Comprendre et soulager les troubles neuropathiques du Covid long

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Estelle Fougères, pour FranceSoir
Publié le 27 janvier 2023 - 19:45
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Jean-Marc Sabatier
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Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie à Marseille
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ENTRETIEN - Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie à Marseille, revient sur les troubles neuropathiques du Covid long pour en expliquer les causes, les symptômes et les solutions thérapeutiques qui peuvent être prodiguées aux patients qui en souffrent. 

Nous précisons que Jean-Marc Sabatier s'exprime ici en son nom.

Estelle Fougères - On estime que 15 à 20 % des personnes qui ont été infectées par le coronavirus Sars-CoV-2 ont vu leurs symptômes se prolonger dans le temps. Actuellement, il y aurait plus de deux millions de personnes qui ont conservé des symptômes longtemps après l’infection. Lorsqu’ils se prolongent au-delà de quatre semaines, on parle de syndrome post-covid, également appelé covid long. 

Plus d’une centaine de symptômes sont répertoriés. Les plus fréquents sont : la fatigue, les troubles neurologiques (cognitifs, sensoriels, céphalées), l’anosmie (troubles de l’odorat), l’agueusie (troubles du goût), troubles digestifs (Sibo, diarrhée), cardio-thoraciques (tachycardie, dyspnée), acouphènes, troubles cutanés (démangeaison, urticaire, engelures), douleurs articulaires, musculaires ou tendineuses.

Des études scientifiques, mais également les examens radiologiques, notamment le PET-scan, montrent que l’infection par Sars-CoV-2 peut toucher le système nerveux et provoquer des troubles neurologiques. Parmi ces troubles, il existe la neuropathie, trouble susceptible d’entrainer d’intenses douleurs chroniques, provoqué par la lésion de certains nerfs. Pour ce nouvel entretien, vous avez voulu décrire pour la première fois l’origine des troubles ou pathologies invalidantes en lien avec le Covid long ou avec la vaccination. 

Cependant, au préalable, afin que les lecteurs puissent comprendre les mécanismes en jeu du système nerveux, pouvez-vous décrire l’ensemble de ce vaste système, constitué de plusieurs structures ou parties ?

Jean-Marc Sabatier - Le système nerveux (SN) des humains régule le fonctionnement de l’organisme et contrôle les informations sensorielles et motrices (mouvements musculaires). Le SN agit sur l’organisme via un réseau complexe de nerfs et de cellules nerveuses qui font circuler les informations du système nerveux central (SNC) vers les divers organes et parties du corps ou, à l’inverse, des divers organes et parties du corps vers le SNC.

Le SN est constitué du SNC (comprenant l’encéphale et la moelle épinière) et du système nerveux périphérique ou SNP (comprenant les nerfs et les ganglions à l’extérieur du SNC). Le SNP - qui véhicule les informations entre les divers organes ou tissus et le SNC - est lui-même constitué du système nerveux somatique (qui gère les relations de l’organisme avec le monde « extérieur » : perception au toucher, mouvements volontaires, etc.) et du système nerveux autonome (SNA, aussi appelé système nerveux végétatif, il gère les fonctions vitales « internes » de l’organisme). Le système nerveux somatique véhicule les informations du cerveau vers les muscles squelettiques et des organes sensoriels vers le cerveau.

Le système nerveux autonome (SNA) régule ainsi l’ensemble des processus corporels « automatiques » du corps humain, à savoir les battements cardiaques, la pression artérielle, la respiration, la digestion, la température corporelle et autres. Dans le SNA, les cellules nerveuses innervent (à distance via les nerfs périphériques) les cellules des muscles lisses de la paroi des organes, du muscle strié du cœur (myocarde), des glandes sécrétrices et du système immunitaire.

Estelle Fougères : En résumé, le système nerveux autonome (SNA) est la partie du système nerveux qui est directement lié aux organes internes et dont la fonction principale est de réguler certains processus physiologiques.

Jean-Marc Sabatier – Oui. Le SNA se subdivise en deux systèmes : les systèmes nerveux sympathique (SNS, aussi appelé système nerveux orthosympathique) et parasympathique (SNPS). Les systèmes nerveux SNS et SNPS ont des actions opposées qui permettent de réguler finement l’activité fonctionnelle des organes « internes ».

