Justice, éthique : de la poudre de perlimpinpin !

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 03 avril 2023 - 17:00
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Justice
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Edward Lich de Pixabay
Edward Lich de Pixabay

ÉDITO - « Les pires criminels, croyez-moi, souvent sont les récriminateurs, les donneurs de leçons. »  

Longue, très longue, est la liste des affaires judiciaires politiques qui, hélas, consacrent la pertinence du proverbe ci-dessus. 

En effet, Nicolas Jeanneté, directeur du parti « Les Centristes » (affilié au parti Les Républicains) et conseiller municipal de la Ville de Paris, s'y est fait connaître en tant qu'élu désigné et parangon revendiqué de la lutte anti-drogue (1). Or, il a été placé en garde à vue le 21 mars 2023, devinez pourquoi ?

Gagné ! Pour trafic de stupéfiants. 

Sa garde à vue a été prolongée le 23 mars 2023. En effet, lors de la perquisition effectuée à son domicile, des images à caractère pédopornographique ont été découvertes par la police. Bien que, comme tout justiciable, Nicolas Jeanneté est présumé innocent tant qu'il n'a pas été reconnu coupable par un jugement devenu définitif (si tant est qu'il sera jugé un jour).

Mais ce nouveau cas d'une affaire judiciaire d'un homme politique pris la main dans le sac ou dans le pot de confiture, pose fondamentalement deux questions. 

La première, les Français de la rue se la posent avec ces mots, des mots crus, d'accord, mais qui ont le mérite de parler à tout le monde : « Sommes-nous dirigés par des voyous ? » 

Je m'abstiens de vous faire part de ma réponse, car, selon moi, ce qui est le plus intéressant, c'est la réponse qu'il importe d'apporter à la deuxième question que cette nouvelle affaire judiciaire, donc, pose fondamentalement : 

« L'augmentation de ce type d'affaires sous la présidence d'Emmanuel Macron est-elle à ce point énorme que, paradoxalement, les Français n'y prêtent plus aucune attention ? » 

Ou encore ! « Pour eux, serait-ce devenu la norme ? » 

Non parce que, rien que dans les gouvernements qui se sont succédés sous son autorité depuis 2017, la France bat tous les records. De plus, si on ajoute à cela tous les élus et responsables politiques membres de sa majorité qui ont été mis en examen, le « Who's who ? » des abus de biens sociaux, détournements de fonds, recels, infractions sexuelles et autres devient plus épais qu'un annuaire téléphonique de jadis. C'est impressionnant, et ça l'est éminemment davantage vu de l'étranger. 

Déjà, c'est un fait, le comportement d'Emmanuel Macron en public suffit à lui seul à donner une image regrettable de la France au-delà de ses frontières. Les médias étrangers s'empressent de répercuter cela (The Telegraph, Financial Times) tant sur ces affaires que sur la violence dans la répression des manifestations. 

Cependant, tant dans les pays qui, officiellement, sont nos partenaires politiques, économiques, culturels et militaires, que dans les pays qui nous font concurrence dans ces domaines, ce qui est pointé du doigt comme étant plus inadmissible que le comportement de Macron, c'est ceci.

Il y a dans son gouvernement, des ministres qui officient alors qu'ils sont mis en examen pour des infractions très graves. Avec en prime l'injure suprême qui est faite à la probité qui normalement est exigée par un membre du gouvernement : un ministre de la Justice qui est mis en examen pour des faits commis dans l'exercice de ses fonctions de ministre de la Justice. 

Certes, il nie les faits et à ce titre, il peut valablement se prévaloir du principe constitutionnel de la présomption d'innocence.

Au titre de principe constitutionnel du respect de la séparation des pouvoirs, Éric Dupond-Moretti, membre du pouvoir exécutif, n'a pas hésité à faire des bras d'honneur aux députés en pleine séance du Parlement (pouvoir législatif). Vu de l'étranger, ce manque de respect a fini de remplir une coupe déjà archi pleine. 

