Covid-19 et vaccination : atteintes potentielles de la glande thyroïde

Auteur(s)
Estelle Fougères, pour FranceSoir
Publié le 09 février 2023 - 17:10
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Jean-Marc Sabatier
Crédits
FranceSoir
Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie à Marseille
FranceSoir

ENTRETIEN - Certaines pathologies thyroïdiennes plus ou moins sévères peuvent être liées au dysfonctionnement du système rénine-angiotensine, qui peut être induit par une infection au virus Sars-CoV-2 ou apparaître suite à une vaccination anti-Covid-19. 

Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie à Marseille, revient pour FranceSoir sur les aspects physiopathologiques des maladies thyroïdiennes pour en expliquer les mécanismes biologiques. 

Nous précisons que Jean-Marc Sabatier s'exprime ici en son nom.

Estelle Fougères - La protéine Spike qui est la protéine virale de surface est celle qui permet au Sars-CoV-2 d’entrer dans les cellules de l’hôte en se fixant à la protéine présente à la surface de ces cellules : le récepteur ECA2 (enzyme de conversion de l’angiotensine-2).

Comme vous l’avez expliqué dans de nombreux entretiens, le récepteur ECA2 fait partie d’un vaste système hormonal physiologique ubiquitaire appelé le système rénine-angiotensine. Il est présent sur l’ensemble des tissus et organes et la glande thyroïde ne fait pas exception à cela.

Cependant, avant d’aborder les atteintes potentielles de la glande thyroïde suite à une infection par le Sars-CoV-2 ou une vaccination, pouvez-vous nous rappeler le rôle fondamental que joue cette glande dans l’organisme. À quoi sert-elle ? Quelle est sa fonction, son anatomie ? Où est-elle située dans le corps ?

Jean-Marc Sabatier - La thyroïde est une petite glande (d’environ 5 cm) localisée sur la face antérieure du cou chez les humains (elle est formée de deux lobes situés de part et d’autre du larynx, en dessous de la pomme d’Adam). Il s’agit d’une glande endocrine impliquée dans de nombreux processus physiologiques via la sécrétion d’hormones thyroïdiennes : la triiodothyronine (T3), la thyroxine (T4) et la calcitonine.

L’hormone T3 est directement issue d’une dés-iodation de la pro-hormone T4 (via l’action de l’enzyme thyroperoxydase TPO activée par l’hormone anté-hypophysaire thyréostimuline ou TSH). L’hormone T3 intervient dans la grande majorité des processus physiologiques du corps humain (et des vertébrés en général), dont la croissance de l’organisme, le métabolisme cellulaire, la digestion, la fertilité, la respiration, la fréquence cardiaque, le maintien de la température du corps (production de chaleur), etc. La pro-hormone T4 doit être transformée (par dés-iodation) en T3 pour être totalement active.

La calcitonine (essentiellement produite par les cellules parafolliculaires – ou cellules C – de la thyroïde, localisées dans le tissu conjonctif adjacent aux follicules thyroïdiens dans la proportion d’une cellule C pour cinq thyréocytes) intervient dans le métabolisme du calcium et du phosphore, et présente une activité hypo-calcémiante et hypo-phosphorémiante. La calcitonine régule le taux de calcium sanguin en ralentissant la libération de calcium par les os tout en augmentant l’excrétion urinaire du calcium par les reins.

Par conséquent, ces trois hormones thyroïdiennes jouent un rôle clef, via la régulation du métabolisme de base des cellules, mais également via leurs interactions avec d’autres systèmes hormonaux majeurs (dont ceux impliquant l’hormone de croissance, l’insuline, l’adrénaline, le glucagon, et autres). Ainsi, la glande thyroïde contrôle la « vitesse » de fonctionnement de nos cellules et organes (elle stimule notamment la production des protéines et augmente la consommation d’oxygène des cellules).

Estelle Fougères - Les dysfonctionnements de la thyroïde (dysthyroïdie) touchent plus de 15 % de la population française, soit plus de 8 millions de personnes et plus de 200 millions de personnes dans le monde. Les nodules thyroïdiens, deux à trois fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes, touchent 50 % des femmes de plus de 50 ans.

Pouvez-vous nous expliquer tous les dysfonctionnements et les pathologies thyroïdiennes ?

Jean-Marc Sabatier - Dans certains cas, il peut exister une dysthyroïdie (hyperthyroïdie ou hypothyroïdie), c’est-à-dire un mauvais fonctionnement de la glande thyroïde.