Le système nerveux sympathique SNS est « piloté » par le système rénine-angiotensine (SRA) qui contrôle les fonctions rénale, pulmonaire, cardio-vasculaire, ainsi que l’immunité innée et les divers microbiotes de notre organisme. Le SRA constitue un système physiologique et hormonal majeur se retrouvant dans tous les tissus et organes (cerveau, cœur, poumon, foie, rate, pancréas, peau, œil, organes reproducteurs, glandes surrénales, système auditif, système vasculaire, etc.) du corps humain. Une infection au virus SARS-CoV-2, voire une vaccination anti-Covid-19, peut provoquer un dysfonctionnement du SRA et une suractivation de son récepteur AT1R à l’origine des maladies Covid-19. Ainsi, le SNS est particulièrement ciblé par le virus SARS-CoV-2 via un dysfonctionnement du SRA.

D’une manière générale, une activation du SNS prépare notre organisme à l’action (e.g. combat ou fuite). En situation de stress, le SNS activé peut provoquer une augmentation immédiate de la pression artérielle (hypertension), de la fréquence cardiaque (tachycardie) et pulmonaire, une dilatation des bronches et/ou des pupilles, une diminution de l’activité digestive (inhibition du péristaltisme et des sécrétions pouvant induire un SIBO ou « Small Intestinal Bacterial Overgrowth », c’est-à-dire une pullulation bactérienne de l’intestin grêle), un relâchement de la vessie (fuite urinaire), une stimulation de l’orgasme, une transpiration, une augmentation de la production et de la libération du glucose dans le sang, une sécrétion d’adrénaline (hormone et neurotransmetteur du SNC) et de noradrénaline (une hormone adrénergique et un neurotransmetteur du SNS impliqué dans la dépression, les émotions, la vigilance, le réveil et sommeil, les rêves et cauchemars). Le SNS est étroitement associé aux activités de l’adrénaline et de la noradrénaline.

Le système nerveux parasympathique SNPS s’oppose au SNS et induit un ralentissement généralisé des fonctions de l’organisme. L’activation de ce système se traduit par une diminution de la pression artérielle, du rythme cardiaque et de la fréquence pulmonaire, tandis que la fonction digestive et la libido sont augmentées. L’activation du SNPS est favorisée par la relaxation. Ce système est associé à l’acétylcholine (neurotransmetteur du SNC et SNP). Les médicaments anticholinergiques (anti-allergies, anti-nauséeux et anti-dépresseurs) sont actifs sur le SNPS.

La neuropathie (appelée neuropathie périphérique ou polyneuropathie) correspond à une altération des nerfs du système nerveux périphérique SNP parcourant le corps (hors SNC).

À titre d’exemple, le syndrome de Guillain-Barré (ou polyneuropathie inflammatoire démyélinisante aiguë) est une maladie auto-immune inflammatoire aiguë du SNP au cours de laquelle le système immunitaire de l’hôte attaque les nerfs périphériques. Ce syndrome se traduit par une faiblesse musculaire soudaine pouvant conduire à une paralysie. Il s’accompagne de troubles neuropathiques sensitifs, et d’une diminution ou disparition des réflexes (paralysie flasque). Le syndrome de Guillain-Barré est une pathologie rare de la Covid-19 et peut apparaître suite à une vaccination anti-Covid (notamment avec les vaccins COVISHIELD d'AstraZeneca et JCOVDEN de Janssen Inc.).

Estelle Fougères - Quelles sont les causes de la neuropathie ?

Jean-Marc Sabatier - Les causes principales de la neuropathie sont le diabète (hyperglycémie chronique ou excès de glucose dans le sang) et l’immunodéficience. Les carences en vitamines, les infections microbiennes, la présence de neurotoxines et/ou les troubles auto-immuns, sont des causes additionnelles possibles de la neuropathie.