Elle déborde, même, plus exactement. Car, bien que les poursuites intentées contre Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, ont cessé, ce n’est pas parce que son innocence a été apportée, mais bien parce que les faits qui lui étaient reprochés auraient été considérés prescrits.  

Julie Klein professeure de droit à Sciences Po expliquait à ce propos dans un article de 2020, intitulé “l’écran de fumée de la présomption d’innocence” : « Indépendamment du point de savoir si la relation [sexuelle] a bien été consentie »« la matérialité des faits, non contestée par le ministre lui-même, marque déjà l’exploitation d’une position de pouvoir dans le champ des relations intimes ».  

Gérald Darmanin a été maintenu dans ses fonctions durant toute la durée de la procédure, en application du principe constitutionnel de la présomption d'innocence. Cependant, ce n’est pas parce que sa culpabilité a été rapportée de manière incontestable, et par ses propres dires.  

Hé oui ! Devant le juge d'instruction, il a reconnu avoir proposé une relation sexuelle à une dame, contre la promesse de tel avantage que l'exercice des fonctions qu'il occupait à l'époque lui permettait de lui accorder. La dame a consenti à cette relation sexuelle et celle-ci a été consommée. 

En conséquence, le fait que postérieurement à cela, Gérald Darmanin n'ait pas accordé l'avantage en question à cette dame, cela ne “le dédouane pas” pour autant. Ce fait établit un élément matériel de plusieurs infractions : corruption passive de fonctionnaire et viol commis par personne dépositaire de l'autorité publique agissant dans l'exercice de ses fonctions. 

En effet, dans ces infractions, ce qui compte, ce n'est pas que le fonctionnaire ait tenu l'engagement qu'il a pris auprès de l'administrée pour obtenir ses faveurs. Non. Le délit de corruption passive de fonctionnaire est matérialisé de facto immédiatement après que "l'affaire proposée" par le fonctionnaire a été acceptée par l'administrée.

De plus, le délit de viol est matérialisé par l'effectivité du rapport sexuel, quand le détenteur de l'autorité y contraint l’administrée. N’est-ce pas le cas ici puisqu’une promesse d’accorder un tel avantage était liée à l'exercice des fonctions que Gérald Darmanin exerçait à l'époque ? 

À moins d'aller sur le terrain du manque de compétence, Eric Dupond-Moretti, avocat spécialiste des affaires de viol, en est donc parfaitement au courant. Malgré cela, il n'en a nullement fait état durant la procédure. C'est pourtant un argument essentiel. N’était-il donc pas important, voire du devoir du ministre, d’ordonner au procureur d’en faire état devant le juge d'instruction, et étalage devant la presse ?

En prenant en compte un autre élément de l’analyse de Julie Klein « Dès lors que le curseur n’est pas la culpabilité, mais l’exemplarité, Gérald Darmanin ne peut s’abriter derrière une argutie purement juridique pour échapper à la discussion. » 

Eric Dupond-Moretti a-t-il préféré le positionnement corporatiste, au détriment de l’exemplarité, consistant à pratiquer la politique de l'autruche pour préserver la virginité judiciaire de son collègue de l'intérieur, et lui permettre ainsi de se maintenir au gouvernement ?   

Comme, Raymond Devos avait déclaré « Un ministre, ça ne se vend pas ! Ça s'achète parfois !, mais ça ne se vend pas », quelque part, cette affaire contribue à donner une portée substantielle à l'affirmation que Vladimir Poutine a faite plus ou moins à ce sujet lors de sa dernière allocution télévisée : « Les élites deviennent folles. ».  

S'il ne s'agit pas de corruption, ou d'un énième en même temps sous forme de poudre de perlimpinpin, serait-ce donc bien de folie dont il s'agit ?

(1) Nicolas Jeanneté, au moment de « l'affaire Palmade », devant le Conseil de Paris, le 13 février 2023, a clamé son engagement contre l'usage du Chemsex : « Depuis deux ans, j’alerte les pouvoirs publics et la Maire de Paris sur la hausse inquiétante de prise de drogues lors de rapports sexuels festifs. Je regrette la frilosité d’Anne Hidalgo en matière de politique de prévention. », avait-il alors osé.

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