Flagrant délire" (1). Plus la situation présentée est consternante, et parfois dramatique, plus l’usage à cet effet du second degré est salvateur.

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“Justice pour Nahel”, voit-on apparaître partout en France depuis avant-hier, sur les murs, les ponts et autres supports du mobilier urbain. En dehors de toute comédie, juridiquement, la peine de mort a été abolie en France en 1981. Mais après un tel drame, la mort d’un jeune homme de 17 ans, n’est-elle pas d'une certaine façon toujours en pratique, en France ?

Un policier ou un gendarme, dans l’exercice de ses fonctions, peut encore se retrouver dans une situation dans laquelle il doit, en une fraction de seconde, décider de "condamner à la mort" un suspect, sans aucune autre forme de procès possible que la justification qu'il fallait mettre un terme à un crime, qu'il s'est senti en danger ou qu'autrui l'était.

Il existe évidemment des cas de légitime défense où l’on invoque le devoir d'abattre un individu avant qu'il ne (re)commette un crime, à savoir en tant qu'unique recours possible à son empêchement.

Mais nombreux sont les observateurs étrangers qui considèrent qu'en France tout n'est que détournement, excès et abandon, dans le domaine précis de l'ordre public et par rapport à ce type d’événements tragiques.

Le département responsable des droits de l’Homme à l’ONU avait donné 60 jours à la France pour répondre aux interrogations sur les violences policières lors des manifestations. La France n’a pas daigné répondre.

Et au fond, pourquoi l'État français n'a-t-il pas pris des mesures auparavant pour essayer de mieux encadrer dans les textes juridiques ce genre de situations ? En vigueur depuis mars 2017, l'article 435-1 alinéa 4 du Code de la sécurité intérieure, qui octroie certaines possibilités d'ouvrir le feu aux forces de l'ordre, n'encadre pas tous les cas de figure.

Pourquoi l'État français, après toutes ces années, n'a-t-il pas réussi à mieux former les forces de l'ordre et à mieux responsabiliser et occuper la jeunesse ? Au final, des vies sont brisées, des deux côtés d'une barrière qui ne devrait pas exister.

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Je constate tristement que depuis plusieurs jours, les banlieues brûlent, la population est excédée, les forces de l’ordre sont à cran, la tension est à son maximum. Les habitués des plateaux télé se pressent pour proposer leur opinion.

Le politique aussi : le président Macron évoque des mesures de restrictions sur les réseaux sociaux qu’il juge hâtivement, ou sous un autre prétexte que la raison, responsable de la propagation de la violence. Il ne se rappelle pas qu’en 2005, il n’y avait pas de tels réseaux et que cela n’a pas empêché les émeutes.

N’est-il point temps de regarder la réalité en face et de prendre la vraie mesure de ce qui s’est passé afin de "rendre justice" aux Français ? Il faudrait alors peut-être prendre le temps, au-delà des polémiques et des invectives de tous bords, de réfléchir et agir de façon rationnelle.

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Je constate aussi que deux cagnottes s’opposent sur les réseaux sociaux sans que cela n’attire l’attention du gouvernement ou du président - cela n'a pas toujours été le cas. Celle en soutien à la famille du policier qui a tiré mortellement sur Nahel dépasse le million d'euros, alors que celle pour la famille de Nahel approche les 200.000 euros. 

Rappelons que la cagnotte de soutien à Christophe Dettinger, Gilet jaune et boxeur, qui avait frappé sur un policier, avait été suspendue, du fait que celle-ci pouvait servir à financer des frais des justices.

Prosaïquement, au nom de certains principes, dont l’équité de traitement, n’était-il pas envisageable d’attendre - que l’on soit pour ou contre ce type de cagnottes - le même type de décision afin de ne pas provoquer d'indignation ? Ce déséquilibre fait conclure à un manque de décence.

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À chaque fait divers choquant, repris en boucle par les médias à en générer une réaction d’outrage ou de peur panique collective, certains vont jusqu'à affirmer la possibilité qu’en réalité, il s'agisse d'une cabale.

Et cette entente dans l'ombre se servirait des “deep fakes” et autres hypertrucages. Certes, ils existent et la répétition d’un mot ou d’une image des dizaines de fois n’en fait ni une réalité, ni une vérité. Mais ici le complotisme, soit le fait de ne pas alimenter le contradictoire d'une version officielle de façon suffisamment argumentée pour en constituer une théorie soutenable, fait rage !

Je ne partage pas le positionnement de dire qu'un faux “ceci” ou un faux “cela” serait en fait orchestré et opéré en secret par ceux qui auraient intérêt à ce que la France soit prise d'un climat de terreur...

Par exemple afin qu'il soit rendu possible, in fine, de remplacer notre démocratie représentative et libérale par une “démocratie autoritaire”, au sein de laquelle auraient été progressivement réduits les degrés de liberté octroyés aux citoyens au travers de normes et de lois permettant la mise en place de la République Populaire d’Europe.

La RPE pourrait ainsi rejoindre le modèle de la RPC, la République Populaire de Chine. Soit un système démocratique mais selon le pouvoir de Pékin. Voilà toutefois qui pourrait donner ainsi raison à The Economist d'avoir relégué deux années de suite la France au rang de “démocratie défaillante”...

Cependant, à France-Soir, nous donnons la parole à tous ceux qui, en apportant les arguments, les démonstrations, les faits, peuvent rendre la version "alternative" d'un événement plausible. Nous n'hésiterons pas à en faire part prochainement et plus en détail, toujours avec des éléments vérifiés et établis pour les appuyer.

Note :

(1) Desproges a versé ce réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen, "cité" devant "Le Tribunal des Flagrants Délires", en 1982, l'émission radiophonique vedette de France-Inter. Malgré ses 41 ans, ce texte est pris en référence par la justice française aujourd'hui, pour fixer les limites de ce qu'on peut dire en matière "d'humour second degré".

ndlr : modification faite le 4 juillet 2023 à 14h52 : précisions apportées sur la cagnotte "de la famille du policier".

 

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