Il est notable que les diabètes de type 1 (maladie auto-immune caractérisée par la destruction de cellules bêta-pancréatiques) et de type 2 (intolérance au glucose) peuvent être induit par le SRA dysfonctionnel via la suractivation du récepteur AT1R. Le dysfonctionnement du SRA via la suractivation du récepteur AT1R est lui-même (potentiellement) induit par la protéine Spike virale ou vaccinale, suite à l’interaction de la protéine Spike avec le récepteur ECA2 (enzyme de conversion de l’angiotensine 2) des cellules cibles. Les carences en vitamines (e.g. vitamines K, B8, B9 et B12) peuvent apparaître suite à un SIBO (pullulation bactérienne de l’intestin grêle) également déclenché par le dysfonctionnement du SRA qui pilote le microbiote intestinal. L’immunodéficience peut être acquise par l’hôte du fait du dérèglement de l’immunité innée induit par le SRA dysfonctionnel (ce dernier pilote l’immunité innée). Les troubles auto-immuns sont aussi associés à ce dérèglement de l’immunité innée. La neuropathie résultant de la présence de neurotoxine(s) ou d’infection(s) microbienne(s) ne pourrait-elle pas naître de la présence de la protéine Spike au tropisme du SNP et SNC, ou d’une infection microbienne au virus SARS-CoV-2 ou autres microbes (e.g. bactéries) co-infectants ?

Estelle Fougères – Quels sont les symptômes de la neuropathie et quels sont les divers types de neuropathies ?

Jean-Marc Sabatier - Les neuropathies provoquent divers symptômes chez l’hôte (e.g. personne souffrant de Covid long) en fonction du type de fibres nerveuses impliquées (fibres motrices liées à la contraction des muscles squelettiques et internes, fibres sensorielles véhiculant les informations des diverses parties du corps au cerveau, ou fibres autonomes liées aux organes reproducteurs et de l’appareil digestif, à la vessie, aux glandes sudoripares et vaisseaux sanguins). La neuropathie affecte fréquemment les pieds ou les mains qui constituent des régions distantes davantage susceptibles d’être altérées.

Dans une neuropathie motrice, les symptômes courants sont la fatigue, l’apparition de crampes, une faiblesse musculaire aux mouvements, ainsi qu’une musculature réduite.

Dans une neuropathie sensorielle, les symptômes peuvent aller de la douleur et démangeaisons neuropathiques, aux sensations de brûlures ou de coupures (sans cause apparente), aux blessures indolores, à la perte d’équilibre (ataxie sensorielle), ou à la diminution de la capacité à percevoir des sons (hypoacousie), voire à une surdité.

Dans une neuropathie autonome, les symptômes sont variables selon les organes affectés. Par exemple, il peut s’agir d’un trouble de la fonction urinaire (diurèse) ou sexuelle (érection). Les troubles gastro-intestinaux (e.g. syndrome de l’intestin irritable) se traduisent par des nausées, douleurs abdominales, vomissements, ballonnements, diarrhées ou constipation. On y retrouve la gastroparésie (atteinte de la fonction digestive se traduisant par le ralentissement de la vidange de l’estomac via le nerf vague qui ne régule pas correctement l’activité musculaire gastrique). L’hypotension orthostatique (atteinte des cellules nerveuses liées aux vaisseaux sanguins) à l’origine de malaises et de chutes, ainsi que le syndrome de tachycardie orthostatique posturale (ou POTS qui est une augmentation transitoire du rythme cardiaque lors d’un changement de position, s’accompagnant d’une fatigue intense et persistante ainsi que d’une intolérance à l’effort physique), sont également des neuropathies autonomes.

Il existe également les neuropathies périphériques des petites et grandes fibres nerveuses (les grandes fibres ont une gaine de myéline axonale).

Les neuropathies des petites fibres (systèmes nerveux somatique et autonome) peuvent donner de multiples symptômes indésirables : sueurs, vertiges, vomissements, pieds rouge vif, sensations de froid ou de chaleur (voire de brûlures), douleurs aiguës (mains, bras, visage, poitrine), douleurs osseuses, décharges « électriques » (remontant dans les jambes), POTS, épuisement (un à deux jours) après l’exercice. Ces petites fibres nerveuses agissent dans l’organisme comme des capteurs de la douleur et de la température (tandis que les grandes fibres nerveuses gèrent les vibrations, contrôlent les muscles et leurs mouvements, ainsi que la localisation spatiale des membres). Ainsi, par leur action sur le système nerveux autonome, les petites fibres agissent sur la pression sanguine, la digestion, la respiration, l’immunité et la fonction des glandes sécrétrices. Il est notable que les neuropathies des petites fibres sont fréquemment provoquées par un diabète, des désordres auto-immuns (e.g. syndrome de Sjögren décrit parmi les maladies Covid-19 et souvent associé au syndrome du côlon irritable ; il est caractérisé par une déficience de la production des glandes exocrines lacrymales et salivaires) ou cancers, tous potentiellement déclenchés par le dysfonctionnement du SRA induit par la protéine Spike virale ou vaccinale. D’autres facteurs favorables au déclenchement des neuropathies à petites fibres sont une consommation excessive d’alcool, certaines maladies génétiques rares, ainsi que l’existence d’une maladie cœliaque (maladie auto-immune de l’intestin grêle due à une intolérance au gluten).