Lors d’une hyperthyroïdie, les hormones thyroïdiennes sont sécrétées en excès conduisant à une accélération de notre métabolisme. Cette hyperthyroïdie s’accompagne de symptômes, tels qu’une fièvre modérée ou fébricule, une perte de poids, une tachycardie, des tremblements, et de l’anxiété. La maladie de Basedow est une hyperthyroïdie liée à la présence d’anticorps stimulant la production des hormones thyroïdiennes. Elle se caractérise par une exophtalmie (les yeux apparaissent rouges et sortent plus ou moins des orbites oculaires), un goitre (grossissement de la glande thyroïde), et un déficit oculomoteur (difficulté de rotation de l’œil). Il est notable que l’hyperthyroïdie peut également être due à : (i) l’existence de nodules ou d’un adénome toxique sécrétant – de façon autonome – des hormones thyroïdiennes en excès (un apport alimentaire excessif en iode peut être responsable de cette hyper-sécrétion hormonale), et (ii) une inflammation de la glande thyroïde (thyroïdite subaiguë lymphocytaire survenant généralement après un accouchement, et thyroïdite subaiguë de De Quervain survenant potentiellement après une infection virale, y compris au SARS-CoV-2). À ces thyroïdites subaiguës succèdent une hypothyroïdie transitoire évoluant vers un fonctionnement normal de la glande thyroïde. L’hyperthyroïdie peut être provoquée par une prise de médicament cardio-actif (e.g. amiodarone).

À l’inverse des hyperthyroïdies, l’hypothyroïdie se traduit principalement par un taux anormalement faible des hormones thyroïdiennes associé à un métabolisme réduit, les symptômes étant une prise de poids, un ralentissement des activités psychomotrices (mouvements, pensée/réflexion), et/ou une sensation de froideur corporelle. La maladie d’Hashimoto est une hypothyroïdie chronique d’origine auto-immune altérant le tissu thyroïdien. Certaines hypothyroïdies peuvent survenir lors d'atteintes à la glande (acte chirurgical ou radiothérapie) ou lors d’une prise de médicaments (anti-thyroïdien, interféron, iode radioactif ou non, lithium, etc.). Les hypothyroïdies peuvent être congénitales.

Estelle Fougères - Quels sont les différents symptômes et les signes cliniques de la dysthyroïdie ?

Jean-Marc Sabatier - Les principaux symptômes de la dysthyroïdie associée à une hyperthyroïdie ou hypothyroïdie sont une asthénie/fatigue sévère, une anxiété ou état de confusion mentale, une fièvre légère (fébricule) ou une hypothermie modérée (température corporelle inférieure à 36° C), une pression artérielle anormale (hypertension ou hypotension), une arythmie ou des troubles cardiaques tels que l’insuffisance cardiaque (perte de la tonicité du cœur affectant sa capacité à pomper le sang) et l’insuffisance coronaire (diminution de l’apport sanguin au myocarde), l’existence d’un goitre ou d’une exophtalmie, un ralentissement psychomoteur allant jusqu’à l’état comateux. Une dysthyroïdie peut être mise en évidence par un dosage de la thyroxine T4, ou de la thyréostimuline TSH (hormone hypophysaire qui stimule la production des hormones thyroïdiennes). Un dosage d’anticorps ciblés, ou une échographie de la thyroïde peut également être réalisé. Il existe aussi un examen par imagerie qui permet de différencier le type de nodule thyroïdien : la scintigraphie. Cet examen permet de différencier un nodule chaud qui sécrète des hormones thyroïdiennes (la plupart du temps bénin), d’un nodule froid qui ne sécrète pas d’hormone thyroïdienne (bénin dans environ 90 % des cas, mais qui peut se révéler être un cancer dans < 10 % des cas). 

Estelle Fougères - La protéine Spike issue d’une infection au Sars-CoV-2 ou celle modifiée issue d’une vaccination anti-Covid-19 peut-elle être à l’origine du déclenchement d’une dysthyroïdie, d’une tumeur, voire d’un cancer de la thyroïde ?