Estelle Fougères – Quels sont les examens à effectuer pour poser un diagnostic ?

Jean-Marc Sabatier - En cas de suspicion de neuropathies à petites fibres nerveuses, notamment chez les personnes souffrant de Covid long, la biopsie cutanée peut être réalisée (contrairement aux tests classiques basés sur des impulsions électriques des muscles et nerfs) avec une sensibilité d’environ 90%. Un diagnostic basé sur le fonctionnement des glandes sudoripares est aussi possible.

Estelle Fougères – Quelles sont les solutions pour combattre ces neuropathies ? Les nerfs peuvent-ils se régénérer ?

Jean-Marc Sabatier - Il est important de mentionner qu’il existe plusieurs médicaments (prise orale) capables de réduire ou traiter les douleurs neuropathiques associée à un diabète, dont (i) les gabapentinoïdes (e.g. gabapentine, prégabaline), (ii) les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de sérotonine et de noradrénaline (e.g. venlafaxine, duloxétine, desvenlafaxine), (iii) les antidépresseurs « classiques » tricycliques (e.g. imipramine, clomipramine, amitriptyline, nortriptyline), et (iv) les bloqueurs de canaux sodium (e.g. lacosamide, carbamazépine, oxcarbazépine, lamotrigine).

En application topique, la capsaïcine (molécule du piment) est recommandée pour soulager les douleurs neuropathiques périphériques. Elle désensibilise les récepteurs ionotropiques de chaleur TRPV1 (« transient receptor potential vanilloid type 1 ») du système nerveux.

Rappelons que le dysfonctionnement du SRA induit par la protéine Spike virale (lors d’une infection naturelle au SARS-CoV-2) ou vaccinale (lors d’une « vaccination » anti-Covid-19) peut être traité par des inhibiteurs du SRA, tels que la vitamine D, la thymoquinone, la mélatonine, la quercétine, la dexaméthasone, etc. Dans le cas de neuropathies diabétiques, un traitement par la metformine (anti-diabétique contre le diabète de type 2) devrait être d’intérêt.

Estelle Fougères – Existe-t-il une solution « naturelle » pour traiter ces neuropathies ?

Jean-Marc Sabatier - Le SRA suractivé par la protéine Spike (virale ou vaccinale) induit une dysbiose des flores microbiennes, dont le microbiote intestinal. Cette dysbiose favorise l’émergence du syndrome métabolique (appelé aussi syndrome X). Le syndrome métabolique est caractérisé par une obésité, une hypertension artérielle, un diabète de type 2 (glycémie à jeun anormale) ou une résistance à l’insuline, et une dyslipidémie (taux anormaux de cholestérol et autres lipides sanguins). Dans le microbiote intestinal humain, une des bactéries les plus abondantes (représentant 3 à 5% des bactéries intestinales) est Akkermansia muciniphila. L’abondance de cette bactérie anaérobie diminue chez les personnes atteintes du syndrome métabolique. Un traitement à la metformine (utilisé pour réguler la glycémie du diabète de type 2) augmente la proportion de bactéries Akkermansia muciniphila. De même, la chirurgie bariatrique (chirurgie de l’obésité qui modifie l’anatomie du système digestif en vue de diminuer la quantité et/ou l’assimilation des aliments par l’organisme) employée pour lutter contre l’obésité, augmente également la proportion de cette bactérie intestinale. Ainsi, une supplémentation en probiotiques (compléments alimentaires contenant des micro-organismes vivants) riches en bactéries Akkermansia muciniphila pourrait aider à traiter des neuropathies. L’effet de cette supplémentation en probiotiques est favorisé par la prise d’un complément de butyrate de sodium (Butyflam Coated, 3 grammes par jour). Le butyrate est un acide gras à chaîne courte normalement produit par les bactéries intestinales (par une fermentation de fibres non digestibles). La présence intestinale du butyrate – sous forme de butyrate de sodium – permet une meilleure tolérance immunitaire (i.e. prévention de l’inflammation excessive ou de réactions auto-immunes).

 

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