Jean-Marc Sabatier - La principale cible cellulaire de la protéine Spike du virus SARS-CoV-2 est le récepteur ECA2 (enzyme de conversion de l’angiotensine-2) appartenant au système rénine-angiotensine (SRA). La fixation de la protéine Spike virale ou vaccinale (protéine Spike modifiée produite par les vaccins anti-Covid) sur le récepteur ECA2 conduit à une augmentation de l’hormone angiotensine-2 et à la suractivation du récepteur « délétère » AT1R responsable des maladies Covid-19. Ainsi, la protéine Spike du virus (issue d’une infection au SARS-CoV-2) ou vaccinale (issue d’une vaccination anti-Covid) induit un dysfonctionnement du SRA (et la suractivation de son récepteur AT1R).

Le SRA contrôle les fonctions rénale, pulmonaire, cardio-vasculaire, ainsi que l’immunité innée et les divers microbiotes de notre organisme. Le SRA constitue un système physiologique et hormonal majeur se retrouvant dans tous les tissus et organes du corps humain, dont le cerveau, le cœur, les poumons, le foie, la rate, le pancréas, la peau, le tissu adipeux, les yeux, la vessie, les glandes surrénales, le système auditif, le système vasculaire, les organes reproducteurs et la thyroïde.

Le récepteur AT1R suractivé est pro-hypertenseur (il induit une vasoconstriction des vaisseaux sanguins), pro-inflammatoire (il induit un orage de cytokines pro-inflammatoires délétères), pro-thrombotique (il provoque des thromboses), pro-hypoxémique (il diminue la charge en dioxygène des globules rouges), pro-hypoxique (il induit une déficience de l’oxygénation des tissus et des organes), pro-oxydant (il induit un stress oxydant avec un relargage de particules réactives de l’oxygène pouvant tuer des cellules), pro-angiogénique (il favorise la vascularisation et le développement de tumeurs et cancers potentiels), pro-fibrosant (il provoque une fibrose irréversible d’organes), pro-hypertrophiant (il fait grossir des organes), et fait chuter le monoxyde d’azote (il perturbe les fonctions inflammatoires, immunitaires et mnésiques).

Cette suractivation du SRA et de son récepteur AT1R par la protéine Spike virale ou vaccinale peut conduire à un dérèglement de l’immunité innée (le SRA qui pilote normalement l’immunité innée est dysfonctionnel, car il est suractivé), et au déclenchement – ou aggravation – de maladies auto-immunes (hémophilie acquise, scléroses-en-plaques, polyarthrite rhumatoïde, lupus, diabète de type 1, purpura thrombopénique immunologique, etc.). Ainsi, des maladies auto-immunes diverses peuvent être déclenchées et n’apparaitre qu’après plusieurs mois (ces effets indésirables peuvent donc être latents et apparaître tardivement). Pour certaines personnes souffrant de maladies auto-immunes, une aggravation de la maladie peut être observée.

Estelle Fougères - L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) dans son « enquête de pharmacovigilance du vaccin COVID-19 » par rapport au vaccin « Spikevax » de Moderna pour la période du 3 décembre 2021 au 6 janvier 2022, a soulevé le problème des thyroïdites subaiguës survenues suite à une injection de vaccin anti-Covid 19 (https://ansm.sante.fr/uploads/2022/01/25/20220121-covid-19-focus-pv-moderna-4.pdf)

 

Jean-Marc Sabatier - En effet, j’avais identifié ce problème de thyroïdites associées à la vaccination anti-Covid dès l’été 2021. Quel que soit l’antigène, si trop de rappels « vaccinaux » sont effectués (c'est-à-dire si on sature/déborde le système immunitaire), l'immunité innée sera immanquablement déréglée, conduisant à l’apparition de maladies auto-immunes. Celles-ci peuvent concerner divers organes, dont la thyroïde. Ainsi, la protéine Spike virale ou vaccinale peut dérégler l’immunité innée puisqu'elle agit directement sur le SRA qui pilote l’immunité innée. Il est notable qu’un dérèglement de l’immunité innée conduit à un dérèglement de l’immunité adaptative/acquise, c’est-à-dire à un dysfonctionnement généralisé du système immunitaire (syndrome d’immunodéficience acquise ou SIDA).

Les pathologies liées au SRA dysfonctionnel peuvent être inflammatoires (myocardite, péricardite, vascularite, uvéite, conjonctivite, hépatite, thyroïdite, etc.) ou non inflammatoires, et affecter le système cardio-vasculaire (arythmie cardiaque, syndrome de détresse respiratoire aiguë, variation de la pression artérielle, etc.), le tractus digestif (troubles digestifs, dont les diarrhées), le système nerveux (troubles neurologiques, atteintes du système nerveux central, neuropathies des systèmes nerveux périphériques somatique et autonome, etc.), et autres.

L’infection virale au SARS-CoV-2 et les injections vaccinales répétées peuvent clairement initier ou favoriser le développement de maladies auto-immunes (le SRA – qui est dysfonctionnel – pilote l’immunité innée) et de tumeurs/cancers (le SRA est impliqué dans la différenciation et la prolifération cellulaire, ainsi que dans l’angiogénèse).

Parmi ces pathologies auto-immunes se trouvent les maladies de Basedow (ou Graves-Basedow) et d'Hashimoto.

La maladie auto-immune de Basedow est essentiellement féminine (avec cinq femmes concernées pour un homme) ; elle se traduit par une hyperthyroïdie due à la présence d’auto-anticorps anti-récepteur de la TSH (appelés TRAK « TSH-Rezeptor-Antikörper » ou LATS « Long acting thyroïd stimulator ») stimulant la production d’hormones thyroïdiennes (il est notable que certains anticorps anti-récepteur de la TSH peuvent être bloquants et conduire à une hypothyroïdie). Cette maladie est traitée par des anti-thyroïdiens de synthèse (e.g. thiamazole, carbimazole). Ceux-ci sont contre-indiqués durant la grossesse, car ils traversent la barrière placentaire affectant potentiellement la fonction thyroïdienne du fœtus. Un traitement à base d’iode radioactif, voire l’ablation de la thyroïde (thyroïdectomie), sont également possibles. Les symptômes associés à la maladie de Basedow sont l’augmentation du volume de la thyroïde (goitre), les troubles oculaires (exophtalmie due à une inflammation de muscles proximaux sous-jacents et à un déficit oculomoteur), une tachycardie, une perte de poids, une agitation, des tremblements et une sensation de chaleur.

L’hypothyroïdie chronique d'Hashimoto est une maladie auto-immune inflammatoire principalement féminine (avec sept femmes concernées pour un homme) due à une attaque des cellules de la thyroïde par des anticorps auto-immuns, entrainant une hypothyroïdie. Cette maladie est traitée par le Lévothyrox, un médicament mimant la thyroxine T4 naturelle (en cas de myocardite induite par le vaccin anti-Covid, le Lévothyrox ne doit pas être utilisé). Les symptômes généralement associés à la maladie d’Hashimoto sont la nervosité ou l’irritabilité, la fatigue chronique, les douleurs articulaires, la prise de poids, la constipation, un épaississement au niveau des doigts et du visage, et une pâleur du teint. Parmi les tumeurs bénignes ou malignes (cancer) de la thyroïde, se trouve l’adénome ou nodule toxique responsable de la sécrétion excessive des hormones thyroïdiennes (hyperthyroïdie). Ces nodules très fréquents dans la glande thyroïde sont bénins dans 90 % des cas. Pour les nodules malins qui restent rares et de pronostic favorable, on distingue les cancers folliculaires et papillaires (majoritaires avec 85 % des cas), les cancers anaplastiques et les cancers médullaires (minoritaires avec < 5 % des cas). À un stade précoce, ceux-ci ne provoquent généralement aucun symptôme, mais peuvent être accompagnés de grosseur(s) au niveau du cou, de difficultés à la respiration ou déglutition, et de troubles de la voix (bitonale, rauque ou enrouée).

En résumé, le Covid-19 et la vaccination anti-Covid peuvent induire un dysfonctionnement thyroïdien (hyperthyroïdie ou hypothyroïdie) plus ou moins sévère, ainsi que des tumeurs bénigne et maligne (cancer) de la glande thyroïde. Ces effets néfastes sur l’organisme reposent principalement sur les propriétés pro-inflammatoires et pro-angiogéniques délétères du récepteur AT1R suractivé, ainsi que sur l’immunodéficience de l’hôte induite par un dérèglement du SRA (provoqué par la protéine Spike virale ou vaccinale) qui pilote l’immunité innée. Les inhibiteurs du SRA aux vertus anti-inflammatoires et capables de restaurer une immunité innée fonctionnelle (e.g. vitamine D) devraient être d’intérêt pour contrecarrer les effets délétères potentiels de la protéine Spike sur la glande thyroïde et les autres organes ou tissus du corps humain.

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